Praxis
et “théorie”
au sein de
la Théologie ecclésiale
Par le Prof.
Hdr. Archim. Grigorios D. PAPATHOMAS
Texte publié dans Nouvelles de Saint-Serge,
n° 20 (1996), p. 22-24
« Ta parole ne sera pas menteuse,
ni vaine,
mais remplie de praxis ».
(Didachè des Douze Apôtres, chap. II, 5).
Dieu
(Religion) Découverte
Révélation
(Apocalypse)
Homme
Les deux approches qui montrent la différence
d’opposition
entre la Foi révélée et la Religion conceptuelle
*
* * * *
La dialectique
entre la praxis et la “théorie” au sein de la Théologie
ecclésiale forme une condition préalable à toute approche
théologique scientifique ou même pastorale, et constitue
également une clé herméneutique de grande importance.
Il s’agit du rapport organique qui existe entre ce qu’on
appelle d’une manière générale “la praxis (ou pratique)
et la théorie” dans le cadre de la Théologie ecclésiale.
Précisons ici que nous nous plaçons dans le cadre de
la “Théologie ecclésiale”. Il est clair en effet que
l’articulation entre “la théorie et la praxis” n’est
pas la même dans le cadre de la Théologie ecclésiale,
qui nous occupe, que dans le cadre de la Philosophie,
de la Science juridique ou même de la Religion en général.
On pourrait dire au contraire, pour ce qui est de leurs
perspectives, qu’elles vont en sens opposé.
En effet,
dans la Philosophie ou la Science juridique, la théorie
précède la praxis. La Philosophie présuppose la conception
humaine d’une chose et essaie par la suite de la réaliser,
de la mettre en œuvre, en pratique, dans la vie quotidienne
et même institutionnelle, par ses moyens propres ou
par les moyens de la politique. Il en est de même, d’une
manière ou d’une autre, avec la théorie juridique qui
dicte très souvent la pratique législative. Il s’agit
en fait d’une conception qui correspond certainement
aux besoins humains mais qui demeure, dans sa vision,
spéculative. Au cours des siècles, pour correspondre
à ces besoins humains, on a vu l’apparition de plusieurs
théories philosophico-idéologiques et socio-politiques
ou ce qu’on appelle également de cosmothéories (visions
du monde), chacune revendiquant l’exclusivité de leur
application dans la société humaine. À titre d’exemple,
les récents événements des années avant et après 1990
en Europe centrale et orientale sont là pour en témoigner.
L’abolition du socialisme comme système idéologique
et socio-politique appliqué présuppose d’abord la formation
d’une théorie au cours des siècles précédents et par
la suite tous les efforts politico-idéologiques nécessaires
pour que cette théorie soit institutionnellement appliquée
dans la société ou, plus précisément, dans l’Etat. C’est
ainsi que la praxis est le moyen de la réalisation dans
la pratique de la théorie et de l’idéal abstrait.
Après avoir
précisé la manière dont s’applique une théorie philosophique,
juridique, politique ou autre, il nous faut indiquer
les caractéristiques de la “théorie” en Théologie ecclésiale.
Tout d’abord, dans l’Eglise, il n’y a pas de théorie
au sens dont nous venons d’en parler et de décrire,
car l’Eglise demeure “vie-centrique”, praxicentrique,
c’est-à-dire centrée sur la praxis. Nous rappelons la
parole patristique : « pra`xi" qewriva" ejpivbasi"
[praxis théorias épivassis] » : la praxis forme la base
de la théorie (St Grégoire le Théologien, Discours IV,
contre l’empereur Julien (ch. 113), in P. G., t. 35,
col. 649-652). L’Eglise sauvegarde l’événement de la
Révélation et la perspective de l’économie divine. Or
la vie dans l’Eglise se caractérise directement par
le vécu, par l’expérience ecclésiale qui est la sienne,
d’abord manifestée dans la pratique puis exprimée par
la “théorie”. Par conséquent, la foi est un événement
avant d’être un enseignement, avant même de donner naissance
à une notion. C’est une démarche et une rencontre. Les
formules de la foi (par exemple les horoi) sont de courtes
maximes et les systèmes théologiques échouent en fait
à en vouloir exprimer le contenu. La foi inclut une
conversion, un retournement, elle est consécutivement
irréductible à toute normalisation rationnelle.
