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Illustration
d'un livre du 14ème siècle, évoque
sur la même page des paroles de l'Ancien et du
Nouveau Testament.
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TRADITIONS
AUTOUR DE NOEL EN EUROPE
1.-
L'AVENT
Les
longues nuits froides, de la fin de l'automne à
l'hiver, faisaient naître les pires craintes
dans un monde rural où mauvais temps, insectes,
rongeurs, maladie étaient synonymes de famine.
Aussi les croyances et superstitions anciennes visaient
à conjurer ces menaces et s'assurer que les
beaux jours reviendraient, que la lumière reprendrait
le dessus, que la végétation renaîtrait,
que les semis lèveraient dans les champs, que
le bétail serait épargné par
la maladie et que les enfants nombreux, garantiraient
l'avenir. Sapin, fruits, bougies, guirlandes, bûches
sont les vestiges des symboles de ces rites agraires
associant culte solaire, culte de la fertilité
et du renouveau et exorcisme des peurs nocturnes.
La période de l'Avent, qui doit ses références
à la religion chrétienne n'a pas totalement
rompu avec ces traditions, au premier rang desquelles
on trouve le chant.
Avec le retour des nuits noires et longues revenaient
les peurs et croyances anciennes. Lors de Samain,
la nuit du
31 octobre au 1er novembre, les Celtes fêtaient
le retour de la saison froide. Ils ne connaissaient
que deux saisons, la saison des mois "jaunes",
dont le retour avait lieu la nuit du 30 avril au 1er
mai, et la saison des mois "noirs". Cette
nuit de Samain était réputée
mettre en contact le monde des morts et des esprits
et celui des vivants. La Toussaint, surtout le jour
des morts, de même que la fête anglo-saxonne
d'Halloween témoignent encore de ces craintes
ancestrales.
Des
tournées bienfaisantes
Lors d'Halloween, littéralement "veille
de la Toussaint", les enfants américains
vont frapper aux portes des maisons en faisant la
quête et en menaçant " Trick or
treat ! " (un bonbon sinon un mauvais tour).
Aux seuils des maisons ou aux fenêtres, vacille
une petite lumière placée dans une citrouille
évidée et taillée de manière
à évoquer une figure grimaçante.
La présence du légume, fréquente
dans d'autres tournées du moment révèle
d'anciennes préoccupations agraires, tout comme
les enfants, déguisés en sorcières,
en squelettes, en fantômes, témoignent
de ces peurs d'autrefois ; même si ces costumes
amusent et que cette mise en scène ne fait
que mettre en dérision une nuit qui n'est plus
vraiment inquiétante. Ces coutumes, comme toutes
celles qui s'attachent à ces nuits qui marquent
cette période de l'hiver étaient autrefois
investies des symboles des croyances anciennes, symboles
solaires, rites de fertilité qui côtoyaient
les peurs de la longue nuit d'hiver peuplées
de personnages démoniaques. Christianisées,
elles s'appellent maintenant "Saint-Martin",
"Saint-Nicolas", ou "Sainte-Lucie".
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Des
tournées d'enfants, annonciatrices d'espoirs,
y avaient leur place ; et leurs musiques, leurs comptines
ou leurs chants traduisaient vux et promesses.
Ces tournées soudaient entre eux les enfants
d'un même quartier ou d'un même village,
et c'était l'occasion pour eux d'être
reconnus des habitants. Cette véritable agrégation
sociale était plus importante qu'elle n'en
avait l'air. Le groupe était vu, autant qu'il
était écouté. A côté
de cette fonction sociale, les tournées avaient
aussi un but magique et protecteur, comme les étrennes
que l'on distribuait aux chanteurs pour les remercier.
Malheur à celui qui n'ouvrait pas sa porte
: il s'assurait une année bien peu prospère
! Les enfants ne sont-ils pas les dépositaires
de l'avenir ? On offrait aux petits quêteurs,
pour le remercier, une poignée de noix, de
noisettes ou une pomme. En échange, on se mettait
l'avenir de son côté. Sans doute est-ce
là l'une des origines des cadeaux que l'on
aime toujours échanger la nuit de Noël
au pied de l'arbre, même s'ils ont maintenant
la forme de jouets. Ces nuits étaient marquées
aussi par des défilés que l'on connaît
encore dans certaines régions, avec des personnages
grimaçants et bruyants tels les Pères
Fouettards qui personnalisaient l'hiver, et d'autres,
beaux et lumineux à l'image de Martin, Nicolas
ou Lucie qui symbolisaient l'espoir des beaux jours,
le retour de la lumière et de la paix. La vie
agricole ralentissait avec le retour de l'hiver et
les occupations étaient plus tournées
vers les travaux domestiques. Les journées
passaient plus lentement peut-être, mais elles
n'étaient pas inoccupées pour autant.
Il fallait réparer les outils, filer la laine...
A partir de la Saint-Martin, on tuait le cochon, ce
qui entraînait de joyeuses agapes en famille
ou entre voisins. Cette fête d'abondance, comme
celles qui terminent les moissons ou les vendanges,
portait à la joie : on riait et on chantait
autour des tables. En cette période plus tranquille,
on prenait le temps de se réunir aux veillées.
Tous y chantaient aussi. Ce n'était plus autour
d'une table, mais auprès de la cheminée.
Les plus vieux racontaient des histoires, des légendes
entendues de leurs grands-parents ou d'édifiants
souvenirs d'enfance. Ces moments de convivialité
n'ont pas complètement disparu et ils marquent
encore nos réunions familiales de ce moment
de Noël.
Des
tournées d'enfants ont toujours lieu dans beaucoup
de pays de l'Avent jusqu'aux Rois. Par petits groupes,
ils chantent la joie de Noël et leurs vux
dans de célèbres Christmas Carols en
Grande-Bretagne ou en Amérique du Nord, à
partir de la Saint-Thomas dit-on, le 21 décembre,
ou des villancicos en Espagne, Weilnachtslieder en
Allemagne ou en Autriche, Regolë en Hongrie,
Colinde en Roumanie ou Kallenda en Grèce...
Cette coutume est très répandue et partout,
les enfants sont récompensés de friandises
ou de piécettes qu'ils gardent ou distribuent
au profit d'une bonne uvre. Partout aussi, les
injures et malédictions pleuvent sur ceux qui
n'ouvrent pas leur porte. Ils sont accompagnés
parfois d'un petit orchestre de guitares, tambourins
et clochettes comme en Espagne, ou d'un seul joueur
qui agite en mesure son instrument, tel l'ancien Rommelpot
(pot à vacarme). Cet instrument rudimentaire
consistait en un pot recouvert d'une vessie de porc
et contenant un bâton qu'on faisait vibrer.
Les enfants sont parfois déguisés en
bergers ou en anges en présentant leurs cantiques
; ils peuvent également jouer des saynètes
autour du thème de la Nativité, ou encore
promener une simple étoile. Des tournées
semblables ont lieu au moment du Nouvel An et des
Rois, où les enfants sont alors déguisés
en Mages.
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La
Saint-Nicolas. le 6 décembre
La fête de la Saint-Nicolas, célébrée
le soir du 5 décembre et dans la journée
du 6, est chère au cur de bien des enfants
dans le Nord et l'Est de la France, en Belgique, au
Luxembourg, aux Pays-Bas, et dans certaines régions
d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse. Elle aussi engendre
un scénario qui se renouvelle chaque année
à leur grand plaisir. Saint Nicolas en personne
leur rend visite. Mais la présence du Père
Fouettard à ses côtés est inquiétante.
Pourtant, le bon évêque n'est pas originaire
de ces régions germaniques. Comment expliquer
que son culte ait pu gagner ainsi le cur de tous
ces petits étrangers ? Nicolas est en effet né
au 3ème siècle loin de là, à
Myre en Asie Mineure, et s'est illustré par de
nombreux gestes de générosité au
cours de sa vie. Certains appartiennent sans doute plus
à la légende qu'à la réalité.
La réputation de ce "pourvoyeur d'abondance"
était grande et elle l'est restée ! On
disait qu'il avait sauvé sa ville de la famine
ainsi que d'autres, plus éloignées, qu'il
avait rejointes au moyen d'un bateau chargé de
vivres, alors que la nuit était déjà
tombée. Par ailleurs, il est devenu le patron
des marchands et des marins qu'il aurait à plusieurs
reprises sauvés de la tempête. La ville
maritime de Myre étant un passage connu en Méditerranée,
la popularité du saint ne fit que s'étendre
en Orient et en Occident. Il est aussi le patron des
prisonniers, pour en avoir libéré plusieurs,
et avec saint Yves, il partage le patronage des avocats.
De plus, pour avoir doté trois jeunes filles
pauvres que le père vouait à la débauche,
en jetant trois nuits de suite des bourses d'or par
la fenêtre, il est devenu le patron des fiancés.
Mais son "miracle" le plus célèbre
- et sans doute |
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légendaire
- reproduit par de nombreux artistes, est celui d'avoir
ressuscité "trois petits enfants qui s'en
allaient glaner aux champs", qu'un méchant
boucher avait découpés en morceaux et
"mis au saloir comme pourceaux". Tout cela
ne pouvait que rendre le bon évêque extrêmement
populaire et s'il est l'un des saints les plus représentés
dans l'iconographie religieuse, il l'est aussi dans
les chansons. La fête de saint Nicolas fut célébrée
le 6 décembre, date présumée
de sa mort en 343. En 1087, des marchands italiens
transportèrent les restes de l'évêque
à Bari dans les Pouilles, afin de les substituer
aux Turcs infidèles. A la fin du 11ème
siècle, un pieux Lorrain déposa une
phalange du saint à Port en Meurthe-et-Moselle,
et cela permit à son culte de s'étendre
en Europe. D'illustres pèlerins, dont Jeanne
d'Arc et plusieurs rois de France, sont venus prier
dans la "grande église" qu'on y construisit.
