Et
en un seul Seigneur...
Du Père le Credo affirme qu'il est Dieu. Du Fils
il dit ensuite qu'il est Seigneur. Est-ce à dire
que le Fils n'est pas Dieu ? Aucunement. Le mot qu'en
français nous traduisons par Seigneur est Kyrios.
Si peu helléniste qu'ils soient, tous les orthodoxes,
et naguère encore tous les catholiques, supplient
le Dieu tri-unique en lui disant : Kyrie eleison, ce
qui veut dire : Seigneur, aie pitié ( de nous
). Dans la Bible grecque, "Kyrios" rend systématiquement
"IHVH", le tétragramme sacré,
Iahvé, Adonaï. Lorsqu'en Mt. 22, 43, citant
le psaume 110, 1 " Le Seigneur a dit à mon
Seigneur : Siège à ma droite... ".
Jésus s'applique à lui-même le titre
de Seigneur, laissant ainsi soupçonner sa nature
divine. Et l'Eglise primitive utilisera le même
psaume pour proclamer la seigneurie, c'est-à-dire
la divinité du Christ ressuscité (cf.
Ac 2,34 ; Ro 10, 9 ; 1Co 12, 3 ; Col 12, 6). En confessant
la seigneurie de Jésus Christ, le Credo de l'Eglise
exprime, à la suite de saint Paul, sa conviction
qu'en inaugurant par sa mort et sa résurrection
le Royaume de Dieu, et en recevant de son Père
céleste la souveraineté suprême,
le Christ est devenu le Seigneur des Seigneurs, reconnu
par l'univers tout entier et infiniment supérieur
aux prétendus " Kyrioi " que sont les
empereurs. " Possédant forme de Dieu, le
Christ Jésus n'a pas regardé comme une
prérogative d'être égal à
Dieu, mais il s'est anéanti en prenant forme
d'esclave, en devenant pareil aux hommes. Et quand il
a eu figure humaine, il s'est abaissé à
obéir jusqu'à mourir et mourir en croix.
Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il accordé
le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu'au Nom
de Jésus, tout genou plie, dans les cieux, sur
terre et sous terre, et que toute langue confesse que
Jésus Christ est Seigneur, à la gloire
de Dieu le Père " (Ph 2, 5-11).
...
Jésus ...
Le français Jésus est une transcription
de l'hébreu " Iéshoua ", nom
propre signifiant Iahvé est salutaire, lahvé
sauve. Avant Jésus de Nazareth, ce nom fut porté
par de nombreux Israélites, notamment par le
fils de Nun ( Josué ), auxiliaire de Moïse
durant la marche au désert (cf Nb. 13, 8 et 16
et 32, 28 ; Ex. 17, 8-16 et 24, 3), et par le grand
prêtre Josué (Za 3, 1) et par le Siracide
(Si. 50, 27. cf. également 2Chr 31, 15 ; 1Chr.
24, 11 et Esdr, 3, 9). Dans le Nouveau Testament, ce
nom est également porté par Jésus
Barabbas, tout au moins selon de bons manuscrits qui
désignent ainsi le brigand dont il est question
en Mc. 15, 7 et Lc. 23, 18-19. Mais ces manuscrits n'ont
pas été suivis, très certainement
par respect pour le Christ. Dans l'épître
aux Colossiens, il est question d'un Jésus surnommé
Justus, collaborateur de st Paul (Col 4,11). Dans le
christianisme seuls les Espagnols ont osé donner
ce nom à des catéchumènes. Mais,
quand les Corses ou les Grecs appellent un homme Sauveur,
ils lui donnent un nom qui a le même sens que
Jésus. Dans le récit du songe de Joseph
en Mt. 1, 21 l'auteur du premier Evangile se réfère
à l'étymologie du nom Jésus lorsqu'il
fait dire à l'ange : " ... Elle enfantera
un fils et tu lui donneras le nom de Jésus, car
il sauvera ( autos gar sossei ) son peuple de leurs
péchés ". Jésus est annoncé
à Joseph comme le Sauveur, non point des oppresseurs
étrangers, mais de ses péchés.