Qu’en est-il
alors des écrits existant dans l’Eglise ? Il est vrai
que les écrits bibliques, patristiques ou canoniques
présente, en tant que textes, une forme qui les assimile
à des définitions théoriques, mais, en réalité, ils
décrivent la Vérité révélée, l’expérience vécue. (L’Eglise,
en raison de sa nature divino-humaine, peut être décrite,
mais elle ne peut pas être épuisée par une définition
et toute définition demeure dans l’impossibilité pour
la circonscrire). Certains Pères disent ( Cf. St Jean
Chrysostome, Commentaire à l’Évangile de Matthieu, in
P. G., t. 57, col. 13-14D) que de nombreux écrits patristiques
— ou même bibliques — doivent leur existence à des problèmes
qui se sont posés dans l’ensemble de la vie ecclésiale
ou ont été écrits pour répondre aux conséquences d’un
vécu erroné de la Vérité révélée (cf. les hérésies à
travers les siècles). L’Eglise était alors obligée par
le biais des écrits des Apôtres ou des Pères, ou par
le biais des Conciles œcuméniques et locaux, de décrire
ou d’exprimer (par les définitions [foi] et les canons
[taxis] des Conciles) la Vérité révélée qu’elle vivait,
qu’elle vit. Les écrits de l’Eglise ne constituent pas
un corpus de théories philosophico-théologiques, mais
un essai de présentation de ce qu’elle vit, lorsqu’elle
a estimé nécessaire de le faire ou lorsque différentes
circonstances l’imposaient.
Nous devons
donc recevoir les textes de l’Eglise comme l’expression
de son expérience ontologique pour nous orienter et
indiquer le chemin vers les eschata et pas comme les
notions abstraites d’une philosophie. Pour le dire dans
les termes de l’archimandrite Sophrony, « le christianisme
n’est pas une philosophie, un ‘enseignement’, mais la
vie. La contemplation est affaire non de formulations
verbales, mais d’expérience vécue ». L’apôtre Paul donne
déjà le stigma de cette expérience vécue : « Je vous
le déclare, frères : cet Evangile que je vous ai annoncé
n’est pas de l’homme ; et d’ailleurs, ce n’est pas par
un homme qu’il m’a été transmis ni enseigné, mais par
une révélation de Jésus Christ » ( Ga 1, 11-12). De
même, du fait de l’Histoire, on a parlé d’ortho-doxie
dans l’Eglise, c’est-à-dire, étymologiquement, de doxa
correcte. Mais l’orthodoxie n’est en fait qu’une ortho-praxie,
une praxis qui reflète d’une manière correcte ce que
l’Eglise vit. Autrement dit, l’ortho-doxie présuppose
l’ortho-praxie.
En d’autres
termes et d’un point de vue plus général, les notions
s’inspirent ou même empruntent ailleurs pour exprimer
des réalités existantes. C’est là leur fonction naturelle.
On ne conçoit pas de notions pour créer des situations
existantes, mais pour exprimer des situations existantes.
Ceci est particulièrement vrai dans le cas d’un examen
ecclésiologico-canonique, et non idéologique ou autre,
de certaines questions. La praxis canonique décrit des
réalités existantes, observables au sein du corps ecclésial
mais également au sein de l’humanité en chute, et ne
cherche pas à saisir, par la réflexion, des réalités
futures, c’est-à-dire des réalités que l’on se fixe
pour objectif de matérialiser dans l’avenir. Ceux qui,
cependant, ont pris l’habitude de penser par schèmes
et certitudes ou données idéologiques de toutes sortes
peinent à comprendre ou ne veulent pas comprendre ce
que signifie d’observer en profondeur la réalité de
l’homme et de la vie humaine, puis la décrire ; autrement
dit, de repérer les problèmes, les décrire et joindre
à leur description certaines propositions pour les résoudre.
L’écart entre les deux approches est très vaste. L’une
se réfère à une réalité existante qui a besoin d’être
reconnue, tandis que l’autre en appelle à une « réalité
» conceptuelle à concrétiser dans l’avenir, sans, bien
entendu, pouvoir dire avec certitude quelles sont ses
potentialités de matérialisation.
