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LES
REPAS DE PAQUES
EN
FRANCE, EN GRECE, EN RUSSIE
Le
repas de Pâques en France
La
pénitence va prendre fin, la chair réapparaître
sur les tables, ce sont les " Pâques charnels",
comme on les nommait joliment au Moyen Age. La table
d'abondance est de mise, avec l'agneau pascal, de
chair ou de pâte, le porc, et les ufs
sous toutes les formes, omelettes, ufs durs
colorés, gâteaux à base d'ufs
et " soupes rousses". L'uniformité
a englouti les variétés régionales,
et il suffit d'un nid rempli d'ufs et de poussins
pour transformer le moindre quatre-quarts en gâteau
de Pâques. Peut-être est-ce une façon
de perpétuer la tradition !
L'agneau
pascal
C'éait le sang de l'agneau, répandu
sur les linteaux des portes des maisons des fils d'Israël,
qui sauva la vie de tous leurs premiers-nés
alors que l'ange exterminateur jetait la mort partout
ailleurs. L'animal immolé était mangé
debout, à la hâte, le bâton à
la main, comme l'avait prescrit Dieu à Moïse.
Les chrétiens (Evangile de Jean) appelèrent
Jésus " l'Agneau de Dieu ", sacrifié
pour sauver l'humanité, comme les premiers
agneaux avaient été sacrifiés
pour sauver la race des fils d'Israël. Au cours
de la grande vigile pascale, il arrivait qu'au Moyen
Age, on consacrât un agneau vivant, coutume
qui fut transférée et conservée
en certains endroits au cours de la messe de minuit
de Noël. Et puis il apparut sur les tables du
repas pascal. Au début 16ème siècle,
à Albi, on distribuait aux malades "le
cabri de la vesprée de Pâques".
Sous le second Empire, les familles bourgeoises découpaient
un quartier d'agneau gras. Mais c'est surtout en Alsace
que l'agneau a une place particulière sur la
table pascale, sous forme de gâteau généreusement
saupoudré de sucre glace, un ruban rouge autour
du cou. " Le prédicateur Thomas Murner
rapporte en 1519 que les amoureux cultivaient l'habitude
de faire don d'un agneau à leur promise ",
relève Michèle Bardout dans " La
Paille et le Feu ". " A partir de cet usage
se serait développée la coutume d'offrir
aux enfants le jour de Pâques un délicieux
biscuit en forme de mouton ", poursuit-elle en
s'interrogeant sur les raisons de la persistance de
ce gâteau en forme d'agneau au détriment
de ceux en forme de poisson qui existaient auparavant.
" Peut-être l'agneau fut-il sauvé
de l'oubli par cette attendrissante légende
selon laquelle un agneau d'or surgit à l'aurore
du jour de Pâques et sautille par trois fois
devant le soleil levant, avant de disparaître?
" Malgré le caractère charmant
de cette légende, il semble plus vraisemblable
que les traditions hébraïques puis chrétiennes
aient eu une influence plus considérable. Et
puis, tout simplement, le moment de Pâques,
le printemps, est celui où les agneaux, avant
de devenir moutons, gambadent dans les verts prés
! C'est aussi la viande de la saison, et il semble
qu'actuellement, ce soit le gigot d'agneau qui soit
devenu le plat de viande du dimanche de Pâques.
Les recettes étant partout, je me contenterai
de rappeler que l'on compte dix à douze minutes
de cuisson par livre de viande, le reste, ail, fenouil
ou flageolets étant au libre choix. Par contre,
voici la recette du biscuit de Pâques alsacien,
en forme d'agneau, à condition d'avoir le moule.
L'agneau
alsacien en sucre
500
g de farine
250 g de beurre
1 /2 L de lait
2 ufs
25 g de levure de boulanger
250 g de sucre
1 pincée de sel
un peu de kirsch
sucre glace
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Faire fondre le beurre dans le lait chaud. Délayer
peu à peu la farine avec le lait refroidi.
Ajouter les ufs battus, le sucre, le sel
et le kirsch et la levure de boulanger délayée
dans un peu de lait froid. Travailler le mélange
à la main jusqu'à ce qu'il se
détache. Mettre dans une moitié
du moule préalablement huilé,
refermer le moule. Laisser lever deux heures,
puis faire cuire à four moyen pendant
45 minutes. Une fois cuit, saupoudrer l'agneau
de sucre glace.
L'agneau tient aussi place sur les tables russes
et polonaises ; en beurre ou en sucre dur, il
a été bénit à l'église
et sera conservé, celui de sucre en tout
cas, jusqu'à l'année suivante.
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Le
porc
" On était en carême depuis trente-deux
jours. Le carême était un exercice sévère,
dont la rigueur allait en croissant au fur et à
mesure que l'on se rapprochait de l'anniversaire de
la Crucifixion. Le Semaine sainte, la dernière
du jeûne rituel, était la plus dure,
car on faisait maigre tous les jours jusqu'au matin
du Samedi saint, veille de Pâques... Et pourtant,
pendant cette semaine inhumaine, alors que l'estomac
récriminait sans vergogne, les femmes sortaient
du saloir le jambon du dernier cochon, qui avait quarante-cinq
jours de saumure, pour préparer le jambon de
Pâques, le fameux "jambon persillé
" national. Le ventre creux, la mine battue,
car depuis trente-deux jours on se contentait de "
graisser " les plats en y ajoutant deux gousses
d'ail, elles manipulaient ce beau jambon bien gras,
elles l'attachaient solidement à une corde
et le descendaient dans le puits où il dessalait
pendant trois jours. Et le jeudi saint, après
l'office du lavement des pieds et de la bénédiction
de l'eau, elles le retiraient du puits, le décortiquaient,
le désossaient, le découpaient, le trituraient
pour en faire des terrines où il marinait dans
sa graisse en compagnie d'un généreux
hachis d'ail et de persil, et tout cela sans y mettre
le menton !"