...
Christ...
Avant de devenir, dans le christianisme, un nom propre,
ce mot a désigné une fonction. C'est la
transcription du mot grec " Christos ", lui-même
traduction du mot hébreu " mashiah ",
devenu en français " messie ". En grec,
" Christos " signifie : oint, enduit, graissé,
qui a reçu l'onction d'huile sainte. Cet adjectif,
car c'est un adjectif avant d'être un substantif,
vient du verbe " chriô " qui signifie
: oindre, notamment pour consacrer. Dans l'Ancien Testament,
les rois d'Israël étaient consacrés
par une onction d'huile sainte signifiant que leur fonction
royale faisait d'eux les lieutenants de Iahvé
en Israël. Après l'exil, la royauté
ayant disparu, on se mit à oindre le Grand Prêtre
qui était devenu le chef de la communauté
israélite. Jésus fut baptisé par
Jean dans le Jourdain, mais il ne reçut aucune
onction d'huile. Et pourtant, les chrétiens le
considèrent comme l'Oint par excellence. C'est
que Jésus Christ est essentiellement celui sur
lequel, de toute éternité, avant tous
les siècles, repose la plénitude du saint
Esprit qui procède du Père. Dans la synagogue
de Nazareth, Jésus lit le texte d'Is. 6 1, 1
sq, : " L'Esprit du Seigneur est sur moi... "
Or, il a la prétention, absolument exorbitante
pour ses auditeurs, de s'appliquer le texte à
lui-même. A la fin, " tous dans la synagogue
furent remplis de colère, et s'étant levés
ils le poussèrent hors de la ville et le conduisirent
jusqu'au sommet de la colline sur laquelle leur ville
était bâtie, pour le précipiter
" (Lc 4, 28-29). Cette fois-là, Jésus
échappa à la mort. Mais nous savons que
l'Acte 5 de la tragédie sera le Vendredi saint.
Or, si Jésus fut mis à mort, ce ne fut
pas parce qu'il prétendit être le Messie
attendu depuis si longtemps et avec quelle impatience
par Israël, mais essentiellement parce qu'il prétendit
être le Messie d'une manière totalement
inattendue pour les Juifs. Jésus est mort d'avoir
osé s'affirmer comme Messie oint par le Père
d'une manière telle qu'elle faisait de lui le
Réceptacle éternel de l'Esprit, et, en
conséquence, son Dispensateur unique et incontournable
ici-bas, parmi les hommes.
...
le Fils de Dieu, son unique-engendré, né
du Père avant tous les siècles.
On se contente, dans toutes nos traductions en français,
de rendre le mot grec " monogénès
", par : " Fils unique ". Le grec est
beaucoup plus précis : il s'agit du Fils unique
engendré. Ce n'est pas un pléonasme. En
effet, si un couple adopte un enfant, ce dernier sera
légalement, juridiquement et surtout affectivement
fils mais non pas engendré : si vous adoptez
un asiatique ou un africain, tout le monde le considèrera
comme votre fils, vous-même l'aimerez autant que
vos autres enfants, si vous en avez déjà,
mais il sautera aux yeux de tout le monde que cet enfant
n'est pas biologiquement votre fils ! Le Credo de l'Eglise
affirme que de toute éternité Dieu est
Père d'un Fils qu'il engendre en lui communiquant
toute sa Puissance vitale de Père, c'est-à-dire
l'Esprit saint dont il sera question dans la troisième
partie, et que, lorsque ce Fils coéternel à
lui est devenu l'un des hommes, il fut encore son unique
Père au plan de la génération biologique
humaine : Jésus de Nazareth est le fils biologique
de la vierge Marie, mais il n'est pas le fils engendré
de Joseph, il n'en est que son fils adoptif . L'homme
Jésus étant la même personne que
le Fils coéternel au Père, il n'a pu avoir
qu'un Père ici-bas, celui qui est dans les cieux.