Par les marchands de la Mer du Nord ou du Rhin, la
dévotion pour le généreux personnage
grandit encore et vint probablement couvrir d'autres
coutumes pré-chrétiennes. Le bon évêque
fut ainsi vénéré dans ces pays
germaniques où l'ancienne religion obéissait
à Odin, appelé aussi Wotan. Ce dieu
Odin, chef des dieux germains, dieu fondateur, avait
la particularité de se déplacer dans
les airs sur son cheval à huit jambes, Sleipnir,
en compagnie de deux corbeaux. Il était assimilé
au redouté "Chasseur sauvage" qui
conduisait, lors des nuits de tempête et pendant
les douze jours, un bruyant attelage fait des Walkyries
ses messagères, de Perchta, ancienne déesse
de la Fécondité muée en démon,
et d'une armée de morts. L'image du saint évêque
habillé de rouge ou de violet, avec sa grande
barbe blanche lui conférant sagesse et dignité,
se superposa progressivement à celles du dieu
et des personnifications prometteuses de certaines
tournées d'hiver que l'on appelait "beaux
masqués". La figure du Père Noël,
qui tient beaucoup de lui, se dessine déjà.
Nicolas fut tout naturellement affublé d'un
vilain acolyte à la face noircie, criant, gesticulant
et menaçant de ses fouets, image survivante
des personnages laids des mêmes tournées
hivernales. Ces deux sortes de masqués aux
costumes si opposés symbolisaient la saison
stérile et affreuse, ou au contraire le retour
attendu des beaux jours. Dans les tournées
suisses de l'Appenzell, les Sylvesterkläuse ("Nicolas
de la Saint-Sylvestre") continuent de symboliser
ces contrastes au moment du Nouvel An des calendriers
grégorien (le 31 décembre) et julien
(le 12 janvier). On prête parfois au Père
Fouettard, appelé aussi Hans Trapp en Alsace,
Knecht Ruprecht en Allemagne ou Krampus en Autriche,
des origine récentes inspirées de certains
personnages historiques. Pour d'autres, il ne serait
qu'une invention pédagogique du 18ème
siècle, pour faire peur aux écoliers.
Qu'il existe pour faire peur, cela est certain, mais
sa création est sûrement antérieure.
Les croquemitaines, tel le boucher de la chanson,
ont toujours été des figures très
présentes dans l'éducation des enfants,
dès leur plus jeune âge. Les deux personnages
si opposés que sont saint Nicolas et le Père
Fouettard allaient donc ensemble dans les familles,
le soir du 5 décembre, questionner les enfants.
Les petits répondaient avec crainte et l'évêque
ne manquait pas de leur distribuer quelques douceurs,
pendant que le sombre compagnon les menaçait
de ses verges. Mais le scénario s'est transformé,
car les visites du saint et de son valet sont maintenant
collectives : elles ont lieu à l'école
par exemple. Cela soulage les enfants qui ne sont
plus attaqués personnellement par le méchant
Père Fouettard ! Ils n'oublient pas, ce soir-là,
de déposer leur soulier dans la cheminée,
avec du foin ou des carottes pour l'âne (pour
le cheval aux Pays-Bas), et ils y trouvent le lendemain
matin des pains d'épices, des spéculoos
ou des massepains, ainsi que de menus jouets. Avant
de s'endormir, ils invoquent le généreux
saint dans des comptines qui, dans leur bouche, ne
sont pas très éloignées de la
prière.
D'ailleurs, à l'image de saint Nicolas, les
distributeurs de cadeaux sont parfois religieux, comme
l'Enfant Jésus allemand ou autrichien, ou comme
les Rois Mages espagnols. Ces personnages mythiques
sont très proches des enfants et ils restent
très abordables dans leur esprit, comme peut
l'être le Père Noël.
Au 16ème siècle, saint Nicolas, jugé
trop papiste par la Réforme qui condamnait
le culte des saints, fut remplacé dans les
régions protestantes par l'Enfant-Jésus
(le Christkindel ) symbolisé par une jeune
fille vêtue de blanc. Des régions très
catholiques comme l'Autriche et la Bavière
allaient à leur tour adopter l'image angélique
de ce Christkindel. De plus en plus souvent, le cortège
de saint Nicolas est officiel et c'est toute la ville,
avertie par la presse, qui vient à sa rencontre
sur une place principale. La " ferveur"
des jeunes assistants reste la même ! Le Père
Fouettard y est toujours présent, mais les
enfants, même s'ils continuent de le craindre,
ne se sentent plus menacés individuellement.
Ces cortèges ont lieu le samedi ou le dimanche
le plus proche du 6 décembre.
Aux Pays-Bas, l'évêque arrive par bateau
dès la mi-Novembre. II vient d'Espagne, dit-on,
en compagnie de plusieurs Pierre le Noir, des pages
qui sont plus amusants que menaçants avec leurs
acrobaties. Tous les enfants guettent leur arrivée
et chantent :
Voilà
le navire qui nous vient d'Espagne
Voilà Saint Nicolas, nos vux l'accompagnent...
Jusqu'au
6 décembre, saint Nicolas va visiter avec son
cortège hôpitaux, maisons de retraite
et écoles, où il est toujours très
bien reçu.
Entrez
Bon Saint Nicolas, grand saint mitré,
Nous sommes tous assis, les bras croisés,..
Et nous chantons, et nous dansons, nous sommes
si contents
Les enfants sont tous obéissants !
Le
soir du 5 décembre, les familles hollandaises
se réunissent et ouvrent les paquets déposés
dans un carton par le saint ou par l'un de ses valets
qui a cogné à la porte. Personne n'a
eu le temps de le voir : cela va si vite ! Chacun
déballe son cadeau dans une grande gaieté,
car les emballages, très étudiés,
doivent être compliqués. Ils importent
plus que ce qu'ils contiennent. Dans le bout rimé
qui accompagne le petit cadeau, les bonnes plaisanteries
sont de rigueur. On chante encore, et tous ces chants
sont l'expression d'un moment sacré de joie
simple, toute familiale.
Oh
! la lune luit dans les branchages
Arrêtez tous votre tapage.
Dans le silence de ce beau soir
Saint Nicolas vient nous voir.
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Le
temps liturgique
L'Avent est une période d'attente joyeuse dans
la liturgie, comme dans les curs. Les fidèles
y reprennent avec joie les chants aimés, appris
dans l'enfance et réservés à la
période de Noël. Ces chants, qui portent
le nom de "noëls" (avec un n minuscule)
ne sont pas des cantiques. Pourtant, ils furent comme
eux inspirés par la liturgie. L'Avent tient son
nom du latin Adventus ("avènement",
"venue"). Il précède Noël,
fête de la Nativité, où les Chrétiens
célèbrent la venue de l'Enfant-Jésus
à Bethléem en Judée et l'avènement
de son retour glorieux. L'Avent débute le dimanche
le plus proche de la Saint-André, au plus tôt
le 27 novembre et au plus tard le 3 décembre,
et il comprend quatre dimanches. Il durait autrefois
six semaines. C'était à ses débuts
une période austère, appelée "petit
Carême" où les restrictions concernaient
aussi bien la nourriture que certaines activités
quotidiennes, comme celles de laver ou de filer.
L'Avent a été institué au 6ème
siècle, à Rome reprenant, semble-t-il,
un temps de jeûne qui précédait
la Nativité dès le 4ème siècle
en Espagne et en Gaule. Ce n'est d'ailleurs qu'à
partir de la moitié du 4ème siècle
que les premières mentions de la fête de
Noël apparaissent à Rome dans un chronographe
de 354 (sorte d'almanach). L'Avent, loin d'être
austère comme il l'était à l'origine,
est devenu une période d'attente joyeuse. |
Adoration
des rois mages
Peinture
murale de l'église de Gargilesse
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Les
chants de la Nativité
Les hymnes des liturgies des églises d'Orient
et d'Occident vont s'inspirer de la Nativité
dès les premières célébrations
de Noël et de l'Épiphanie au 4ème
siècle. La première mention des trois
messes de Noël remonte à saint Grégoire
le Grand. La tradition sacrée s'intégrera
plus tard à la tradition profane avec ses chants
et ses cortèges accompagnant les fêtes
de la période hivernale.
Les tournées de l'Avent, comme celles de "l'An
Neuf " ou des Rois, sont antérieures aux
noëls de l'église. Les noëls ne sont
pas des prières pour autant, ni des chants de
louanges. Il ne s'agit plus de "quérir"
Noël de maison en maison, mais de chanter la joie
de la Nativité ensemble à l'église
ou chez soi. On assiste maintenant à une confusion
de deux genres et les enfants entonnent volontiers ces
noëls dans leurs tournées. Les Evangiles
de saint Luc et de saint Mathieu, les seuls à
l'évoquer, sont très sobres sur le sujet
de la Nativité. L'imagination populaire s'est
plue à rajouter des éléments inspirés
de prophéties de l'Ancien Testament et surtout
des Evangiles apocryphes, écrits pour combler
cette soif de détails merveilleux autour de la
vie du Christ. C'est ainsi qu'apparaissent l'âne
et le buf, la grotte de Bethléem ou que
les Mages deviennent les trois Rois que l'on sait. Dans
la divine naissance, la Vierge est à la fois
une femme et une mère, ce qui ne pouvait que
plaire aux gens du peuple qui s'identifiaient aux modestes
bergers avertis les premiers par les anges.
Les nombreux artistes, copistes, sculpteurs, maîtres-verriers,
peintres, musiciens... y trouveront là matière
à variations pour alimenter leurs uvres
que l'on rencontre des miniatures des manuscrits, aux
tympans des cathédrales et aux vitraux.