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* * * *
Ici encore,
il nous faut ouvrir une parenthèse sur le sens ecclésial-existentiel
des horoi et des canons. Comme on le sait, lorsque l’expérience
communionnelle ecclésiale subissait un recul, une divergence
ou une altération, c’était l’Eglise, réunie en Concile,
qui traçait de façon claire les “limites” entre la Vérité
révélée qu’elle vivait — avec le concours permanent
du Saint Esprit (cf. « l’Esprit Saint et nous-mêmes,
nous avons en effet décidé » Actes 15, 28 ; souligné
par nous. ) — et l’“élément nouveau”, l’innovation qui
voulait remplacer la Vérité en s’incarnant dans une
partie du peuple ecclésial, ou bien lorsque l’innovation
tentait de coexister avec la Vérité. Le Concile désignait
et prescrivait alors, par la voie “théorique” des horoi
(discipline-foi) et des canons (vie pratique-taxis),
l’expérience vécue connue tant à travers la tradition
ecclésiale qu’à travers la participation personnelle
ou communautaire (1 Jn 1, 1-5 ; voir infra) de ses membres
dans l’événement du salut.
En d’autres
termes, la praxis —comme expérience et vécu— constituait
le critère déterminant de l’expression “spéculative”
de la foi de l’Eglise en Concile, de la “théorie” (ajnagwghv),
de la vision (qewvrhsi"). Horos et canon étaient
toujours édictés simultanément par les Conciles : on
déterminait la discipline d’après l’expérience vécue
et on indiquait une voie pratique (canons) cohérente
avec cette discipline fondée sur l’expérience, voie
qui conduisait (« [...] tou`to poivei kai; zhvsh/ »
(Cf. Lc 10, 28) [“fais cela et tu vivras”]) certainement
à la communion personnelle avec la Vérité révélée —dans
une perspective sotériologique (salus animarum). C’est
pour cette raison que le dogme et l’ethos ne se distinguent
ni ne s’opposent (Cf. St Basile le Grand, archevêque
de Césarée, Sur le Saint Esprit. À Amphiloque, évêque,
sur les saints d’Iconium. Le passage du chap. XXVII
concernant le rapport entre dogme et ethos fut considéré
comme les canons 91 et 92 de st Basile le Grand (voir
P.-P. JOANNOU, Discipline générale antique (IVe-IXe
siècles). Les Canons des Pères Grecs (Lettres canoniques),
édition critique du texte grec, version latine et traduction
française, [Pontificia Commissione per la Redazione
del Codice di Diritto Canonico Orientale], Fonti fascicolo
IX, t. II, Grottaferrata (Rome), Tipografia Italo-Orientale
“S. Nilo”, 1963, p. 179-180), qui ont acquis un caractère
universel (catholikos) dans l’Église par le biais du
canon 2 du Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691)).
Dans les lois étatiques au contraire, bien qu’elles
soient en général issues et dérivées de la coutume,
le législateur crée un modèle théorique bien précis
et défini, afin que les hommes par la suite l’appliquent
et que l’on parvienne à une société ou à un Etat de
droit. Les lois concernent ainsi le comportement relationnel
disons extérieur de l’homme avec ses synanthropes [prochains]
selon le modèle déterminé par le législateur, en partant
des a priori qui lui sont propres. Ce n’est certainement
pas le cas des canons ecclésiaux — qui ont une perspective
communionnelle [qu’il me soit permis la simplification]
tridimensionnelle (Dieu, le prochain [synanthrope],
soi-même) (Cf. Didachè des Douze Apôtres, I, 2) —, bien
qu’ils aient aussi des conséquences semblables ou parallèles
sur le comportement relationnel extérieur humain.