Dans les Evangiles, Jésus nous demande de nous
adresser à Dieu en lui disant : " Notre
Père ". Il dit : " Mon Père
" Mais il ne dit jamais " Notre Père
" en se comptant lui-même avec ses disciples.
Après sa résurrection, il dit à
Marie de Magdala en Jn. 20, 17 : " ... va trouver
mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père
et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ".
Et d'ailleurs, tout au long des quatre Evangiles nous
voyons bien que le regard que les disciples avaient
sur la personnalité si mystérieuse de
Jésus, les laissait pénétrés
de crainte et de respect. Certes, ils avaient auprès
de lui chaud au cur, d'une manière que
ni un ami, ni une femme, ni leurs parents, ni leurs
vignes ni leurs figuiers ne leur avaient jamais laissé
pressentir. Mais ce n'était pas de la camaraderie.
Ils avaient besoin de lui, un besoin de toute l'âme
; il parlait très fortement à tout ce
que leur être fruste avait de meilleur, de cet
Autre obscur qu'attend secrètement tout homme.
Mais lui n'avait nul besoin d'eux. Il y avait un plan
de son être où ils ne pénétraient
pas. Du côté de la terre, il était
seul, mystérieusement seul. Mais il ne l'était
pas du côté de Dieu, du côté
de celui qu'il appelait, avec un accent étrange
et qui n'était qu'à lui, son Père.
Lumière
issue de la Lumière, Dieu véritable issu
du Dieu véritable...
En Jn 8, 12, Jésus affirme : " Moi je suis
la Lumière du monde ". A l'office des vêpres,
l'Eglise chante : " Lumière joyeuse de la
sainte gloire du Père immortel, céleste,
saint et bienheureux, ô Jésus Christ !
" Jésus Christ est la Lumière du
monde, c'est-à-dire des hommes, en ce sens très
précis qu'il est le Révélateur
du Père et le Dispensateur de l'Esprit que, de
toute éternité, il reçoit de son
Père. En créant le monde et les hommes,
le Père céleste a répandu dans
sa création comme dans le cur de tout homme,
la Lumière et la Vie dont le Père comble
de toute éternité son Fils en lui faisant
le don de son saint Esprit. Le Fils est le Modèle
divin dont le Père reproduit quelques traits,
quelques pâles reflets en chaque réalité
qu'il crée. Le Père des lumières
répand la splendeur infinie de son être
en son Fils, et de son Fils, par le prisme de l'acte
créateur, il fait sortir des êtres qui
tous participent de quelque manière à
la lumière, à la beauté, à
la gloire de l'Etre unique, mais ne peuvent en être
qu'un aspect fini, limité. Toute réalité
créée est le reflet du Fils unique-engendré.
Toute réalité créée est
l'image du Père, un fragment de l'icône
du Père qu'est le Fils unique-engendré.
Toute réalité créée, le
corps d'une femme, la musique de Mozart, les montagnes
de Corse dans le soleil de juillet, répand quelque
chose de la Lumière véritable qu'est le
Père réverbérée en son Fils.
Et, en ce qui nous concerne nous, les êtres humains,
tout notre être personnel n'a de signification
que pour être plongé, un jour, totalement
dans la Vie divine qui est lumière, pour être
immergé dans la Vie divine qu'est l'Esprit saint
et qui jaillit de la génération du Fils
unique-engendré par le Père. " La
Vie était Lumière des hommes, dit le Prologue
du quatrième Evangile. Et la Lumière dans
les ténèbres brille " (Jn 1, 4-5).
...
engendré, non créé...
C'est à cause de l'hérésie d'Arius
que l'Eglise a été amenée à
formuler sa foi en Christ en opérant cette distinction
fondamentale entre engendré et créé.