La
Messe de Minuit
Dès les premières célébrations
de Noël et de l'Épiphanie au 4ème
siècle, des hymnes accompagnent les liturgies
des églises d'Orient et d'Occident. La Nativité
inspire les premiers poèmes aux docteurs orientaux.
L'une des hymnes de saint Ephrem le Syrien introduit
déjà les artisans aux côtés
des bergers accourus à la crèche : "
Salut Ô Toi, qui est appelé à cultiver
nos champs. Tu fertiliseras le froment dans le grenier
de la vie ". Au même siècle, saint
Ambroise, évêque de Milan, considéré
comme le père du chant choral, et son contemporain
saint Hilaire de Poitiers donnent à leur tour
l'impulsion à la liturgie romaine en créant
sur le thème de la Nativité, des chants
latins connus encore maintenant.
La première mention des trois messes de Noël
remonte à Saint Grégoire le Grand (mort
en 604) qui le précise dans une homélie
sur la Nativité, et ces messes sont précédées
de celle de la vigile le soir du 24. Ces trois messes,
selon l'usage papal, ont lieu dans trois églises
différentes de Rome : messe de la nuit (et non
"messe de Minuit" comme le dit l'expression
populaire) à Sainte-Marie-Majeure sur l'Esquilin,
messe de l'aurore à Sainte Anastasie au pied
du Palatin, et messe du jour à Saint-Pierre.
Lors de ces messes, la liturgie chantée sous
des formes latines alternées, atteint son apogée
aux 9ème et 10ème siècles avec
la création des tropes. Ces variations sur des
textes sacrés sont des antiennes dialoguées
et ne sont pas considérées comme liturgiques.
Ces tropes sont nombreux à Noël, à
l'exemple de celui du moine Tutilon de l'abbaye de Saint-Gall
" Hodie cantandus est " (Aujourd'hui, il nous
faut chanter), l'un des premiers. Tolérés,
ils prennent place à certains moments de la liturgie
afin de la rendre plus animée, et présentent
déjà un tour dramatique. Les "épîtres
farcies" où latin et langue usuelle alternent,
les antiennes dialoguées et les tropes se renforcent
de gestes et donnent naissance à des jeux scéniques.
A
partir du 11ème siècle, le clergé
associe le peuple aux chants de la liturgie. La "prose"
(hymne) " Laetabandus " du 11ème siècle,
attribuée à tort à saint Bernard,
est considérée comme l'un des facteurs
les plus actifs des noëls populaires au Moyen Age.
Son air sera souvent repris, tant pour les chansons
à boire que pour des pamphlets protestants. Les
chants de Noël aux accents liturgiques vont se
multiplier en Europe. En Pologne, un premier noël
daterait des environs de l'an mille. A la cour d'Angleterre,
un chant de noël est attesté dès
1170. En langue allemande, le " Sys willekommen,
heire Kerst ". (Sois le bienvenu, Seigneur Christ)
est du 12ème siècle. Chaque couplet se
termine par le répons populaire " Kyrieleys",
de " Kyrie eleison ". Chanter des noëls
en allemand se disait "chanter les Quempas",
abréviation du nom d'un chant latin du 14ème
siècle " Quem pastores laudavere ".
Les chants grégoriens du mystère de l'Incarnation
rendent les messes de minuit et du jour toujours très
appréciées dans les abbayes. Les hymnes
liturgiques, graves, sont très belles. Certaines
datent des 9ème et 10ème siècles
(Ecce nomen Domini ). Si les pièces chantées
se réjouissent, comme dans les noëls, de
la présence de l'Enfant-Jésus, elles soulignent
que cet Enfant est le Fils de Dieu. Elles sont empreintes
de révérence, de majesté et d'enthousiasme.
Chez les orthodoxes également, voix et churs
retentissent dans les monastères russes, arméniens,
ou grecs. Cela a lieu treize jours plus tard, le 7 janvier,
les fêtes religieuses orthodoxes (russes et slaves)
suivant le calendrier julien. Mais ces chants liturgiques
ne rentrent pas dans la catégorie populaire des
noëls. Certains motets latins de plain-chant composés
au début du Moven-Age sont encore chantés,
mais ils relèvent aussi de la liturgie et en
cela, sont très différents des noëls,
nés eux, seulement à partir des jeux semi-liturgiques
à la fin du XVe siècle.
Les
crèches et les pastorales
Les noëls et leur mise en scène de bergers
et de gens de petits métiers inspirent eux-mêmes
en partie les représentations plastiques des
crèches qui apparaissent dès le 16ème
siècle crèches d'églises d'abord,
puis crèches familiales à partir du XVIlIe
siècle. De la même façon qu'ils
sont nés de spectacles, ils engendrent à
leur tour les crèches parlantes puis les Pastorales.
Les sujets restent liés à la Nativité,
mais en réalité, ils n'ont plus rien à
voir avec l'Eglise. Ces spectacles sont publics, comme
le sont nos modernes séances de marionnettes
ou de théâtre, mais leur auditoire y va
avec une grande piété. Ils sont joués
de la fin du 18ème jusqu'au début du 20ème
siècle "crèches parlantes" et
mécaniques, avec jeux de marionnettes où
les aspects comiques et satiriques ne sont pas oubliés,
comme dans celles d'Autriche, de Belgique, ou de France,
en Franche-Comté ou en Provence. Les crèches
parlantes mettent la Nativité en scène
sur différents tableaux. Les noëls en patois
de Besançon, composés au début
du 18ème siècle laissent déjà
entrevoir le spectacle de la Crèche Bisontine
qui connaît son apogée au 19ème
siècle. Ce spectacle reproduit les dialogues
en français entre saint Joseph, l'avocat et les
médecins, ceux en patois des ouvriers, et d'un
vigneron Barbizier qui présente les personnages.
Tout se passe la nuit de Noël et, avec humour,
les uns et les autres se rendent à la crèche.
Les défauts des hommes et une satire "politique"
ne manquent jamais d'être mis en évidence,
évidemment ! A l'heure actuelle, la formule n'en
est pas abandonnée : les théâtres
de marionnettes continuent de présenter leurs
spectacles, par exemple en Belgique, à Liège
ou à Verviers, ou en France, à Besançon.
En Europe Centrale, des "montreurs de crèches"
itinérants vont toujours présenter de
porte en porte ou de quartiers en quartiers un spectacle
où la critique des évènements de
l'année va bon train sur un ton badin. Les plus
célèbres, en France, sont la Pastorale
Maurel qui date de 1844, et une plus récente
de 1957, La Pastorale des Santons de Provence d'Yvan
Audouard. Bien des santons de la crèche se sont
inspirés aussi des personnages comiques de ces
pastorales, qui ont elles-mêmes puisé dans
le répertoire des noëls provençaux,
puis dans celui des crèches mécaniques.
Les Pastorales font actuellement en Provence l'objet
d'un Festival, à Gordes dans le Vaucluse entre
les 26 décembre et 4 janvier. Ces spectacles
ne sont pas donnés dans les églises, mais
dans des salles paroissiales ou municipales.
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2.-
NOEL EN PROVENCE
La
veille de Noël La vèio de Nouvè
: la crèche
C'est le moment où, dans les familles, on fait
la crèche. Certains situent ces préparatifs
plusieurs jours auparavant. Cela ne paraît pas
logique car le feuillage doit être bien frais
pour le jour de Noël, et aujourd'hui, dans les
appartements chauffés, il se conservera difficilement
jusqu'au 2 février.
Nous avons d'ailleurs bien des témoignages
nous parlant de la promenade dans les collines pour
aller recueillir toute cette précieuse verdure.
Marie Mauron par exemple raconte le départ
des enfants du village, à l'aube, pour aller
couper buis, thym, olivier et pin, autant de feuillages
qui serviront à garnir la crèche. Au
passage ils s'empresseront également de ramasser
" les cailloux mousseux dont il feront des chaînes
de montagne et les lichens argentés ou dorés
sur lesquels, mollement, pourront se poser les santons
".
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Lazarine
Nègre, la félibresse "Lazarine
de Manosque" quant à elle, se souvient
: " en nous levant, nous mangions une écuelle
de soupe, et nous partions tout ravigotés,
gais comme des pinsons, pour aller chercher le verbouisset...
avec ses boules rouges comme des cerises au mois de
juin et coupes que tu couperas! ... "
Enfin, Marie Gasquet nous fait partager l'ambiance
chaleureuse et conviviale des collines en cette veille
de Noël, prélude joyeux à la fête
familiale : " Les vallons des Alpilles se remplissaient
de rires. Le pays s'en allait par bandes à
la montagne... A la nuit tombante, tous se retrouvaient,
les épaules chargées de verdure, au
plateau de l'arc de Triomphe, et l'on se mettait en
route chantant des marches guerrières mêlées
à des Noëls. "
Les collines ne retentissent plus de chants, mais
nous pouvons toujours aller y chercher la mousse et
la verdure et, surtout, nous emporterons notre sécateur
de façon à ne pas abîmer et arracher
les plantes, le thym, par exemple qui, bien taillé
fait de si jolis oliviers.
Toute cette "flore de Noël" mérite
d'ailleurs que nous nous y arrêtions un peu
:
- Le thym, la ferigoulo, né, paraît-il,
des larmes de la Belle Hélène, pousse
spontanément sur tout le pourtour de la Méditerranée,
utilisé depuis la plus haute antiquité
dans la cuisine, mais aussi en médecine, produits
de beauté, antimite, et même pour embaumer
les morts !
- Le petit houx ou fragon, lou verbouisset vo calendau,
tiges de 50 à 80 cm, garnies de fausses feuilles,
dont les piquants sont destinés, d'après
la légende, à protéger de la
voracité des oiseaux ses jolies petites boules
rouges. Les racines étaient utilisées
en médecine populaire comme diurétique,
fébrifuge et contre la jaunisse et la goutte.