Or l’Eglise
n’invente pas, pour en faire des institutions, des recettes
d’une conception théorique humaine ou des règles morales
que ses fidèles devraient les appliquer. Mais à travers
la grille de son expérience vécue « dans l’espace et
dans le temps » et manifestée dans la tradition ecclésiale
séculaire, elle concrétise, par la voie des saints canons,
le chemin qui unit la personne, chaque personne, dans
la communion du Saint Esprit avec les autres en un corps
unique, la Vérité révélée, le Christ ressuscité — et
tous ensemble devenant le corps du Christ parviennent
à Dieu le Père. Le contenu ontologique des canons ecclésiaux,
comme des horoi disciplinaires d’ailleurs, est manifestement
irréfragable. Par ailleurs, dans leur unanimité (consensus
canonum), ces textes canoniques de l’Eglise reflètent
surtout sa conscience et son orientation eschatologiques
— et non pas éonistiques (Du mot éon (aijwvn), l’ère,
le siècle, le temps : sécularisme (du “sæculum”). Ce
terme désigne la mentalité des hommes (aijwnismo;")
qui, certes, croient en Dieu, mais qui ne peuvent, cependant,
pas (Éph 2, 2) faire de ce Dieu [“pantocrator” (Credo)]
le “centre de leur vie” (abba Dorothée), fait (Mt 13,
22 ; Mc 4, 19) qui a pour conséquence réelle une “perspective
hétérocentrique” éloignant (2 Co 4, 4) de ce Dieu “par
amour pour l’éon présent” (2 Tm 4, 10) et rangeant l’homme
(Lc 20, 34) dans la dimension “de ce monde” (Jn 18,
36-37) [civitas terrena]. Il s’agit d’une catégorie
intracréationnelle*, c’est-à-dire du côté de ce qui
est façonné —tout en oubliant sa perspective eschatologique
(Éph 1, 21 ; Hb 6, 5 ; Tt 2, 12)— sur le modèle (Rm
12, 2) [civitas terrena] “de ce monde” (ejgkovsmia ejscatologiva-eschatologique
cosmique, séculière), ou encore accordant la priorité
à l’aijw;n ou|to" (ce siècle-ci) sur l’aijw;n oJ
mevllwn (le siècle à venir). L’éonisme est avant tout
une réduction de l’homme au monde, à l’histoire et à
la nature. Enfin, l’éonisme ecclésiastique ne laisse
pas de place à l’imminence eschatologique ; il ne veut
trouver sa justification que dans le temps présent.)
comme c’est bien le cas des lois.
C’est dans
cet esprit que l’on a par exemple emprunté les deux
notions, qu’on va voir ultérieurement, du IVe Concile
œcuménique de Chalcédoine (451) — d’une part l’ajsugcuvtw"
(sans mélange, sans confusion) et d’autre part l’ajdiairevtw"
(sans division, sans séparation) — au “mode” d’existence
“personnelle” du Christ selon les termes de ce même
Concile ; non pas pour inventer une théorie nouvelle,
mais pour voir, ou plutôt rappeler, comment à travers
l’approche ecclésiale vécue par nos « Pères inspirés
de Dieu », il est possible de tracer le chemin également
pour notre génération et notre temps.
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* * * *
Tout cela
veut dire que, dans la Théologie ecclésiale, la praxis
précède la “théorie”. Une description disons théorique
ou une formulation verbale suit toujours l’expérience
ecclésiale. Les Pères viv(ai)ent d’abord dans la foi,
puis ils pens(ai)ent la théologie afin de pouvoir l’exprimer,
et la transformer en connaissance (gnôse). Par conséquent,
leur sagesse théologique est fondée sur la praxis et
l’expérience de la sainteté. Par extension, notre praxis
— surtout ecclésiale — ne peut pas correspondre à l’application
des principes théoriques d’une idéologie théologique
— ou même d’une théologie dite ecclésiale ! —, mais
elle est expression de l’expérience vivante de la foi
et fruit ou manifestation de notre participation (mevqexi"
[méthexis]) à l’événement ecclésial porteur des eschata.
Il faut rappeler également ici la signification de la
parole du Christ : « celui qui pratique et qui enseigne
[les commandements] » (Mt 5, 19.) : d’abord pratiquer,
ensuite enseigner, ou de même celle de la Didachè des
Douze Apôtres : « Ta parole ne sera pas menteuse, ni
vaine, mais remplie de praxis » (Voir chap. II, 5).