L'emploi de porc au repas de Pâques est affirmé
assez souvent jusqu'à la fin du siècle
dernier. Tuer le porc pour les fêtes, Noël
ou Pâques, faisait partie de l'économie
des campagnes. Mais il était célébré
d'une façon tout à fait particulière
pour Pâques en Bourgogne, sous forme de jambon
persillé, et c'est Henri Vincenot, dans La
Billebaude, qui racontait un peu plus haut la confection
dudit jambon et l'héroïsme de ces femmes
qui résistaient à la tentation, après
tant de jours de carême, de goûter le
plat de la fête. Cette tradition s'est perpétuée,
en voici la recette :
Le
jambon persillé
Pour une dizaine de personnes
1 kg de jambon de campagne
1 pied de veau pour la gelée
2 échalotes thym et laurier
1 brin d'estragon
1 petit bouquet de cerfeuil
1 botte de persil
1 bouteille de bourgogne blanc aligoté
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Mettre
le jambon dans une marmite et le recouvrir d'eau
froide. Placer sur un feu moyen pendant une
heure. Sortir la viande, l'égoutter en
enlever la couenne.
Dans une cocotte en fonte, mettre le jambon
dégraissé, le pied de veau, les
échalotes, le thym, le laurier, l'estragon
et le cerfeuil. Poivrer, et mouiller avec le
bourgogne blanc. Faire cuire à feu doux
jusqu'à ce que la viande se détache
lorsqu'on la soulève à la cuillère.
Cela demande environ deux heures de cuisson.
Pendant ce temps, hacher la botte de persil.
Retirer le jambon de la cocotte, le poser sur
un plat et l'écraser à la fourchette,
en mélangeant gras et maigre.
Au fond d'un saladier de faïence évasé,
disposer une couche de persil, une couche de
jambon, et continuer de la sorte jusqu'à
épuisement de l'un et de l'autre, terminer
par une couche de persil haché et tasser
soigneusement.
Recueillir le jus de cuisson de la cocotte,
ajouter une cuillère à soupe de
vinaigre de vin et passer au tamis. Verser doucement
le liquide recueilli sur le jambon en prenant
soin qu'il pénètre bien le mélange
et qu'il recouvre la préparation. Faire
prendre en gelée dans un endroit frais.
Le jambon persillé se prépare
la veille. |
Une
autre coutume relative au porc est particulière
au pays messin : le morceau de porc doit être
la première vertèbre dit " corosse
ou juif " ; il se cuit entouré de choux.
En Bresse louhannaise, le jambon, couronné
de lauriers et de fleurs, était bénit
à l'église, avec le lard du repas de
Pâques. En Gascogne, c'était sous forme
de saucisson que le porc faisait son entrée
au repas de Pâques.
Les
ufs, sous toutes leurs formes
" Le lundi de Pâques, lou dilun de Pàsco,
jour où l'on organise force parties de campagne,
toute famille méridionale s'apprête à
" faire l'oumeleto ", faire le repas dont
l'omelette est le plat traditionnel. "Oumeleto,
noù-melats, truytàda, pascàdo",
l'omelette pascale se prépare aux fines herbes
ou, plus délectable encore, avec des rouelles
de saucisson coupées en petits dés.
Par allusion au frémissement de l'omelette
dans la poêle, si plaisant à entendre
après la maigre chère de carême,
rire de tout son cur se dit "rire coume
une pascàdo". Pas plus qu'il n'admet de
Noël sans touron, le Catalan ne conçoit
de Pâques sans omelette. " Comme Jean Poueigh,
tout observateur régional du début du
siècle aurait pu noter le même fait,
l'omelette était partout le dimanche ou le
lundi de Pâques. Elles étaient prétexte
à des réunions ou à des jeux.
En Seine-Maritime, le lundi de Pâques, se tenait
une "assemblée " où chacun
se rendait pour manger l'omelette. Il fallait la réaliser
sur place et la retourner. Ce moment était
attendu par tous et on se moquait des maladroits.
Dans la Somme, jeunes gens et jeunes filles se réunissaient
par groupes de huit ou dix, pour manger l'omelette
de Pâques. Les garçons apportaient les
ufs et, après le repas, garçons
et filles jouaient à colin-maillard. Dans l'Aunis
et la Saintonge, le repas de Pâques comprenait
obligatoirement une omelette et des petits agneaux.
Les ufs et les agneaux avaient été
préalablement bénits, et on ne brûlait
pas les coquilles des ufs, parce que saint Laurent
avait été supplicié sur un gril
chauffé aux coquilles d'ufs, et les ossements
de l'agneau, " qui figuraient l'agneau pascal
", n'étaient pas jetés, mais enterrés.
Dans les Pyrénées-Orientales, les familles
assistaient à la première messe pour
pouvoir manger l'omelette avant le lever du soleil
; en Gascogne, il fallait casser les ufs dès
le Samedi saint, en compter six par personne, et la
cuire de façon à ce que le couteau y
tienne droit. Personne ne résistait à
la tradition de l'omelette, même les mécréants,
comme le raconte Marie Mauron dans Les Cigales de
mon enfance: " Ainsi, lors d'un printemps qui
s'annonçait pourri et décidé
à tout pourrir aux champs, lui, le païen,
ne croyant qu'à la terre, au soleil et aux
éléments, nous emmena, le lendemain
carillonné de Pâques, pèleriner,
en jardinière, au minuscule sanctuaire de notre
Crau : Notre-Dame-des-ufs, de Vacquières..
L'aïeule se signait. L'omelette pascale, faite
sur trois pierres, dehors, en allumant le feu au soleil,
avec une loupe, à l'heure juste de l'astre
à son zénith, cette tradition naturelle,
ce symbole de renaissance universelle l'exaltait.
Le Soleil-Roi ! Soli Deo ! L'aïeule se signait
encore. "
Les
gâteaux de Pâques
Avec la joie de Pâques reviennent sur les tables
les gâteaux riches en ufs, et chaque région
avait sa tradition du gâteau de Pâques.