Les poètes n'ont pas oublié cette plante
de Noël. Le félibre J.-B. Gaut a composé
un Noël en 1869 où il évoque le
fameux verbouisset :
" Lou blound Jèsus
dintre la paio
" Ero neissu
" Er, sus soun su,
" Ounte tant de trelus dardaio
" Ei péu divin,
" Tant rous, tant fin
" Vias verdeja, dintre l'androuno,
" Uno courouno
" De verbouisset
" Qu'espandissé,
" Que pèr éu plus tard rougissè
! "
" Le blond Jésus était né
sur la paille et sur sa tête où tant
de lumière brillait, sur ses cheveux divins,
si blonds, si fins, on voyait verdoyer, derrière
lui, une couronne de verbouisset qui s'épanouissait
et qui, pour lui, plus tard, rougirait ! "
- Le laurier-tin, lou faveloun vo carenau, dont les
branches, garnies de gaufres, d'oranges, et illuminées
de chandelles, étaient, autrefois, suspendues
à une poutre au-dessus de la table du gros
souper. Ce qui nous donne l'occasion de préciser
que l'arbre de Noël n'est absolument pas traditionnel
chez nous ; coutume née au 16ème siècle
dans l'Europe du nord, adoptée en Allemagne
au 17ème siècle, elle pénétrera
en France après 1870. En 1912 naquit en Amérique,
à Boston, l'idée de mettre des arbres
illuminés sur les places publiques, cette coutume
atteignit la France après la Première
Guerre mondiale et devint générale après
la seconde. Dans les Souvenirs de Bougneto, Marius
Boyer, d'Aubagne, né vers 1910 raconte comment,
au retour de la messe, il découvrait l'arbre
de Noël garni entre autres papillotes et sucreries,
d'oranges et de mandarines dans lesquelles étaient
piquées des feuilles de laurier en guise de
décoration.
- Le lierre, l'èuse, liane aux feuilles toujours
vertes, aux petites baies sombres, symbole de la force
végétale, de l'amour fidèle,
très utilisé en médecine populaire
(et dans notre jeunesse pour rêver à
celui que l'on devait épouser !). Elle permet
de faire de très jolies bordures pour la crèche
et des chemins de table pour le gros souper.
- Le romarin, lou roumanin, peut figurer les cyprès
dans la crèche. Très utilisé
pour parfumer la cuisine et pour confectionner du
"vin de romarin" ; il était aussi
fort employé en médecine populaire.
Une vieille légende assure que ses fleurs sont
couleur bleu ciel, parce que la Vierge Marie, lors
de la fuite en Egypte, se reposant auprès d'un
buisson de romarin, y avait étendu son manteau.
Nous avons retrouvé de nombreux témoignages
évoquant les souvenirs qu'ont laissés
la préparation et la décoration des
crèches familiales. Comment par exemple, on
transformait les feuilles de papier d'argent du chocolat
en rivières et en ruisseaux ; comment quelques
nuages de farine faisaient office de neige et quelques
poignées de sable fin dessinaient les sentiers
vers lesquels cheminaient le petit peuple des santons.
Tout était utile à cette entreprise
de construction, bois, pierre, papiers de toutes sortes,
cartons et l'imagination de tous, grands et petits,
allaient bon train pour disposer les collines, les
ponts et les chemins, sans oublier les prairies de
mousse et la petite grotte chez certains, l'étable
chez d'autres, où était couché
l'Enfant-Jésus entre l'âne et le buf.
La magie d'une crèche vient souvent de la luminosité
qu'elle diffuse, du jeu réussi des ombres et
des lumières. Pour l'illumination finale, chez
Lazarine de Manosque, on plaçait "...
devant la crèche une veilleuse qui brûlait
nuit et jour jusqu'à la Chandeleur ".
Charles Maurras, lui, se souvient de son émerveillement
d'enfant lorsqu'il découvrait la crèche
illuminée de cierges et garnie des soucoupes
de blé vert. Chez d'autres, comme Louis Deluy,
"... nous nous servions de mandarine, coupée
par le milieu, remplie d'huile; la peau intérieure
de la mandarine tenait lieu de mèche, l'autre
partie retournée dessus. C'était très
joli ".
En cette veille de Noël, on commence aussi à
préparer de bonnes choses, comme le raconte
Simone Chamoux. Sa grand-mère Marie d'origine
marseillaise, tenait à maintenir les traditions
de son terroir jusqu'à Nyons où elle
résidait, en confectionnant la véritable
pompe à huile. Aussi " La veille de Noël,
tout de suite après midi, elle sortait de l'armoire
un tablier blanc et le nouait sur sa blouse de travail.
Elle emprisonnait ses beaux cheveux dans un grand
mouchoir d'indienne et retroussait ses manches jusqu'aux
coudes. Car la pompe de Noël, ça se fait
avec respect ".
(On
pourra trouver cette recette dans la page des recettes
de Noël).
|
|
La
table du gros souper La taulo dou gros soupa
L'heure du "gros souper" de ce 24 au soir
approche, nous devons préparer la table, elle
doit être belle et accueillante pour la famille
qui sera rassemblée autour d'elle.
Tout d'abord, mettons une nappe. Une seule ? Oui, si
nous en croyons les souvenirs de Marie Gasquet qui parle
" d'une nappe damassée " tandis que
Louis Deluy se souvient que " Le couvert était
dressé sur une nappe blanche, plusieurs bougeoirs
échelonnés sur la table ".
Mais pourtant si nous lisons Marchetti (Explication
des usages et coutumes des Marseillais, 1863) "
Nous mettons trois nappes l'une sur l'autre, pour la
révérence que nous portons à ce
saint jour, et nous les laissons pour cela sur la table
durant les trois fêtes... Nous en mettons trois
parce qu'ayant été consacrés par
le baptême à La Trinité, non contents
de faire toutes choses en son nom et son honneur, nous
tâchons d'en conserver toujours quelques vestiges
et quelques traces en nos actions ". Mais Mistral,
lui aussi dans le si beau passage de ses Memori précise
" sus la triplo touaio blanco " (sur les trois
nappes blanches). |
Bien
d'autres explications sont avancées pour justifier
cette coutume des trois nappes, la plus grande posée
la première, puis la moyenne, puis la plus petite,
de façon à ce que l'on voit bien les trois
niveaux. La référence à la Sainte
Trinité, par exemple, se retrouve dans la formule
que les ménagères prononçaient,
selon certains renseignements, en disposant les nappes
: " Uno pèr lou Paire, uno pèr lou
fiéu, uno pér lou Sant Esperit. ".
Par ailleurs, le chiffre 3 est un nombre fondamental
dans toutes les religions ; il intervient souvent dans
la vie du Christ. En souvenir de Jésus, Marie
et Joseph. Pour les trois services du repas (les poissons
et légumes, les desserts, le café autour
duquel les hommes fument la pipe), ce qui ne me paraît
pas très commode pour les maîtresses de
maison ; mais, toutefois, cette explication est corroborée
par Henri Oddo : " Le souper comprend trois services
; pour y correspondre, la table est couverte de trois
nappes de dimensions différentes. " Enfin,
dernière explication possible : en prévision
des trois repas, gros souper le 24 au soir, repas de
midi le 25, repas du midi le 26 appelé chez nous
deuxième fête de Noël ; on enlève
après chaque repas la nappe qui a servi. Louis
Deluy le confirme : " pour les grandes fêtes
religieuses, et surtout pour Noël, on festoyait
trois jours durant : le gros souper la veille, le dîner
le jour de Noël, puis le lendemain de Noël.
Le couvert restait mis trois jours. " Et au cours
d'une enquête menée par le groupe "
La couqueto " en 1994, nous avons eu plusieurs
témoignages de familles chez qui, encore aujourd'hui,
on met trois nappes et on ne débarrasse pas complètement
la table pendant ces trois jours : la coutume n'est
donc pas entièrement oubliée.
Il faut maintenant mettre le couvert et garnir la table
avec ce que l'on a de plus beau dans les armoires. Et
Marie Gasquet, outre la nappe damassée, les cristaux
chantants, les assiettes peintes ou les couteaux à
manche de nacre, se souvient d'un rituel qui mérite
quelques explications : " Le surtout, maintenant,
c'est une jatte de Moustiers remplie d'eau claire. Durant
le Bénédicité, ma mère y
posera sept roses de Jéricho qui ressusciteront
au beau milieu du désert. "
I1 ne faut pas confondre, comme on le fait trop souvent,
la "rose de Noël" avec la "rose
de Jéricho". L'hellébore noir ou
rose de Noël, renonculacées aux fleurs teintées
de rose pâle, verdâtres après la
floraison, aux feuilles palmées, croît
sur les terrains calcaires, riches en humus. Elle peut
se cultiver dans les jardins. Elle fleurit de décembre
à février. La rose de Jéricho,
rose de Judée ou fleur de Judée est une
crucifère dont le nom scientifique est emastatica
hiérochuntia. C'est une plante hygrométrique
en forme de thym, originaire d'Arabie, de Syrie et d'Egypte.
Elle est couleur "rose des sables". Placée
dans un verre d'eau, elle s'épanouit pour être
exposée dans la crèche ou sur la table
de Noël, son épanouissement dure cinq à
dix jours. Retirée de l'eau, la plante se recroqueville
à nouveau et peut resservir des années
durant. Cette plante figure sur la liste des objets
de dévotion, ce qui lui confère une valeur
religieuse et sacrée reconnue. Les premières
roses auraient été importées par
des pèlerins ou des croisés.