Ici encore, l’exhortation de l’apôtre Jacques va aussi
dans le même sens : « Soyez les réalisateurs (poihtai;)
de la parole, et pas seulement des auditeurs (ajkroatai;)
qui s’abuseraient eux-mêmes. En effet, si quelqu’un
est auditeur (ajkroath;") de la parole et pas un
réalisateur (poihthv"), il ressemble à un homme
qui observe dans un miroir le visage qu’il a de naissance
: il s’est observé, il est parti, il a immédiatement
oublié de quoi il avait l’air. Mais celui qui s’est
penché sur une loi parfaite, celle de la liberté, et
s’y est impliqué, non en auditeur distrait (ajkroath;"
ejpilhsmonh`"), mais en réalisateur agissant (poihth;"
e[rgou), celui-là sera heureux dans ce qu’il réalisera
» (Jc 1, 22-25 ; souligné par nous).
En reprenant
les paroles de saint Grégoire le Théologien, pour ce
faire, il faut « devenir sage puis transmettre la sagesse,
devenir lumière pour éclairer, se rapprocher de Dieu
pour conduire les autres vers Lui » (Voir son Discours
II, in P. G., t. 35, col. 480). Sinon, on reste aveugle.
Et « si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont
dans un trou » (Mt 15, 14 ; cf. Lc 6, 39). Cette perspective
concerne également la diaconie ecclésiale à tous les
niveaux. Si de nos jours la Théologie ecclésiale a l’apparence
de la théorie, c’est sans doute en raison d’une faute
de méthode voire d’une expérience déficiente ou peut-être
inexistante… Les fidèles sont en communion entre eux
dans la mesure où ils participent au corps du Christ
vivant ; bien évidement, s’ils ne sont pas en communion
entre eux, c’est justement parce qu’ils ne participent
pas à ce même Corps… L’absence d’expérience vécue pose
toujours la question de l’interprétation et des différentes
approches ou, plus communément, celle de l’approche
“de point de vue”… Il est donc important de poser comme
condition préalable à notre étude/attitude théologique
le rapport qui existe entre la praxis et la théorie
dans la Théologie de l’Eglise et de considérer ce rapport
comme présupposé méthodologique et clé herméneutique.
Car, dans nos études théologiques, on étudie, on approfondit
ce qu’on vit ou ce qu’on a vécu dans la liturgie, les
offices, la prière, la praxis ecclésiale, et non pas
l’inverse. « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous
l’annonçons » (1 Jn 1, 3), étant d’abord « témoins oculaires
et [ensuite] serviteurs de la parole » (Lc 1, 2). Tous
les dimanches, l’annonce résurrectionnelle : « Nous
avons vu la vraie lumière… » à la fin de la divine liturgie,
a une signification plus élargie qu’il n’y paraît.
Pour le
dire également dans les termes de saint Jean le Théologien
: « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons
entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous
avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe
de vie — car la vie s’est manifestée, et nous avons
vu et nous rendons témoignage et nous vous annonçons
la vie éternelle, qui était tournée vers le Père et
s’est manifestée à nous —, ce que nous avons vu et entendu,
nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi
vous soyez en communion avec nous. Et notre communion
est communion avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ.
Et nous vous écrivons cela, pour que notre joie soit
complète. Et voici le message que nous avons entendu
de Lui et que nous vous dévoilons : Dieu est lumière
[...] » (1 Jn 1, 1-5 ; souligné par nous). Il s’agit
d’un événement, d’une constatation, d’une révélation,
d’une expérience vécue, et non pas d’une théorie abstraite
ou d’une conception spéculative comme pour les Religions,
le Mysticisme et presque toutes les Philosophies — religieuses
ou laïques — anciennes et modernes.
Cela pourrait, peut-être, expliquer pourquoi nos grands
efforts théologiques aboutissent à des conclusions qui
ne sont pas toujours identiques à celles des Pères de
l’Eglise. L’Eglise, ses saints canons, sa structure
proposent ce qui peut manifester notre praxis. Si l’on
néglige cet a priori de la praxis, l’Eglise se dépouille
des paramètres ontologiques de sa vie, mais surtout
notre kérygme et notre témoignage se transforment en
« cymbale qui retentit » (1 Cor 13, 1.)…
Archim.
Grigorios D. PAPATHOMAS,
Doyen du Séminaire Orthodoxe Saint Platon de Tallinn
.