En Savoie, dans les Ardennes et dans la Creuse, il
n'était de Pâques sans soupe dorée,
ou soupe rousse, c'est-à-dire, des tranches
de pain blanc, ce qui était déjà
une friandise, trempées dans du lait et des
ufs, puis dorées au beurre à la
poêle. Dans la Creuse, la coutume voulait qu'on
les mange " afin que les poules pondent bien
". A Menton, les " cavagnats ", en
forme de panier, contenaient des ufs rouges
marqués d'une croix en pâte. En Touraine,
les gâteaux de pâte feuilletée
ou de pain d'épice avaient une forme de cheval.
En Corse, dans la région de Bastia, les "
campanili " avaient une forme de corbeille de
pâte à grande anse, et contenaient deux
ufs blancs, tandis que dans la région
de Sartène ils représentaient une couronne
surmontée d'ufs. Dans la région
de Metz, le gâteau de Pâques était
une brioche en pâte tressée ; dans l'Yonne,
des craquelins de forme carrée ; à Aigurande,
des gâteaux ronds, appelés "marmottes"
; dans le Bocage vendéen, l'alise pacaude dont
la préparation est très réglementée
: le Samedi saint, on cuit une fournée complète
de gâteaux, dont certains vont jusqu'à
dix livres. La pâte est faite de lait, de beurre,
de crème, d'ufs, de sucre et de fleur
d'oranger. Il est défendu d'y goûter
avant le matin de Pâques, car la veille "
ils sont remplis de crapauds ". Chaque membre
de la famille reçoit un gâteau, dont
il se coupe une tranche en dessert après le
repas, et tant qu'il reste de ce gâteau on en
offre à tout visiteur. Ces gros pains briochés
demandent une surveillance du levain, qui ne doit
pas trop lever, pour répondre à leur
nom " alises ", de alis, compact, mal levé.
Il y avait aussi les fougassons en Auvergne, les "
niflettes " en Bourgogne, les " pagnottes
" en Forez, les " darioles " à
Reims. Beaucoup de ces gâteaux ont disparu pour
céder la place aux réalisations des
pâtissiers, qui renouvellent à leur façon
la tradition pascale, mais il ne semble pas que se
soit dégagée une forme de gâteau
traditionnel de Pâques en France, comme peuvent
l'être la paska en Russie, la colombe maintenant
en Italie, ou le baba en Pologne. Voici donc quelques
recettes du temps passé, à retrouver
peut-être.
Les
échaudés aux ufs de Pâques
pour 6 personnes
275 g de farine
60 g de sucre
2 ufs
1 cuillère à café
de levure
1 pincée de sel
50 g d'huile d'olive
eau de fleur d'oranger
2 cuillères à soupe d'eau
ufs durs pour décorer
|
Mettre
la farine dans une terrine, y faire un puits
et verser le sucre, les ufs battus, le
sel, la levure délayée dans l'eau
tiédie, l'huile et l'eau de fleur d'oranger.
Travailler jusqu'à obtenir une pâte
homogène. Laisser reposer trois ou quatre
heures. Donner la forme d'une couronne, en gardant
un peu de pâte pour faire les croisillons
qui maintiennent les ufs durs. Jeter la
couronne dans de l'eau frémissante jusqu'à
ce qu'elle remonte à la surface, puis
la plonger dans l'eau froide pour la refroidir.
Enfoncer les ufs durs teints dans la couronne,
et les fixer par un croisillon de pâte.
Faire cuire à four chaud pendant une
demi-heure environ. |
L'alise
pacaude
Incorporer progressivement à la pâte
à pain, le beurre, les ufs, le
sucre, le sel, et l'eau de fleur d'oranger.
Donner la forme d'un pain rond. Laisser lever
pendant quatre heures, puis faire cuire à
four moyen pendant une demi-heure. |
pour une dizaine de personnes :
500 g de pâte à pain
125 g de beurre
2 oeufs
125 g de sucre eau de fleur d'oranger
1 pincée de sel
|
Les couronnes corses
pour une dizaine de personnes :
500 g de farine
1 uf
125 g de sucre
375 g de beurre
1 pincée de sel
1 petit verre d'eau-de-vie
un peu d'anis
20 g de levure de boulanger
1 verre d'eau
ufs durs colorés pour décorer
|
Mettre
la farine dans une terrine, y faire un puits
et verser l'uf battu, le sucre, le beurre
ramolli coupé en petits morceaux, le
sel, l'eau-de-vie et l'anis. Ajouter un peu
d'eau si nécessaire. Délayer la
levure dans un peu d'eau tiède et l'incorporer
à la pâte. Laisser reposer deux
à trois heures. Donner la forme d'une
couronne en gardant de la pâte pour les
croisillons qui maintiennent les ufs durs
colorés. Les enfoncer dans la couronne,
les fixer par les croisillons de pâte,
et faire cuire à four moyen pendant une
demi-heure. |
Le repas de Pâques
en Grèce
En
Grèce, la fête de Pâques est l'une
des plus grandes de l'année. Un mois à
l'avance, les femmes préparent les vêtements
de fête et la remise à neuf de la maison.
Puis le rythme de l'activité s'accélère
pendant les deux dernières semaines.
" Quinze jours avant Pâques, ma mère,
ma grand-mère et ma tante entreprenaient le
grand ménage. La maison était vidée
de ses meubles, et pas un coin n'échappait
à l'eau, à la lessive, au savon. Les
murs extérieurs étaient lessivés
et repeints, les vieux vêtements jetés
ou brûlés. Pendant ce temps, les hommes
allaient choisir et acheter l'agneau, mais c'était
surtout les femmes qui organisaient la fête.
Elles surveillaient les poules pour que les ufs
de Pâques ne soient pas des ufs de la
pleine lune. Elles appelaient le pope pour lui faire
bénir la maison, et mettaient tous les hommes
dehors.