Originaire de Libye, Arius ( 256-336 ) reçut
sa formation théologique à Antioche. D'Antioche,
il se rendit à Alexandrie où il fut ordonné
diacre puis prêtre. A partir de l'an 318 environ,
il se mit à provoquer de nombreuses discussions,
en raison d'une doctrine théologique individuelle
qu'il proposait dans ses homélies comme la foi
de l'Eglise.
A la base de la théologie d'Arius se trouve un
postulat qui, dès le départ, l'empêchait
de saisir la véritable relation unissant Dieu
le Père et Dieu le Fils. Ce postulat était
que la divinité devait non seulement être
incréée, mais aussi " agennètos
", inengendrée. Il s'ensuivait que le Fils
ne peut être vraiment Dieu. Il n'est que la première
des créatures de Dieu et, comme elles toutes,
il fut tiré du néant, et non point de
la substance même du Père. Aussi diffère-t-il
essentiellement de lui. Il y eut un temps, selon Arius,
où le Fils n'existait pas. Il est le Fils de
Dieu au sens moral du terme, mais non pas au sens métaphysique.
C'est improprement qu'on lui décerne le titre
de Dieu, car l'unique Dieu véritable, le Père,
l'a adopté comme fils. De cette filiation par
adoption ne résulte aucune participation effective
à la divinité du Père, aucune véritable
ressemblance avec celle-ci. Le Fils occupe une place
intermédiaire entre le monde et Dieu le Père
qui l'a créé pour en faire l'instrument
de sa création. Le saint Esprit est encore moins
divin que le Fils. Le Fils est devenu Jésus de
Nazareth en ce sens qu'il a rempli en Jésus la
fonction de l'âme.
Mais si Jésus de Nazareth n'est pas Dieu, c'est
tout l'édifice chrétien qui s'effondre
comme un château de cartes. Car enfin, toute la
nouveauté du christianisme par rapport à
toutes les autres religions, consiste à affirmer
que l'humanité a été atteinte et
de part en part pénétrée par la
divinité, qu'elle a été divinisée.
Si ce n'est pas Dieu lui-même qui, en la personne
du Fils, est devenu l'un des hommes, l'homme n'a aucune
possibilité de devenir ce que Dieu est, d'être
divinisé, d'être introduit dans l'intimité
même de la vie divine. L'homme ne peut être
atteint et rejoint par Dieu autrement que par Dieu le
Fils devenu l'un des hommes. L'homme étant un
corps est rejoint corporellement par Dieu. L'humanité
est divinisée par le seul fait que Dieu le Fils
est entré en elle. Dans le corps humain de Jésus
de Nazareth habite toute la plénitude de la divinité
du Père. Et si tout homme est sauvé, c'est
en ce sens que Dieu le Fils étant réellement
devenu corporellement l'un des hommes, tout homme a
pour destinée, toute humaine existence a pour
sens ultime de pénétrer dans l'intimité
de l'Acte générateur éternel par
lequel Dieu le Père communique à Dieu
le Fils la plénitude de sa Vie divine de Père,
à savoir Dieu le saint Esprit.
...
consubstantiel au Père...
La plupart du temps, à l'heure actuelle, les
chrétiens traduisent très mal ce passage
du Credo en disant, au lieu de consubstantiel au Père
: de même nature que le Père. En effet,
les milliards d'hommes et de femmes que nous sommes
fragmentent la nature humaine. Chacun de nous a plus
ou moins de mémoire, d'intelligence, de santé,
de vertu. Nous sommes plus ou moins des hommes, aucun
de nous ne possède la plénitude de l'humanité.
Seul Jésus de Nazareth a possédé
cette plénitude. Seul Jésus de Nazareth
a été un homme en plénitude parce
qu'il était pleinement Dieu. En Jésus
de Nazareth nous a été révélé
que Dieu seul est pleinement humain. Jésus de
Nazareth fut plus pleinement, plus complètement
humain que ne l'avait cru Arius.