Marcel Provence raconte dans Noël au pays de Provence,
1930 : " Près de la veilleuse et des soucoupes
herbues, deux petits vases de verre à l'eau limpide
portent avec fierté deux roses de Jéricho
desséchées... Si dans cette nuit calendale,
les roses de Jéricho s'épanouissent, c'est
la prospérité pour la famille et pour
le mas. Pecaire ! Si les roses gardent leur sécheresse,
c'est peut-être bien du pas trop bonheur, quelque
malheur qui menacera l'oustalado. " Selon l'Ecclesiaste,
les roses de Jéricho symbolisent la Vierge et
si on les place au centre de la table, c'est pour que
la mère de Jésus soit elle aussi présente
au cur de la fête. La coutume voulait également
qu'au moment d'une naissance, on pose la rose desséchée
auprès de la future mère, afin qu'elle
s'épanouisse lorsque l'enfant naîtra. Autrefois
on achetait les roses de Jéricho à la
grande foire de Beaucaire de juillet, mais il est bien
difficile maintenant d'en trouver.
Les trois "sietoun" (petites assiettes) de
blé semées pour Sainte Barbe et maintenant
bien vertes, seront disposées sur la table avec
trois bougies, à Aix, trois oranges confites
; toujours ce chiffre trois dont nous avons déjà
parlé. Nous pouvons utiliser la même verdure
que pour la crèche, mais pas de gui, qui est
réputé porter malheur ; cette croyance
est encore vivante dans un certain nombre de familles.
Dans certaines maisons, une partie des desserts figure
sur la table en décoration, par exemple des compotiers
de fruits. Dans d'autres, on intercalait soucoupes de
blé, bougies et corbeilles de fruits qui resteront
sur la table durant tout le souper.
Et "la part du pauvre" dont on parle souvent
? Marchetti l'évoque (1683) : " Une coutume
qui se pratiquait dans toutes les familles et qui se
garde encore en quelques-unes. C'est qu'on y faisait
pétrir expressément pour les pauvres,
à qui l'on distribuait après avec beaucoup
de charité tout le pain que l'on avait fait.
Le jour de Noël, chaque famille en prenait un pour
lui donner à manger et réservait pour
cet effet le premier service des viandes qui étaient
servies ce jour-là à table. "
Dans beaucoup de foyers, on demandait aux enfants de
donner leur part du repas au pauvre de passage à
qui ils la remettaient eux-mêmes. Pour les récompenser
de cette bonne action accomplie, en revenant s'asseoir
à leur place, ils trouvaient dans l'assiette
le double de ce qu'ils avaient donné. Dans certains
villages, les hommes chargés d'une nombreuse
famille faisaient le tour des maisons, une grande corbeille
au bras, où on leur mettait des victuailles.
On nous a signalé, en 1976, qu'à Solliés-Ville,
on donnait dans l'après-midi du 24, de la nourriture
à treize pauvres, appelés dans les vieux
documents, "les treize apôtres".
Témoignages d'une époque révolue
? Voire... Mais il est toujours possible, en pratiquant
cette " charité de cur " qui
compte aussi dans la vie, de faire place à notre
table familiale aux endeuillés, aux éprouvés,
aux isolés, pour qui, sans cela, Noël ne
serait pas la fête de l'espoir et de la lumière. |
La
Bûche de Noël Anan pausa cacho-fio
Tel est le sens exact du mot, qui se dit également
calendau ou calignau, dans le Grand Trésor. Cette
tradition perdure encore dans certaines familles, qui
ont la chance d'avoir une vraie cheminée et un
verger!
Cette cérémonie du feu est une tradition
très ancienne ; la bûche représente
le Christ sacrifié pour nos péchés,
symbolisés par les libations, explique Marchetti.
Le feu est signe de joie et de lumière, puisque
cette fête de Noël serait une christianisation
de la fête païenne du Natalis Invictus, du
soleil invaincu dans cette période du solstice,
suivant une technique recommandée par le pape
Saint Grégoire (+ 6104) : faire nasser les fêtes
du culte des idoles à la louange du vrai Dieu
et qu'ainsi, en conservant la joie de ces fêtes,
les gens puissent plus facilement goûter les joies
intérieures.
La cérémonie consiste donc à mettre
une bûche dans la cheminée avec un rituel
qui était autrefois bien établi mais sans
doute simplifié maintenant lorsqu'il est pratiqué.
Cette bûche doit être une grosse branche
d'arbre fruitier cerisier, poirier, mais pas de figuier,
pour plusieurs raisons : il brûle mal, la fumée
donne mal à la tête, le Christ a maudit
l'arbre stérile, ce serait l'arbre auquel Judas
s'est pendu (pas solide pourtant, puisque, lorsque nous
étions enfants, on nous interdisait de monter
aux figuiers, car les branches "cassaient comme
du verre"). |
Fresque
de tradition byzantine. A Göreme en Cappadoce
(11ème siècle)
|
Seule
exception signalée : du bois d'aubépine
aux environs de Monteux. Le plus âgé et
le plus jeune de la famille portent la bûche dans
la cheminée, après lui avoir fait faire
trois fois le tour de la table ; l'aïeul l'arrose
d'un peu de vin cuit, ou d'huile, ou, dans la Gavotine,
de bouillon de cuisson des crouzets, en récitant
une formule nous avons plusieurs versions, dont la plus
connue étant celle de Mistral :"
Alègre ! Alègre ! Mi Bèus enfant,
Diéu nous alègre ! Emé Calèndo
tout bèn vèn... Dièu nous fagne
la gràci de vèire l'an que vèn,
E se noun sian pas mai, que nous fugues pas mens ! "
" Allégresse! Allégresse ! Mes beaux
enfants, Dieu nous réjouisse, Avec Noël,
tout vient bien... Dieu nous fasse la grâce de
voir l'an qui vient, Et si nous ne sommes pas plus,
que nous ne soyons pas moins ! "
Ensuite le feu est allumé et on peut se mettre
à table.
La tradition voulait qu'au "premier coup"
de cloche de la messe de minuit, on éteigne la
bûche, qu'on la couvre de cendre. Le lendemain,
on la rallumait et elle devait brûler jusqu'au
jour de l'An. Les charbons qui restaient étaient
utilisés pour soigner les animaux malades, broyés
dans leurs aliments, et un morceau, que Marie Mauron
appelle "Le Trésor Saint" était
mis dans la cheminée l'année suivante.
Les cendres étaient utilisées en médecine
populaire, protégeaient contre l'incendie et
débarrassaient les poules de leurs "pipidons",
comme nous disions quand nous étions gosses ?
Et puis il y a cette croyance curieuse, rapportée
par Marchetti, qui veut que les braises déposées
sur la table du gros souper ne brûlent pas les
nappes. Ce serait un symbole marial : la Vierge était
impénétrable aux feux de la concupiscence
représentée par ces charbons. Le rite
aurait encore été pratiqué au siècle
dernier, mais les braises déposées sur
un plateau ou une pelle...
Nous pourrions signaler quelques traditions perdues,
mais néanmoins intéressantes :
=> Le pain calendal
dont parle Mistral " Le gros pain calendal, qui
ne s'entamait qu'après en avoir donné,
religieusement, un quart au premier pauvre qui passait
". On en portait un morceau aux animaux et Marchetti
assure que les mariniers et les pêcheurs ne s'embarquaient
guère sans en emporter avec eux pour en jeter
dans la mer quand elle était coléreuse.
=> La réconciliation
: Marchetti nous raconte cette coutume des visites entre
personnes ayant quelque chose à se reprocher,
visites accompagnées de telles libations qu'elles
furent interdites en 1602 ! Combien je préfère,
tout simplement lou brinde porté par le père
de Marie Gasquet : " Je lève mon verre à
nos amis, à ceux qui nous ont été
doux, qui nous ont fait du bien. Je le lève à
mes ennemis ; que notre cacho-fiô et nos lumières
luisent au fond de leur cur pour y détruire
toute haine. Et maintenant, je bois à nous tous,
à la santé de nos corps, à la joie
de nos âmes, à la beauté de la Provence,
à nos curs unis. A l'amitié, à
l'amitié de Noël ! "
=> Les échanges
de cadeaux entre la ville et la campagne : Marchetti
parle des échanges de pompes entre les femmes.
Visiblement, il n'aimait pas la pompe ! La gazette du
Midi du 24.12.1836 écrit : " Des paysannes
viennent de leur village, pliant sous le poids des pompes
et des corbeilles de raisins conservés dès
les vendanges et pendues aux poutres de la bastide.
En retour de leurs offrandes qu'elles font aux riches
citadins, elles reçoivent du sucre, de la morue
et du café. "
=> La nourriture
des bêtes : ce soir là, les bêtes
avaient double ration, comme le raconte Lazarine : "
Les gens, les bêtes, tout le monde faisait Noël
! [...] Le premier servi était le cheval. On
coupait un gros pain dans une grosse gamelle et on l'arrosait
d'une bouteille de bon vin. Quand le pain était
bien imbibé, mon père allait le mettre
dans la mangeoire, et le cheval faisait Noël. Au
chardonneret que nous avions en cage, on donnait un
morceau de pompe à l'huile avec du sucre. Après,
venait le tour du chien, un gros plat de gratin de morue.
Oh ! Si vous l'aviez vu comme il était heureux,
le brave chien ! " Nous pourrions maintenir la
tradition, en donnant des graines aux oiseaux sur les
balcons. Ils se régaleront demain matin, si toutefois
ils ne sont pas chassés par les funestes pies
qui s'attaquent à tous les petits oiseaux. |
Le
trajet pour aller à la messe L'escourregudo per
ana à la messo
Maintenant, bien sûr, tout le monde y va en auto!