Le Jeudi saint, les repas étaient copieux,
avant le jeûne du Vendredi saint. La journée
était consacrée aux défunts.
Chacun allait au cimetière sur la tombe des
proches. Les gens des villes retournaient sur leurs
lieux d'origine, dans les campagnes, les montagnes.
Athènes, qui est une ville de trois millions
d'habitants, n'en compte plus qu'un au moment de Pâques.
Le jeudi soir, les femmes préparaient les repas
du vendredi : des légumes, des haricots blancs
ou des pois chiches, qui cuisaient toute la nuit avant
de mariner dans de l'huile d'olive ou du citron. A
minuit, il y avait une messe à l'église
pour préparer le Vendredi saint, abstinence
et Purification suprême avant Pâques.
Le Vendredi saint, le silence s'installait dans les
maisons. La radio et la télévision ne
diffusaient que des chants religieux. Il était
hors de question de hausser le ton ou de se quereller.
Le Christ souffre, silence et recueillement l'accompagnent
dans son chemin de douleur. La messe était
très longue, dans une église fastueusement
décorée. Les murs avaient été
eux aussi lessivés et repeints, des buissons
d'illets rouges et blancs répandus sur
le sol. Les icônes avaient été
dépoussiérées, les cierges allumés
et l'odeur de l'encens se diffusait à travers
toute l'église.
Le Samedi saint était un jour plus terre à
terre. Je crois que c'est le seul jour de l'année
où j'ai vu les hommes repasser. Mon oncle,
mon grand-père, les voisins repassaient leurs
vêtements, leur chemise blanche impeccable.
Mais, surtout, ils allaient se faire raser et restaient
chez le barbier des heures entières, passionnés
par les discussions habituelles sur le football et
la politique. Pendant ce temps-là, la maison
était en pleine effervescence. Les femmes préparaient
les brioches de Pâques, les tsoureki, avec de
la farine, de l'eau, de l'eau de fleur d'oranger,
et une fois que les brioches étaient cuites,
elles les couvraient de confiture de roses et les
décoraient de petits morceaux de sucre de toutes
les couleurs. Mais, surtout, elles teignaient les
ufs. Il y avait dans le village des vieilles
qui connaissaient le secret des teintures. Elles trouvaient
des bleus, des verts, des rouges, qui étaient
absolument superbes. Elles faisaient bouillir des
oignons pendant des heures. L'eau de cuisson devenait
mauve, un peu violette. Les ufs durs macéraient
dans la teinture une journée entière
et devenaient rouge bordeaux. Il y avait aussi un
jaune safran qui tirait vers l'orange. Maintenant
la teinture se fait avec des produits chimiques et
les commerçants, au moment de Pâques,
vous en glissent un sachet avec les autres achats.
Le samedi soir, vers onze heures, avait lieu la dernière
messe avant le dimanche de Pâques. La célébration
était très silencieuse, recueillie,
et à la sortie chacun allumait une ou plusieurs
bougies à la flamme des grands cierges et repartait
chez soi en chantant, avec les bougies allumées.
Elles étaient posées devant les fenêtres,
vers l'est, la lumière du matin. Ces bougies
sont longues et fines mais elle doivent durer
jusqu'à l'aube. Elles accompagnent l'âme
des morts.
Le grand jour arrive enfin. Les cloches sonnent à
toute volée dès le lever du jour. Les
voix résonnent à nouveau dans les maisons.
Des hommes, le chef de famille généralement,
tuent l'agneau, le dépècent, l'enduisent
d'huile et d'aromates. Chacun a revêtu un vêtement
neuf ou impeccable. Tout le village se réunit
à un point précis, qui peut être
un puits, ou le lieu de fondation du village. Le pope
est là, avec ses assistants, les churs,
et il commence à cet endroit la bénédiction
du village. En procession, icônes sacrées
en tête et dans les vapeurs de l'encens, le
village réuni se dirige vers l'église.
Par trois fois, la procession fait le tour de l'église
avant d'y pénétrer. Les femmes se placent
devant, au premier rang les vieilles, puis les mères,
enfin les filles et les surs. Les hommes sont
sur les côtés et au fond. Les personnes
du village qui ont commis des péchés
importants pendant l'année ne sont pas admis
à l'église. Je me souviens d'une jeune
veuve qui avait été interdite d'église
parce qu'elle s'était remariée un an
après la mort de son mari. Elle n'avait pas
attendu les trois ans nécessaires au refroidissement
des os. Elle n'avait pas suffisamment respecté
l'âme de son mort. La messe est fastueuse, tout
le monde chante et, à la sortie, chacun embrasse
son voisin. Ce jour-là, toutes les jalousies,
les passions autour de l'argent doivent disparaître.
Il faut faire la paix, alors les clans rivaux du village
s'embrassent. Chaque famille amène ses ufs.
Quand le temps est beau, les habitants du village
fêtent Pâques en plein air, sur la place
devant l'église. Chaque famille dépose
ses ufs dans un immense panier, et chacun en
prend un et le cogne contre celui de son voisin en
disant : Christos anesti (Christ est ressuscité).
Si la coquille ne se brise pas, c'est un signe de
chance. Il faut cogner l'uf avec tout le monde.
Je me souviens d'un repas de Pâques où
nous étions plus de quarante, et cela avait
bien pris une heure pour cogner les ufs. Il
y avait par terre des coquilles de toutes les couleurs,
et après nous mangions un uf ou deux.
L'agneau, qui a rôti toute la matinée,
badigeonné d'huile d'olive et parfumé
de basilic, de thym, d'origan, est alors découpé
et le repas se déroule en musique, parce qu'il
y a toujours quelqu'un qui sait jouer d'un instrument.
Dans les villages, quelquefois, on paie un orchestre.
Et pendant tout l'après-midi, on mange, on
chante, on danse. La renaissance du Christ est fêtée
dans la joie " (récit de Mikael Frugoli).