Mais dire que l'Un de la Trinité devenu l'un
des hommes était pleinement, totalement Dieu
tout en étant pleinement homme, et plus généralement
dire que Dieu est simultanément trois personnes
et un Dieu unique, c'est dire que chacune des trois
divines personnes est si totalement, si complètement,
si pleinement Dieu que toutes trois réunies ne
constituent pas trois dieux mais un Dieu unique : chacune
des trois personnes divines possède toute la
nature divine.
par
l'entremise de qui tout a été fait.
Le Credo cite ici le Prologue de l'Evangile selon saint
Jean qui, en son troisième verset, affirme au
sujet du Fils : " Tout fut fait par son entremise,
et sans lui rien n'a été fait de ce qui
fut fait. Dieu le Père tout-puissant a créé
le ciel et la terre, toutes les réalités
aussi bien visibles qu'invisibles ", par la médiation
de son Fils. Le Fils est, de toute éternité,
le Miroir du Père ( l'image du Dieu invisible
Col 1, 15), c'est pourquoi il en a été,
ici-bas, l'unique Révélateur. Il est donc,
comme la représentation devant le Père
de toutes les possibilités infinies de réalités
que le Père est en mesure de créer. Et
en créant ces réalités, Dieu le
Père contemple le Modèle de toutes choses
en son Fils unique-engendré. Son unique-engendré
est, nous dit saint Paul dans son épître
aux Colossiens, " le Premier-né de toute
la création " (Col 1, 15). L'expression
paulinienne n'est pas sans équivoque. En effet,
faut-il comprendre que le Fils est le premier-né
de toute créature, ce que dirait volontiers Arius,
ou bien qu'il est le premier-né, le premier-engendré
du Père avant toute créature ? St. Paul
n'est pas encore arrivé, ici, à la plénitude
de clarté dans l'expression du mystère
divin. Au contraire, saint Jean, dans son Prologue,
a atteint cette plénitude. Le Fils est Dieu,
il est le Miroir du Père, le resplendissement
de la gloire divine du Père, la splendeur de
sa substance. L'admirable anaphore de saint Basile le
Grand s'adresse au Père au sujet de son Fils
en lui disant : " Il est l'icône de ta bonté,
le Sceau qui te reproduit fidèlement. En lui-même
il montre que tu es son Père. Il est la Parole
vivante, Dieu véritable, la Sagesse d'avant les
siècles, la Vie, la sanctification, la puissance,
la Lumière véritable ". Et un peu
plus loin la même anaphore dit encore au Père
au sujet de son Fils : " Lorsque vint la plénitude
des temps, c'est par ton propre Fils que tu nous as
parlé, par l'entremise de qui tu as créé
les siècles (c'est-à-dire le monde). Lui
qui, étant resplendissement de ta gloire, et
empreinte de ta réalité personnelle, lui
qui porte l'univers par la puissance de sa Parole, il
n'a pas estimé comme une prérogative d'être
ton égal, ô Dieu son Père ".
De toute éternité, Dieu le Père
engendre son Fils unique comme le Miroir, la représentation
de tout ce qui peut exister, de toutes les créatures
possibles que Dieu a le dessein providentiel de créer.
Dieu le Père pense son Fils, et en pensant son
Fils, il pense toutes les créatures qu'il va
amener à l'existence avec la Puissance de vie
dont, de toute éternité, il comble son
Fils et qui est son saint Esprit. De toute éternité,
le Fils est en Dieu le Réceptacle de la Vie du
Père.