Mais je me souviens de fameuses "resquillades"
sur les trottoirs verglacés de la rue Paradis
! Autrefois, c'était plus poétique : "
La belle nuit ! Le vent s'arrête, les étoiles
dansent, la lune brille comme une perle, le bruit des
cloches se prolonge en bourdonnant, là-bas, au
loin, dans la plaine. Des mas, les gens courent vers
l'église, c'est l'heure du pastrage " (Baptiste
Bonnet). " Je vois encore les hommes dans leur
cape de bure, les femmes dans leur pèlerine à
capuche, et les enfants ; tout le monde marchait joyeusement,
muni de sa lampe à huile, vers ce clocher, cette
église qui nous attendait pour la messe de minuit
et où pétillait un bon feu de bois. "
Ce sont les souvenirs de Gilberte à Uvernet (Ubaye).
La
messe de minuit La messo de miejo-nue
Quelle est l'origine liturgique des 3 messes qui étaient
célébrées cette nuit-là,
jusqu'à une époque récente ? Primitivement,
il n'y avait à Rome qu'une seule messe solennelle
le 25 au matin. En 445, le pape Sixte 3 institua la
messe de minuit, et au 6ème siècle s'y
ajouta la messe de l'aurore, à laquelle succédait
la messe du jour.
Mais Lou felibre de Nosto-Damo (1904) attribue ces cérémonies
à une jolie légende : Un jour, au Paradis,
une délégation des étoiles, menée
par la bello brihanto, l'étoile du berger, qui
guida les mages vers l'étable, demande à
Dieu le Père que la messe de minuit leur soit
dédiée. Dieu le leur accorde, à
perpétuité. L'aube vient ensuite se plaindre
que les étoiles se moquent d'elle et demande
une messe, elle aussi, cette nuit là. Le Seigneur
lui accorde la messe de l'aurore. Arrive enfin le soleil,
jaloux, auquel on consacre la messe du jour. "
E vaqui coume, pèr Nouvè, ami miejo ni
niue, se dis la messo dis Estello ; a la primo, quand
li gau canton, aquelo de l'aubo; e, lon dejour, la messo
soulenno don soulèu. "
Bien des traditions, signalées par différents
auteurs, se sont perdues : les lâchers d'oiseaux
dans l'église (en particulier le roitelet la
petouso) à Entraigues, Mirabeau, Mazan, Lagnes.
De même que, à Saint-Maximin, la quête
des enfants pauvres dans les rues du villages, jusqu'à
la guerre de 1914 (C. Seignolle) ; mais aussi les farces
signalées par Bérenger-Féraud (1885)
: " Pendant la messe de minuit, les dévotes
ont grandement à craindre de trouver de l'encre
au lieu d'eau bénite dans le bénitier
(aujourd'hui les églises sont trop éclairées,
et les bénitiers souvent vides...), de rencontrer,
en sortant de l'église, des pois fulminants (des
pétards, je suppose ?) sous leurs pieds, si elles
n'ont pas eu déjà leur robe cousue à
celle de la voisine (difficile avec les minijupes !)
" ; et on ne fait plus peta li boufigo : éclater
les vessies de porc gonflées d'air en sautant
dessus dans certaines paroisses du Var. A Cruis jusqu'à
la guerre de 14, les fidèles chantaient en chur
le "minuit chrétien", paroles composées
en 1847 par Placide Capeau, de Roquemaure (Gard) sur
la demande du curé de son village, musique d'Adolphe
Adam, compositeur connu. Cet air, chanté pour
la première fois en Provence, est connu dans
toute la France.
Mais beaucoup de traditions sont heureusement maintenues,
souvent grâce aux groupes folkloriques qui les
ont continuées ou reprises avec les offrandes,
le chant des noëls, la musique du galoubet et les
costumes.
A Marseille, l'offrande du poisson se faisait, autrefois,
à l'église Saint-Laurent, paroisse des
poissonnières et des pêcheurs, elle se
fait toujours, grâce à " L'Escolo
de la Mar " dans l'église Saint Ferréol
les Augustins, sur le Vieux-Port. La prière traditionnelle
est simple et confiante : " Pichoun Jésus,
noueste Segnour, les pécheurs et les poissonnières
viennent vous faire l'offrande du plus beau poisson
en signe d'affection et de reconnaissance. Vous qui
êtes le maître de tout, qui remplissez de
poissons nos filets, qui punissez nos manquements, faites
que nous vivions toujours comme il se doit, maintenez
la paix et la santé dans nos familles, ainsi
soit-il. " Cette offrande est également
signalée dans quelques paroisses de Nice.
Le pastrage, lou pastrage : l'adoration des bergers
représentée à Noël dans les
églises est une ancienne tradition. La procession
des bergers avance vers l'autel au son du tambourin
et du galoubet, précédée d'un petit
char garni de verdure et tiré par un mouton.
Au fond du char se trouve l'agneau sans tache offert
par la corporation des bergers à l'Enfant Jésus.
D'autres offrandes, apportées par les enfants
du village, venaient compléter celle-là
: fruits, confitures, fougasses... Ce pastrage a toujours
lieu aux Baux, peut-être un peu "touristique"
? A Barbentane, à Arles, à Marseille,
à la paroisse de Chateau-Gombert avec le Roudelet
Felibren. A Séguret, presque tout le village
participe à la cérémonie Li Bergié,
à la procession dans les rues du village, jusqu'à
la crèche vivante dans l'église. Beaucoup
de groupes folkloriques, dans toute la région,
animent les veillées et font "l'offrande"
devant la crèche. Offrandes évoquées
d'une façon amusante dans les Noëls, ceux
de N.-D. des Doms, par exemple :
" léu pourtarai à
sa maire
" De la un plen escaufaire,
" Un gros froumage à son paire,
" E Janetoun un agnèu.
" E tu pourtaras, moue paire,
" Un plen plat de brigadeu. "
" Moi, je porterai à sa mère du lait,
un plein coquemar, un gros fromage à son père,
et Janeton un agneau. Et toi tu porteras. mon père
un plein plat de bouillie. " Ou encore
" Lou gros e gras coumpaire
l'Andredochi porto un couchoun tout viéu eun
couniéu, pèr lou bouta à l'asti
pèr Iou fiéu. Lou bon Guillot porto dedins
sa biasso forço fromajoun e un jamboun, uno grosso
fougasso a l'enfantoun. Un gros capoun à la gaio-estoufèio,
li dounnara Martin, de bon matin, emb'uno fricassèio
de boudin. Margot fara un plen plat de poutage, de sabourous
lausan, e puis Grand-Jan Ié métra de froumage
per l'enfant. "
" Le gros et gras André porte un cochon
tout vivant et un lièvre, pour mettre à
la broche pour le fils. Le bon Guillot porte dans sa
besace force petits fromages et un jambon, une grosse
galette pour l'enfançon. Un gros chapon en daube,
lui donnera Martin, de bon matin, avec une fricassée
de boudin. Margot fera un plein plat de ragoût,
des lasagnes savoureuses, et puis grand Jean mettra
du fromage pour l'enfant. "
Curieux régime pour un bébé de
naissance, mais enfin l'intention y est ! A Aix, à
la cathédrale Saint Sauveur, on peut entendre,
exécuté à l'orgue, le "jeu
du rossignol" réservé pour cette
seule circonstance.
Texte
établi d'après : Nadine Cretin "Noël
: chants de la Grande Nuit" in Revue "Histoire"
et Marion Nazet "Noël Provençal"
Ed. Edisud PP 9-18 et 35-43.
Fresque
de Stefano Fiorentino (14ème) dans la basilique
inférieure Saint-François à Assise
3.-
LE "CHRISTOPSOMO" OU LE PAIN DU CHRIST
une coutume populaire grecque
pour le jour de la Nativité
Le
" Christopsomo " que l'on pétrit de
nos jours encore dans bien des régions de la
Grèce, un grand pain rond magnifiquement ornementé
de diverses représentations et décorations,
fait partie d'une des nombreuses coutumes populaires
qui rehaussent l'éclat festif de la Nativité.
Ce pain dit " du Christ " n'est pas un gâteau.
C'est bien du pain (artos) qui n'est consommé
que le jour de Noël, soit à la table du
midi, soit la veille au soir : " le pain béni
" de la table familiale et de toute la maison,
qui non seulement nourrit les hommes mais aussi les
animaux domestiques. On le trouve à Noël
surtout dans les campagnes où il est consommé
en signe de communion entre tous les membres qui vivent
sous le même toit. Fruit du labeur des hommes
et par conséquent don noble né du produit
de la terre, il porte en lui l'espérance de la
foi en la puissance divine et le rappel que le blé
enfoui dans la terre attend son heure pour donner une
abondante récolte.
Le Christopsomo de Noël est une coutume qui se
perpétue dans les régions de l'Ouest et
du Centre de la Grèce, dans le Péloponnèse,
dans les îles ioniennes et de la Mer Égée
(sauf en Crète et à Chypre).
Sa fabrication respecte scrupuleusement deux techniques,
définies par le caractère sacré
de la fête et toute la symbolique qui s'y ajoute.
La première technique concerne le pétrissage
et les éléments qui entrent dans la composition
de la pâte ; la seconde relève de la décoration
et de son apparence finale.
1) Comme c'est le cas pour tous les pains festifs, on
n'utilise que des éléments nobles et chers
: du blé de première qualité et
du sésame, auxquels ont peut rajouter de l'anis,
du sucre, de la cannelle, de l'eau de rose, des raisins
secs, des clous de girofle. Dans certaines régions
il ressemble un peu à nos pains d'épices.