Le repas de Pâques
Le repas commence toujours par une sorte de "
combats d'ufs". Chaque convive choque son
uf dur contre celui du voisin, pratique que
l'on retrouve en Russie. Parfois cette entrée
d'ufs durs colorés est suivie d'une soupe.
Soupe
de Pâques ou Mayiritsa
Laver le foie, les poumons et le cur.
Retourner les intestins et les passer à
l'eau. Frotter ces abats de sel et de jus de
citron, puis rincer soigneusement.
Faire bouillir sept tasses d'eau et y jeter
les abats. Lorsque l'eau bout à nouveau,
écumer, saler et laisser mijoter une
demi-heure. Egoutter la viande et la couper
en tout petits morceaux.
Faire revenir les oignons hachés dans
une cocotte, avec du beurre. Une fois qu'ils
sont tendres, ajouter la viande coupée,
l'aneth et le poivre. Faire cuire en remuant,
puis ajouter le bouillon et laisser cuire encore
une vingtaine de minutes. 20 minutes avant de
servir, ajouter le riz.
Pendant ce temps, préparer la sauce (avgholemono)
: faire chauffer le beurre à feu doux
au bain-marie. Ajouter la farine et mélanger
jusqu'à obtenir une pâte homogène.
Verser le bouillon petit à petit, en
l'incorporant. Cuire à feu doux jusqu'à
ébullition. Garder au chaud au bain-marie.
Dans un petit bol, battre les jaunes d'ufs
avec le jus de citron puis verser un peu du
liquide qui est au bain-marie. Une fois que
l'amalgame s'est fait, verser le contenu du
petit bol dans l'autre récipient. Remuer
pendant quelques minutes, retirer du feu et
ajouter une cuillerée à soupe
de persil haché.
Verser la sauce sur le bouillon et servir immédiatement. |
pour
6 à 8 personnes :
foie, poumons, cur et intestins
d'un agneau de lait
sel, jus de citron
4 à 5 gros oignons de printemps
finement hachés
1 /2 tasse de beurre
1 /2 bouquet d'aneth haché
6 cuillères à soupe de riz
Pour la sauce : 3 ufs, 1 jus de
citron, 1 tasse de bouillon (de cuisson
de la soupe), 7 tasses d'eau
|
Les gâteaux de Pâques
Tsourekia
(pains sucrés de Pâques)
pour une trentaine de pains sucrés
60 g de levure de boulanger
1 /2 tasse d'eau chaude
1 /2 tasse de lait chaud
1 cuillère à café
de sucre
10 à 11 tasses de farine
7 ufs
1 tasse et demie de sucre
zeste de citron râpé
1 tasse de beurre fondu
|
Délayer
la levure dans l'eau chaude. Ajouter le lait,
une cuillerée à café de
sucre et deux tasses de farine. Bien mélanger,
laisser reposer dans un endroit chaud pendant
1 heure, après avoir couvert le levain
d'un linge.
Au bain-marie, battre les ufs, le sucre
et le zeste jusqu'à ce que le mélange
blanchisse. Incorporer le reste de la farine
et le levain. Puis travailler la pâte
obtenue sur une planche couverte de farine.
Incorporer le beurre à la pâte.
Lorsqu'elle est bien lisse, mettre la pâte
dans un grand bol beurré, la badigeonner
légèrement de beurre fondu, la
couvrir d'un linge et la laisser reposer dans
un endroit chaud jusqu'à ce qu'elle ait
doublé de volume (environ 2 heures).
Façonner en boudins de 2 cm d'épaisseur
et de 30 cm de longueur. Tresser ces boudins
sur une plaque graissée. Laisser encore
doubler de volume, pendant 1 heure environ.
Dorer à l'uf et faire cuire à
feu modéré pendant une demi-heure.
Les tresses peuvent aussi être fermées
en anneaux, mettre un uf dur coloré
en rouge au centre de l'anneau. |
Biscuits
de Pâques (koulourakia lambriatika)
pour une vingtaine de biscuits
1/2 tasse de beurre
1 tasse de sucre
3 ufs
zeste de citron râpé ou vanille
1 /2 tasse de lait
7 tasses de farine
1/2 sachet de levure alsacienne
1 uf battu
amandes effilées
|
Réduire
le beurre en pommade, ajouter le sucre et battre
jusqu'à faire mousser. Ajouter les ufs
un à un, parfumer au citron ou à
la vanille. Fouetter pendant 5 minutes. Incorporer
tour à tour du lait et de la farine jusqu'à
obtention d'une pâte molle. Façonner
en lanières minces, de 40 cm de long.
Les plier en deux et souder les extrémités
de façon à faire des anneaux.
Disposer sur une plaque graissée, dorer
à l'uf, saupoudrer d'amandes. Cuire
à feu modéré pendant une
vingtaine de minutes. |
Biscuits
de Pâques de Smyrne (tsourekakia Smyrnis)
pour une trentaine de biscuits
2 tasses de beurre
1 tasse et demi de sucre
4 jaunes d'ufs
1/2 tasse de lait
8 tasses de farine
2 cuillères à café
de levure en poudre
vanille ou zeste de citron râpé
1 uf
|
Travailler
le beurre et le sucre en pommade. Ajouter les
quatre jaunes d'ufs l'un après
l'autre en fouettant bien, puis le lait, la
farine et la levure en poudre. Pétrir
la pâte jusqu'à ce qu'elle soit
lisse. Parfumer à la vanille ou au citron,
la pâte doit rester ferme.
Former des cordons de l'épaisseur d'un
crayon et d'une longueur d'une trentaine de
centimètres. Plier chaque bande en trois
et bien souder les extrémités.