C'est pourquoi, ce serait une grave erreur de croire
que les réalités cosmiques, la splendeur
du monde créé, et donc la physico-chimie
mathématique et la biologie, ainsi que l'astronomie,
la matière se situent en dehors de Dieu, comme
si Dieu s'était contenté de les créer
pour les abandonner ensuite à elles-mêmes
et les condamner à exister sans relation vivante
et étroite avec lui. En réalité,
le Credo affirme, et déjà saint Jean en
son Prologue, que toutes les merveilleuses découvertes
de nos savants modernes et contemporains sur le cosmos,
sur la terre, sur les étoiles, sur les atomes,
sur l'univers prodigieux de la cellule vivante, que
tout cela est l'uvre du Fils consubstantiel et
coéternel au Père.
Par conséquent, lorsque nous communions au Corps
et au sang du Fils ressuscité, nous communions
à Celui qui a créé le ciel et la
terre, qui ne cesse de les créer, de les maintenir
dans l'être. Nous devons adopter sur le mystère
de notre foi un point de perspective cosmique. Le Fils
est le Prisme de la Lumière divine et incréée
du Père, qui dans l'acte créateur se polarise
en un nombre apparemment infini de créatures.
Par elle-même, la lumière est blanche,
mais à travers un prisme elle se décompose
dans toutes les couleurs de l'arc-en-ciel : le rouge,
le vert, etc... C'est un peu ainsi, mutatis mutandis,
que le Fils est celui par l'entremise de qui tout a
été fait. Le Fils est infiniment au-dessus
des anges, infiniment au-dessus des saints, infiniment
au-dessus de tout être créé parce
que, " à l'origine était la Parole,
et la Parole était auprès de Dieu, et
la Parole était Dieu. Elle-même était
à l'origine près de Dieu. Tout fut fait
par son entremise et sans elle rien n'a été
fait de ce qui fut fait (Jn 1, 1-3). Le Père
est bien le créateur du ciel et de la terre,
de toutes les réalités visibles aussi
bien qu'invisibles, mais il ne l'est pas autrement que
par l'entremise co-créatrice de son Fils unique-engendré.
Dieu crée en prononçant son Fils. En tant
que nous sommes des créatures du Père
tout-puissant, nous sommes marqué du sceau de
son Fils. Et donc, tout ce qui survient en chacune de
nos pauvres vies, toutes les épreuves que nous
expérimentons, toutes les souffrances, parfois
atroces, que nous éprouvons, toutes les vicissitudes
de chacune de nos existences tourmentées, tout
est, mystérieusement mais très effectivement,
en relation intime avec l'Acte générateur
éternel par lequel le Père communique
à son Fils la plénitude de Vie qu'est
son Souffle paternel, son très saint, bon et
vivifiant Esprit. Si tout est advenu à l'existence
par l'entremise co-créatrice du Fils, cela signifie
que tout ce qui nous advient, même la souffrance,
même la maladie, même la mort inéluctable,
est directement ordonné à notre entrée
dans l'Acte générateur et divinisant du
Père sur son Fils.
A nous de prendre conscience de notre grandeur infinie
et de notre infinie dignité du fait que nous
sommes sortis des Mains du Père par son Fils.
" Agnosce, o christiane, dignitatem tuam ",
nous dit le pape saint Léon le Grand (Reconnais,
ô chrétien, ta dignité. Saint Léon
le Grand. Premier sermon en la Nativité du Seigneur.
ln Sermons. t.1 Coll. Sources chrétiennes, n°22bis.
Ed. du Cerf. 1964. 2ème édition. p. 72).
A nous de méditer avec toute notre foi et tout
notre amour sur la toute-puissance du Fils en nous comme
créateur et rédempteur, c'est-à-dire
libérateur et divinisateur. A nous de nous soumettre
totalement à son action divinisatrice pour que
nous vivions jour après jour dans l'attente de
sa gloire. A nous de voir le cours du monde et l'odyssée
de chacune de nos existences conduits par le Père
selon l'ordre de son Fils.
P.
André Borrely Recteur de la paroisse St Irénée,
Marseille (France) in revue "Orthodoxes à
Marseille" N° 68