Mais le plus important, c'est le rite qui est associé
au pétrissage : " La farine est passée
par un tamis particulièrement fin et elle est
déposée dans une cuvette blanche. On n'achètera
pas le levain vendu dans le commerce mais il sera préparé
bien avant par la maîtresse de maison. Avant de
commencer à pétrir, celle-ci fera d'abord
son signe de croix, ensuite elle formulera une prière
pour le bien et la prospérité de la maison
et seulement après elle se mettra à la
tâche " (coutume de la région de Corinthe).
2) Suit l'ornementation de la partie supérieure
du pain, traditionnellement rond tel la prosphore ou
l'artos de l'artoclassia. Au centre du pain deux bandes
de la même pâte seront disposées
en forme de croix ou à défaut une vraie
croix de bois (rapportée à l'occasion
d'un pèlerinage). Ou encore on incrustera la
croix au moyen d'un sceau en bois (comme pour les prosphores),
que l'on trouve aisément au Mont Athos. II en
existe toute une collection au Musée Benaki d'Athènes.
Sur les bords du pain et au centre de la croix on dépose
des noix entières ou des amandes (ce qui symbolise
le don de la terre puisque à cette époque
de l'année on ne trouve que des fruits secs).
Après quoi, avec une fourchette ou un couteau
ou des ciseaux ou une tige de coquelicot, on sculpte
les divers motifs propres à la fête. Les
scènes représentées sont habituellement
d'origine agricole ou champêtre : par exemple
en Macédoine centrale on dessine la charrue et
le buf, les amas autour de la maison ou un tonneau.
On ajoute des biscuits (de la même pâte)
de forme longiligne ou une série de petites croix
que l'on nomme " agneaux " ou " chevreaux
". On y dessine aussi une marguerite comprenant
autant de pétales que les membres de la famille
et sur laquelle on dépose un toit qui rappelle
celui de la maison. Sur le bas à droite un animal
symbolise les habitants de la propriété
; en-haut à droite un ensemble de figures pour
désigner les troupeaux. Enfin, en-haut à
gauche un sarment de vigne pour signifier le vignoble
(coutume du village de Levadia).
C'est ici qu'apparaît la dextérité
de la maîtresse de maison puisque la préparation
du Christopsomo lui incombe. Certaines femmes réalisent
de vrais chefs-d'uvre : une sorte de monde animé,
avec sa maison, ses moutons, ses représentations
de tous les travaux des champs. Un tel effort suppose
beaucoup d'amour et une grande patience. Et encore une
fois précisons que toutes ces scènes sont
mélangées avec des dessins à caractère
religieux : des petites croix, l'étoile de Bethléem,
des mains jointes qui rappellent celle du divin Nouveau-né
bénissant le pain. (coutume de Céphalonie).
Et pour que le tout soit haut en couleurs, on répand
de partout sur le pain ainsi orné des amandes
décortiquées, agencées comme des
fleurs, du sucre et beaucoup de sésame.
C'est le maître de la maison qui est chargé
de " célébrer, pourrait-on dire,
le rite festif qui consiste à rompre le pain
". Le jour de la fête à midi il présidera
la table en commençant par souhaiter à
tous bonne fête et en chantant le tropaire de
la Nativité. Ensuite il distribuera à
chacun sa part de pain (on y glisse parfois une pièce
de monnaie), morceau par morceau.
Mais ici ou là, d'autres coutumes viennent enrichir
ce geste initial. Ainsi par exemple :
1. II arrive que déjà la veille au soir
on pose le " pain du Christ " sur la table
et à côté une assiette avec des
produits de la récolte, un verre de vin et le
vase à encens. La mère de famille prélève
des petites bouchées de ce pain et les jette
dans le vin. Ensuite le père encense d'abord
les icônes de la maison, ensuite le pain, la mère
et les autres membres présents. II fait de même
dans l'étable, les champs, auprès des
bêtes et dans tous les alentours de la propriété.
Puis il revient à l'intérieur de la maison,
il mange une petite bouchée de ce pain et il
boit une gorgée du vin qui se trouve dans le
verre. Suivent ensuite la mère et tous les autres
présents. C'est une sorte de communion familiale
et l'un des membres boit aussi une gorgée de
vin pour les bêtes et tout le domaine (coutume
du village de Serrés).
2. La veille au soir on déposait le Christopsomo
au centre de la table et tout autour on y disposait
des fruits. Sur le pain on plantait un rameau d'olivier,
et sur le rameau on enfourchait des figues, des pommes
et des oranges. Ensuite tous les membres de la famille
soulevaient la table, la secouant de haut en bas et
disant trois fois : " Le Christ est né,
joie dans le monde ; chandelier de la table, table de
la Toute Sainte Vierge Marie " (coutumes d'Asie
Mineure).
3. La veille au soir on prend le " pain du Christ
" et on le porte près du feu de la cheminée.
Là le maître de la maison jette sur les
flammes du vin et de l'huile. Si la flamme grandit,
c'est bon signe pour la maison. Si la flamme s'éteint,
c'est le contraire. Après quoi chacun prend sa
part de pain et il arrive que le plus chanceux y trouve
une pièce de monnaie. (A ce moment là,
comme pour Pâques, on tire des coups de feu ou
on jette des pétards). On pétrit aussi
des " pains du Christ " plus petits que l'on
distribue aux connaissances et aux pauvres (coutume
de Zakynthos et, autrefois, de Céphalonie).
4. La célébration de Noël terminée
(en Grèce elle a lieu vers 5 h du matin), le
prêtre va de maison en maison et " élève
le pain ". Puis il le place sur sa tête,
le presse et le casse en deux. Si la partie la plus
grande se trouve du côté de sa main droite,
alors cela annonce que la récolte de blé
et de maïs sera abondante (coutume agricole de
Roumeli).
En conclusion, disons qu'en célébrant
la naissance du Dieu-Homme, l'homme n'oublie pas d'y
associer la terre qui le nourrit. Dans le cas présent,
le Christ vient en apportant avec lui les dons que Dieu
offre à sa création et qui nous rappellent
les largesses de sa divine bonté. Il était
donc tout naturel que les coutumes populaires unissent
ces deux éléments, l'un d'ordre divin,
l'autre d'ordre humain, donnant ainsi l'occasion au
peuple d'intégrer dans l'art liturgique celui
aussi de son vécu quotidien, qui a pour objet
le travail de la terre ou celui des troupeaux.
Démètre S. LOUKATOS
Le propre de Noël et des Fêtes Ed. Philippotis
- Athènes 1984, pp. 69-73
4.- Noël en Alsace
Comment
dit-on Noël en alsacien ? En dialecte alsacien,
Noël se dit "wihnachte" ou "wiehnachte".
Traduit littéralement, wihnachte signifie
les nuits sacrées ou saintes ("wih"
pour sacrées ou saintes et "nachte"
pour nuits). En Alsace, "wihnachte"
désigne non seulement la nuit du 24 au
25 décembre, mais aussi toutes les nuits
du 25 décembre au 6 janvier, que l'on
baptisait le cycle des 12 jours. Le 26 décembre
est d'ailleurs férié. Le temps
de Noël, en Alsace commence en réalité,
le 11 novembre à la St Martin, pour se
terminer le 6 janvier à l'Epiphanie.
Il est divisé en trois périodes
: l'Avent, la fête de Noël et le
cycle des 12 jours. La St Martin marque la fin
des travaux des champs et le début du
jeûne de préparation de Noël.
Ce n'est qu'à la St André, le
30 novembre que débute véritablement
la période de l'Avent avec ses démons
qui rôdent dans les villages et ses rites
qui ponctuent l'attente de Noël.
En
attendant Noël
Dès
la fin novembre, les premières décorations
font leur apparition. Qui n'a pas aperçu
la fameuse couronne ornant les portes d'entrée
? C'est la couronne de l'Avent qui inaugure
la période allant du 30 novembre au 24
décembre. Réjouissances pour les
uns, ces quatre semaines sont aussi le moment
où les bons esprits s'en vont pour préparer
Noël, laissant la place aux personnagess
inquiétants, aux revenants, qui hantent
ces premiers jours de décembre. En Alsace,
pendant cette période, il était
interdit de se marier, de donner ou aller voir
un spectacle... sans quoi vous risquiez d'être
emmenés à tout jamais par les
démons des ténèbres. A
chaque jour son saint. Dans les maisons alsaciennes,
chaque matin à cette époque, le
père de famille ouvrait le livre des
saints. A chaque jour son saint, qui protégeait
ainsi la maison et la famille, des démons.
Le cycle de Noël s'ouvrait ainsi le 30
novembre, à la St André, protecteur
des jeunes filles à marier. Ce jour-là,
les jeunes filles avaient la possibilité,
par des pratiques magiques, de voir le visage,
la silhouette ou le métier de leur futur
époux. Une des pratiques consistait à
balayer sa chambre, à demi nue. En balayant,
à reculons ou sous les armoires, des
ombres apparaissaient sur les murs. La demoiselle
découvrait alors la silhouette de son
futur mari seul ou muni d'un outil, révêlant
alors son métier ! Puis le 1er décembre,
venait St Eloi, protecteur des chevaux. Le jour
de la St Eloi, le fermier, pour prévenir
ses bêtes des maladies, les amenait à
l'abreuvoir boire de l'eau. Le prêtre
bénissait aussi les chevaux et donnait
un léger coup de marteau en argent sur
le front des animaux. Cette pratique de l'Eglise
est un héritage d'anciennes traditions
relatives au dieu Thor, détenteur d'un
célèbre marteau, ou à Sucellos,
divinité gauloise représentée
avec un maillet.Puis vient la Ste Barbe ou Barbara
le 4 décembre. Patronne des artilleurs
et des pompiers, elle protège de la mort.
Ce jour-là on coupait des rameaux d'arbres
fruitiers que l'on disposait sur le poêle.
La qualité de leur floraison, indiquait
la récolte de l'année à
venir. Le 6 décembre approche, les enfants
attendent St Nicolas et ses cadeaux. En Alsace,
son culte se répandit au 12è siècle.