Poser les gâteaux sur une plaque non graissée,
dorer à l'uf battu. Cuire à
four modéré pendant 18 à
20 minutes. |
Biscuits
de Pâques de Crète (koulourakia
tis Lambris)
pour une trentaine de biscuits
4 ufs
1 tasse de beurre
1 tasse un quart de sucre
1 cuillère à café
de vanille
2 cuillères à soupe de carbonate
d'ammoniaque
1 tasse de lait chaud
2 cuillères à soupe d'eau
de fleur d'oranger
6 tasses de farine
1 uf, sel
|
Battre
les quatre blancs en neige avec un peu de sel.
Battre en mousse le beurre, le sucre et les
jaunes. Incorporer délicatement les blancs
et la vanille. Délayer le carbonate d'ammoniaque
avec le lait et l'eau de fleur d'oranger. Ajouter
tour à tour ce mélange et de la
farine au premier appareil (beurre, sucre, jaunes
et blancs). Travailler en pâte molle.
Façonner en petits anneaux. Disposer
sur une plaque graissée (les biscuits
doublent de volume à la cuisson, donc
laisser de l'espace entre eux), dorer à
l'uf et cuire pendant un petit quart d'heure
à feu modéré. |
Biscuits
de Pâques de Ianina (koulouria Yianiotika)
pour une quinzaine de biscuits
1 tasse de beurre
1 tasse et demie de sucre
3 ufs
20 g de carbonate d'ammoniaque
3 tasses de farine
eau de fleur d'oranger
sucre glace |
Réduire
le beurre en pommade et ajouter progressivement
le sucre en battant jusqu'à ce que le
mélange mousse. Battre les ufs
avec le carbonate d'ammoniaque et incorporer
au beurre et au sucre. Puis ajouter de la farine
et travailler jusqu'à ce que la pâte
soit lisse. Façonner la pâte en
rouleaux de 25 cm de longueur et d'1 cm d'épaisseur,
amincir les bouts et pincer en forme de boucle.
Faire des entailles à 2,5 cm d'intervalle
sur le tour des boucles.
Disposer sur une plaque beurrée et cuire
à feu moyen pendant une vingtaine de
minutes. Puis humecter les gâteaux de
fleur d'oranger et les plonger dans le sucre
glace. |
Le
repas de Pâques en Russie
Henri
Troyat, dans " La Vie quotidienne au temps du
dernier tsar ", retrace le déroulement
de cette période exceptionnelle dans l'année
russe : " Au mois de février, pendant
la première semaine du jeûne, marquée
par l'interdiction de manger de la viande, les blinis
à la crème apparaissaient sur toutes
les tables, accompagnés de harengs ou de caviar.
Au crépuscule, sur la berge de la Moskova,
arrivaient des traîneaux rustiques, conduits
par des paysans, et débordant de victuailles
: tonneaux de choux aigres et de concombres salés,
paniers de champignons secs, caisses de pois chiches,
bocaux de marinades diverses. Toutes ces nourritures
étaient nécessaires à l'approvisionnement
de la ville pour le grand carême, dont la première
semaine était vouée par l'Eglise au
légume obligatoire. Plus de lait, plus de beurre,
plus de fromage blanc. Parmi les petites gens et dans
certaines grandes familles très croyantes,
ces prescriptions étaient suivies à
la lettre. Les ménagères moscovites
achetaient en hâte les aliments sévères
dont elles auraient besoin pendant les longues semaines
du grand carême orthodoxe... Commençait
la Semaine sainte, avec ses places désertes,
ses cloches silencieuses et son jeûne renforcé.
Mais cette somnolence de la ville cachait une intense
activité culinaire. Partout, les maîtresses
de maison s'affairaient pour organiser le festin pascal.
Il fallait préparer la pâte pour le koulitch,
le fromage blanc sucré pour la paskha traditionnelle
et les couleurs pour les ufs. Le Samedi saint,
dans la rue, la plupart des passants étaient
chargés de paniers, de cartons. Les boulangers,
débordés de commandes, s'enlisaient
dans la pâte et les sucreries. La " niania
" décorait les icônes avec des roses
en papier et portait les paskha, les ufs, les
koulitch à l'église, où ils recevaient
la bénédiction... Après la messe
de minuit pascale, où résonnent les
" Krhistos voskressé " (Christ est
ressuscité) et où s'échangent
par trois fois les baisers de paix sur la bouche,
pendant que la ville s'illuminait sous les feux d'artifice,
s'effectuait le retour à la maison où
une table abondamment garnie attendait ses hôtes.
Le soir même, il y eut, à la maison,
un souper pantagruélique, avec de nombreux
invités. Les domestiques, qui avaient tous
reçu un petit cadeau, montraient des visages
de fête. Jean Roussel s'amusa de la coutume
des combats d'ufs entre convives. Chacun prenait
un uf dur colorié sur le tas et, le serrant
dans son poing, en frappait légèrement
l'uf de son voisin de table. Celui dont l'uf
se brisait était exclu de la compétition...
A la fin du tournoi, le maître de maison proclamait
le champion, qui mettait de côté son
uf victorieux et en cassait un autre, sur le
bord de son assiette pour la consommation immédiate
et le croquait avec extase. Même ceux qui s'étaient
bien gardés de suivre le carême avaient
l'impression de n'avoir pas mangé à
leur faim depuis sept semaines.
" Les ufs préparaient l'avènement
des zakouski froids et chauds. Les zakouski froids
et chauds annonçaient le cochon de lait traditionnel,
à la peau croustillante, à l'il
mi-clos et aux mâchoires entrouvertes sur un
uf colorié. Les verres de vodka, de zoubrovka,
de pertzovka étaient des signes de ponctuation
nécessaires à l'intelligence de cette
longue phrase gastronomique. La paskha, en forme de
pyramide tronquée, blanche, onctueuse, bourrée
de fruits confits, parfumée de vanille, le
koulitch cylindrique, avec sa coiffe de sucre fondu,
reçurent les bruyants éloges des connaisseurs.
" (Henri Troyat)
" Il y a toujours la préparation du koulitch,
de la paskha et des ufs. Les ufs sont
peints, dans les milieux artistiques, autrement on
les colore. Comme il n'y a aucun produit chimique,
on utilise des produits naturels : l'épinard
pour le vert, l'oignon pour le rouge. Les kolkhosiens
fabriquent des ufs en bois décorés
et les vendent pendant toute la semaine de Pâques.
IL y a toujours les lettres XB, Christ est ressuscité.
J'en ai reçu un, décoré avec
une église et les lettres XB, avec, un texte
d'accompagnement peint sous l'église : "
Nous vous félicitons pour Pâques, chers
camarades. " L'uf s'ouvre et en contient
plusieurs plus petits à l'intérieur.
Chez les orthodoxes, le carême est terriblement
dur et très suivi. Ma belle-mère, qui
était très âgée et très
pratiquante, le suivait scrupuleusement. A la fin
des quarante jours de carême, il faut se restaurer,
manger des choses lourdes. A partir du jeudi et du
vendredi commence la préparation du koulitch,
de la paskha, des ufs. Pour faire la paskha,
il faut du fromage blanc très sec. Les babouchki
font des réserves très longtemps à
l'avance. Et les autorités s'arrangent pour
en mettre plus sur le marché à cette
époque. Pâques est sacré. Le samedi,
à l'église, le pope bénit les
gâteaux et les ufs. Ça se fait
encore à Moscou. Les autorités ferment
les yeux, parce que cela fait partie des soupapes
nécessaires. Mais c'est toujours la grand-mère,
la babouchka, qui vient avec son panier d'ufs
et le koulitch dans un foulard. On ne mange pas si
ça n'a pas été béni. Les
kolkhosiens fabriquent encore des moules à
paskha, qu'ils vendent à l'approche de la Semaine
sainte, mais chaque famille garde les siens.
Le samedi soir, il y a la messe de minuit, avec une
procession. On sort les icônes, on fait le tour
de l'église trois fois, il y a les bénédictions
et tout le monde s'embrasse, chacun tient une bougie
rouge. La messe de minuit est une grande attraction
en Union soviétique. Même les gens qui
ne mettent jamais les pieds à l'église
essaient d'y aller ce jour-là. Il y a un monde
fou et comme les églises sont petites il est
souvent impossible d'y entrer. Les sonneries de cloches
sont interdites, et la première fois que j'étais
à Moscou pour Pâques, on entendait juste
un petit son très strident qui annonçait
la résurrection. Mais on n'a pas l'impression
d'avoir fait Pâques si on ne passe pas du côté
de l'église. Le reste de la nuit se poursuit
à manger et à boire.
Quoi qu'il en soit persiste ce sentiment de résurrection,
de vie nouvelle, de printemps. C'est une nouvelle
année qui arrive, sur le plan personnel et
spirituel " (témoignage d'Agnès
Dronikov).
La
table de Pâques en Russie offre toujours une
profusion de plats. Mais les signes de Pâques
sont essentiellement les ufs durs colorés
et les gâteaux : koulitch, paskha avec toutes
ses variations, et des tartes au fromage blanc.
Koulitch
pour 10 à 12 personnes
1 kg de farine 300 g de beurre
350 g de sucre
6 ufs
1 /4 de litre de lait
10 g de vanille en poudre
1 pincée de safran
60 g de levure de boulanger
100 g de raisins secs |
Prévoir
une demi-journée entière pour
la préparation du koulitch.
Délayer la levure dans un verre de
lait tiédi et mélanger avec
une cuillère à soupe de farine
autant de sucre et le safran. Laisser reposer
10 minutes. Battre les jaunes d'ufs
avec le reste de sucre. Monter en neige 3
blancs d'ufs.
Dans un grand saladier, verser la farine (en
garder 2 cuillères à soupe pour
fariner la planche), la vanille, le sel, les
jaunes d'ufs battus, le levain qui aura
doublé de volume, le lait, les blancs
en neige. Mélanger d'abord à
la spatule puis travailler la pâte à
la main en la trempant légèrement
dans le beurre à peine fondu.
La pâte est prête quand elle n'adhère
plus aux mains. Tout le beurre doit être
absorbé. Le pétrissage est l'opération
la plus importante, il demande parfois 10
minutes, parfois beaucoup plus. La pâte
doit être lisse, souple et un peu molle.
Laisser lever 1 heure et partager en trois
morceaux.
Pour remplacer les moules cylindriques, introuvables
dans le commerce, utiliser des boîtes
de conserve 4/4, parfaitement lisses. En préparer
trois. Garnir le fond d'une rondelle de papier
beurré et les bords de papier beurré
également, dépassant de 3 à
4 cm du haut de la boîte. Saupoudrer
abondamment de chapelure.
Laver et essuyer les raisins secs et en ajouter
à chaque morceau de pâte. Pétrir
à nouveau quelques instants, et mettre
chaque morceau, sans froisser le papier, dans
le moule, en ne le remplissant qu'à
moitié.
Mettre les moules remplis, couverts d'une
serviette, auprès d'une source de chaleur.
Eviter les courants d'air. Attendre que la
pâte lève dans le moule, environ
une demi-heure.
Cuire à feu doux 5 minutes, puis à
four moyen, environ 30 minutes. A mi-cuisson,
recouvrir d'une feuille de papier, pour que
le dessus ne brûle pas. Vérifier
l'état de cuisson avec une aiguille
à tricoter. Si elle ressort sèche,
le koulitch est cuit. Le sortir aussitôt
du moule, en donnant de petites secousses.
Puis glacer les koulitch au blanc d'uf
et décorer le haut en écrivant
les lettres XB, avec des lamelles de fruits
confits. Servir en coupant en grosses rondelles
en gardant le haut pour la fin. Les conserver
dans une boîte en fer ou dans du papier
d'aluminium. |
Les
paskha
Les paskha se font dans des moules pyramidaux, que
l'on peut trouver dans les magasins russes, mais il
est possible d'en fabriquer : découper quatre
planches en forme de trapèze isocèle,
de 25 cm à la base et de 5 à 6 cm en
haut (on peut aussi utiliser un pot de fleurs propre.