Accompagné d'un vilain personnage, Hans
Trapp (assimilé aussi au père
Fouettard), St Nicolas, patron des écoliers,
récompense les enfants sages, alors que
Hans Trapp punit les autres. L'Eglise, considérant
que seul l'Enfant Jésus devait apporter
les cadeaux, supprima St Nicolas. C'est ainsi
qu'à partir de la Réforme, on
vit apparaître le Christkindel "l'enfant
christ" ou "l'enfant lumière",
seul personnage autorisé à apporter
les cadeaux. Cependant St Nicolas restera toujours
un personnage important, remplaçant le
christkindel dans certaines régions.
La fête du 6 décembre persista
dans les milieux catholiques où un jeune
homme se revêtait d'un habit d'évêque
et, accompagné du "Hans Trapp",
passait le soir du 5 décembre, dans tout
le village et distribuait aux enfants des pains
d'épices, des pommes et des noix. Dans
les familles on confectionnait des brioches
en forme de St Nicolas dont les yeux étaient
représentés par des raisins secs.
Puis, la période de l'Avent prenait fin
avec les nuits bruyantes (les 3 derniers jeudis
de l'avent). Pour éloigner les mauvais
esprits (que l'on peut rapprocher de la chasse
sauvage menée par Odhinn-Wotan et son
cortège de guerriers), un groupe de jeunes
gens parcourait les villages, faisant un vacarme
épouvantable à l'aide d'instruments
divers et hétéroclites.
Le
Christkindel arrive la nuit de Noël.
Il
est des personnages bien étranges
dans le Noël alsacien : le Christkindel,
Hans Trapp, d'r Birckeresel ... Il
était une fois ... une nuit de
Noël ! La nuit tombe ! Le vent souffle
à travers les arbres qui plient
sous le poids de neige ... Lorsque "dling,
dling". "C'est le Christkindel"
chuchotent les enfants quelque peu affolés.
Ils savent que le Christkindel est accompagné
de Birckeresel, l'âne à bec
et du vilain Hans Trapp qui emmène
les enfants méchants dans son sac
... Ils ont pris soin de laisser une botte
de foin pour l'âne, qui bien que
très bruyant est inoffensif. La
porte de la maison s'ouvre, et laisse
apparaître une dame tout de blanc
vêtue, portant une couronne de bougies
sur la tête. Le Christkindel ressemble
à une fée. Mais tout à
coup, un bruit épouvantable, le
sol tremble, on entend un bruit de chaînes,
c'est Hans Trapp. Il trépigne,
il gémit, il ressemble à
un abominable vieil homme voûté,
vêtu de noir, avec une longue barbe
de chanvre, des cornes et un grand chapeau.
D'une main il tient un grand sac, destiné
à emporter les enfants, de l'autre
une chaîne. Il furète dans
toute la pièce en regardant les
enfants. "Avez-vous été
sages cette année" lance-t-il
aux enfants apeurés. "Oui"
répondents-ils hésitants.
"Oh ! oh ! mais je vais les emporter
dans la forêt, les vilains. As-t-on
de la place dans notre sac !!!".
"S'il vous plaît, crient les
enfants, on demande pardon, on sera gentil
toute l'année". ... "Bon
cela va pour cette fois, mais attention,
je reviendrai l'année prochaine".
Puis le Christkindel chante et récite
la prière avec les enfants qui
lui offre un bredele (voir les
recettes de Noël). |
|
La maison s'emplit de joie. Il est temps de
partir, le Christkindel disribue les cadeaux,
et jette des noix et des noisettes de son panier
en guise d'adieu. La petite troupe quitte la
maison pour regagner le froid à la quête
d'autres demeures. Ainsi se déroulait
la nuit de Noël en Alsace. Le Christkindel
fit son apparition au 16è siècle.
Ce personnage est plein de contradiction : il
est représenté comme une jeune
fille aux longs cheveux, et pourtant symbolise
l'Enfant-Jésus. Il rappelle la déesse-mère
primitive, chez les gaulois, qui vole dans les
airs pour regagner l'autre monde au solstice.
Quand au terrible Hans Trapp, on dit qu'il vient
d'un personnage historique, Hans von Dratt,
qui régnait sur Wissembourg comme un
véritable despote. Une autre version
parle d'un personnage imaginaire qui tient son
nom du verbe "tappe" ou 'trappe"
en alsacien, qui veut dire "marcher bruyamment".
Ces deux personnages étaient accompagnés
de peckersel ou d'r Birckeresel. Il ressemble
à un homme avec une tête d'âne
à bec, porte une cloche, un gourdin,
un lourd sac de pommes.
Le
24 décembre, la nuit sainte
Après
le passage du Christkindel, toute la famille
se rendait à l'église pour la
messe de minuit. Mais avant de partir, le père
de famille choissisait la plus grosse bûche
dans son tas de bois. Elle devenait le "wihnachstklotz"
ou "baamstamm" la bûche de Noël.
Les enfants devaient la décorer de houx
et de baies sauvages.Elle devait se consumer
doucement pendant la durée de la messe.
Le maître de maison l'aspergeait de vin
ou d'eau bénite et la mettait dans la
cheminée. Au retour de la famille, on
recueillait les cendres, pour les disperser
avant l'Epiphanie, dans les champs. "Les
récoltes seront meilleures", disait-on.
Elles pouvaient être aussi conservées
dans le grenier de la maison. Elles la protégeaient
ainsi des tempêtes et des orages. Dans
certains villages alsaciens, ce rituel est toujours
suivi.
|
Prédire
les récoltes de l'année
Le
soir du 24 décembre, on sortait
la rose de Noël, "wihnachtrose",
de sa boîte. Il s'agissait d'une
véritable rose, l'anastatica hierochuntica,
cultivée en Palestine ou en Egypte.
Cette fleur séchée et fermée
se conservait dans une boîte pendant
des années. On la disposait dans
un vase, le soir de Noël avant de
partir pour l'église. Au retour,
si la rose était largement ouverte,
le vin de l'année à venir
serait un grand millésime et les
récoltes abondantes. Cette tradition
existe toujours aujourd'hui et l'on trouve
encore des roses de Noël.
L'eau
sacrée
Appelée
le "Heilwoog" ou "Heiliwog".
Pendant les 12 coups de minuit, l'eau
des ruisseaux et des fontaines étaient
sacrée. Les fermiers allaient chercher
le bétail, et remplissaient l'abreuvoir
de cette eau. Tout animal qui la buvait,
était protégé des
maladies. Chaque maison avait sa fiole
pour se préserver des épidémies. |
Puis
le village se réunissait dans l'église.
Pour voir les sorcières, il fallait
se munir d'un trépied ou d'un tabouret
fait de 9 essences de bois et de s'installer
au fond de l'église, on voyait
alors les sorcières qui tournaient
le dos à l'autel. Au retour, la
veillée de Noël commençait
: chants, danses, légendes la composait.
Mais
la nuit de Noël n'avait pas pour
autant chassé les mauvais esprits,
elle annonçait une période
d'effroi : le cycle des 12 jours qui allait
de Noël à l'Epiphanie (Théophanie).
Il s'appelait "s'kleine johr"
(la petite année) puisque chaque
jour représente un mois. Les paysans
notent encore le temps qu'il fait pendant
cette période, pour les prévisions
de l'année. |
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Les
raunächte
C'est
aussi une période sombre appelée
"raunächte", les nuits sauvages,
pendant lesquelles le cortège du chasseur
sauvage passait dans les villages. Il symbolisait
le combat entre les forces des ténèbres
et les forces du bien (parties le 30 novembre).
Si le chasseur prononçait un prénom,
la personne qui répondait à son
appel, était enlevée. Il était
présent toutes les nuits pendant le cycle.
Le jour de Noël, jour de festin, entame
la petite année. Les enfants allaient
visiter leurs parrains et marraines pour recevoir
leurs cadeaux ou leurs friandises. Le 26 décembre,
on embauchait les valets et les servantes au
marché. Le soir, une fête était
donnée pour leur souhaiter la bienvenue
dans la famille. Le jour de la St Jean, le 27
décembre, on buvait le vin porte-bonheur
"Johannistrunk". Une légende
racontait que St Jean but du vin empoisonné,
sans souffrir de malaise. Le cycle des 12 jours
était ponctué de multiples cortèges
d'enfants qui partaient à la quête
de gâteaux et de friandises. Les jours
les plus symboliques de la période restaient
la St Sylvestre, le 31 décembre et l'Epiphanie
(Théophanie) le 6 janvier.
La
Saint Sylvestre
La
nuit du 31 décembre était proche
de la nuit de Noël, tant elle étaient
riche de traditions. Les jeunes garçons,
par exemple, dressaient devant la maison de
leur fiancée, un sapin. Cette nuit-là,
on offrait un bretzel à celle ou à
celui qu'on aimait, comme gage d'amour. Vers
minuit, les villages tremblaient aux sons des
coups de feu. On savait alors que la nouvelle
année commençait. Les garçons
tiraient des coups de fusil sur les volets de
leur fiancée, qui leur jetait des gâteaux
leur souhaitant bonne année. Aujourd'hui
les pétards sont de rigueur dans toute
l'Alsace. Ce vacarme devait chasser les démons,
qui disparaissaient à l'Epiphanie.
L'Epiphanie
Le
6 janvier marquait réellement le début
de l'année. Ce jour était consacré
aux rois mages : Gaspar (Caspar en alsacien),
Melchior et Balthazar. On traçait leurs
initiales C. M. B. sur les portes des maisons
pour se protéger des incendies et inondations.
C'est ainsi que se termine le cycle des 12 jours,
emportant avec lui le cycle de Noël.
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