Paskha
crue
pour 12 personnes
1 kg de fromage blanc frais
300 g de beurre
500 g de sucre en poudre
2 jaunes d'ufs
100 g d'écorces d'orange confites
1 zeste de citron râpé
vanille
pour décorer: 60 g de beurre, 30
g de sucre en poudre, fruits confits
|
Préparer
2 à 3 jours auparavant.
Mettre le fromage frais dans une mousseline,
faire un nud et suspendre le fromage au-dessus
d'un évier. Il doit perdre la moitié
de son poids. Si cela n'est pas suffisant, le
mettre, toujours dans sa mousseline, dans une
passoire et poser une assiette et un poids par
dessus. Laisser ainsi 3 à 4 heures.
Passer le fromage bien égoutté
au mixer, et le réduire en une pâte
onctueuse.
Fouetter le beurre ramolli pour le rendre crémeux,
ajouter le sucre. Battre vigoureusement l'ensemble,
puis mélanger avec le fromage blanc et
les jaunes d'ufs. Le mélange doit
être parfaitement homogène.
Ajouter 1/4 de cuillère à café
d'extrait de vanille, le zeste de citron finement
râpé et les écorces d'orange
coupées en petits morceaux.
Laver et essorer la mousseline et en tapisser
le moule. Verser la pâte dans le moule,
tasser, refermer la mousseline, poser une assiette
avec un poids dessus. Laisser reposer 24 heures
au frais. Démouler sur le plat de service.
Pour la décoration: battre le beurre
ramolli avec le sucre et répartir à
l'aide d'une poche à douilles, en formant
des motifs et les lettres XB, disposer quelques
fruits confits pour le colorer. |
Paskha
cuite
pour 12 personnes
1,5 kg de fromage blanc
200 g de crème
6 ufs
200 g de beurre
300 g de sucre
100 g de fruits confits
1 gousse de vanille |
Préparer
le fromage blanc comme pour la paskha crue.
Le passer au mixer en incorporant les ufs,
le sucre, la vanille coupée en petits
morceaux et la crème fraîche. Mettre
le mélange sur feu doux et amener à
ébullition sans arrêter de tourner
avec une cuillère en bois. Au premier
bouillon, retirer du feu.
Ajouter le beurre et continuer à tourner
jusqu'à ce qu'il soit entièrement
incorporé. Le mélange obtenu reste
liquide, mais durcira en refroidissant. Tapisser
un moule d'une mousseline humide. Verser la
préparation, replier les bords de la
mousseline et poser un poids sur le moule. Le
laisser au moins 24 heures.
Démouler et décorer comme pour
la paskha crue.
Il est aussi possible de réaliser des
paskhas colorées, au chocolat, à
la pistache, ou roses, au "lait fondu "
ou en incorporant des colorants alimentaires.
Pour la paskha au chocolat, procéder
comme pour la paskha crue, mais ajouter au mélange
125 g de chocolat ramolli. Pour une paskha verte,
incorporer au mélange de la paskha crue
125 g de poudre de pistache et quelques gouttes
de colorant alimentaire. Pour la paskha "
rose ", une vieille recette conseille de
faire cuire 2 litres de lait crémeux
au four, jusqu'à ce qu'il se caramélise.
Quand le lait " rosi " devient tiède,
ajouter 500 g de crème fraîche,
mettre à four doux pour faire tourner
le lait, ensuite garder dans un endroit tiède
1 heure environ. Enfermer dans une mousseline
et placer dans un endroit froid pendant 4 heures,
pour obtenir le fromage dur qui sert de base
à la paskha. Travailler ensuite ce fromage
coloré comme pour une paskha crue. |
La
tarte au fromage blanc (vatrouchka)
pour 8 à 10 personnes
3 ufs
250 g de sucre en poudre
100 g de beurre
350 g de farine
1 pincée de sel
Garniture :
200 g de fruits confits
1 verre à liqueur de cognac ou
de rhum
200 g de sucre en poudre
1 cuillère à café
de vanille en poudre ou en extrait
500 g de fromage blanc
sucre glace
|
Egoutter
le fromage blanc. Couper les fruits confits
en petits dés et laisser macérer
dans le verre de cognac ou de rhum.
Préparer la pâte : mettre les trois
jaunes et un blanc d'uf dans une terrine,
ajouter le sucre en poudre et le sel. Travailler
jusqu'à ce que le mélange blanchisse
et devienne crémeux. Incorporer le beurre
ramolli morceau par morceau.
Ajouter la farine et pétrir à
la main jusqu'à ce que la pâte
soit souple et homogène. Rouler en boule,
recouvrir d'un torchon et laisser reposer au
frais pendant une heure.
Etaler la pâte sur une épaisseur
d' 1cm, garnir la tourtière et piquer
à la fourchette le fond de la tarte.
Garder les chutes de pâte.
Préparer la garniture : travailler les
jaunes et la moitié des blancs dans une
terrine, jusqu'à ce que le mélange
blanchisse et devienne crémeux. Ajouter
la vanille, le fromage blanc égoutté
et les fruits confits.
Recouvrir le fond de tarte de cette préparation.
Avec les chutes de pâte, dessiner des
croisillons sur le dessus de la tarte. Badigeonner
avec le reste de blanc d'uf. Faire cuire
à four moyen pendant 40 mn. Démouler
à la sortie du four et saupoudrer abondamment
de sucre glace. Servir chaud ou froid. |
BIBLIOGRAPHIE
- A. Franklin, La vie privée d'autrefois-La
cuisine, Slatkine
- C. Paradissis, Le meilleur livre de cuisine
grecque, Efstathiadis, Athènes
- H. Witwika, S. Soskine, La cuisine russe classique,
Albin Michel
- H. Troyat, La vie quotidienne en Russie au
temps du dernier tsar, Hachette

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