Souvenons-nous, comme nous le demande l’Apôtre Paul, que le
Christ, victorieux de la mort n’est plus séparé ni de personne
ni de rien . L’Agneau mystique, immolé sur la croix pour le
salut du monde, est devenu - après la Résurrection, l’Ascension
et la Pentecôte - le corps eucharistique de toute l’humanité
comme de tout le cosmos . Car la victoire de la Résurrection
est une victoire totale sur toute corruption, sur toute séparation,
sur toute mort .
«
Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Ga
2/20 ) proclame encore Paul : après la Résurrection, l’homme
entièrement renouvelé ne peut plus, si vraiment il le désire,
courir le risque de la déchéance et de l’échec puisqu’en Christ
ressuscité il verra désormais des choses autres que leur apparence,
autres que la figure de ce monde « qui ne fait que passer »
.
Le
christianisme en effet n’est ni une religion idéaliste ni une
morale culpabilisante . Le christianisme, ce n’est rien d’autre
que l’Evangile, lequel est annonce de la liberté et de l’altérité
personnelle et, au-delà de la mort et de la corruption, œuvre
vivifiante du Saint-Esprit . Tout dépend ici de la manière dont
nous l’accueillons et le mettons en pratique, donc essentiellement
de notre liberté propre, l’homme étant le seul être dans la
Création qui incarne la possibilité de personnaliser la vie,
de faire de l’être créé, matériel, corruptible et mortel un
être de communion, un être éternel . Et ce, parce que dans les
limites de son existence personnelle et en même temps corporelle,
il est capable de transformer toute énergie - spirituelle ou
matérielle - en mouvement et action de glorification de Dieu
. C’est bien ce que nous enseigne la formulaire lapidaire du
concile de Chalcédoine : le divin et l’humain sont en Christ
unis sans confusion ni séparation .
«
Ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » !... Cette
certitude revêt bien à l’évidence une dimension cosmique qui
transforme toute chose en offrande, en eucharistie . Et l’eucharistie
n’est ni une expérience religieuse ni un moyen de salut personnel
. L’eucharistie est une manière d’être dans l’attente du futur
et dans la réalité du monde tel qu’il sera lorsqu’il se transformera
en Royaume de Dieu . Aussi, ajoute encore Saint Paul, « si nous
avons la constance, nous règnerons avec lui ; si nous le renions,
lui aussi nous reniera ; si nous sommes infidèles, lui reste
fidèle car il ne peut se renier lui-même » ( 2 Tim.2/12-13 ).
Pour
Saint-Paul il ne fait pas de doute qu’aucune forme de la vie
et de la culture n’échappe à l’universalité de l’Incarnation
. « Soumettre la terre » signifie pour la Bible en faire le
Temple de Dieu et non pas l’exploiter ou la défigurer . Pourtant,
sans cesse nous sommes tentés de faire la distinction entre
ce qui est propre à « notre vie naturelle » et ce qui relève
des « dons surnaturels du Saint-Esprit » . Continuellement nous
considérons la vie spirituelle comme une qualité surajoutée
à notre existence naturelle alors que les Saintes Ecritures
et les Pères de l’Eglise ne connaissent que deux réalités existentielles,
lesquelles correspondent à deux seuls modes d’existence : celui
de la communion avec Dieu - communion qui fonde la vie - et
celui da la séparation d’avec Dieu qui aboutit à la corruption
et à la mort .
Face
à l’athéisme contemporain et à toutes les sociétés matérialistes
qui posent violemment à la face du monde le problème du sens
de l’Histoire, osons dire sans crainte que l’ultime révolution
ne peut être que l’affaire de la seule Eglise du Christ, parce
qu’elle seule, chargée des énergies de l’Esprit Saint, est à
même de manifester l’invisible présence du Transcendant au sein
de ce monde clos d’une civilisation technique et par trop mercantile
. Une telle certitude ne sera jamais négation mais affirmation
que toute vraie culture - en retrouvant ses origines « liturgiques
» - devient icône du Royaume des cieux, que le « doigt de Dieu
» touche en lui laissant quelque chose qui demeurera toujours
.
Ö
Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant qui efface tous les péchés,
donne-nous de ne jamais oublier que notre vraie responsabilité
réside dans le désir brûlant et la recherche incessante de la
Sainteté, laquelle a pour conséquence la divinisation du monde
et pour but suprême la glorification ineffable de Dieu !
Métropolite
Stephanos de Tallinn et de toute l’Estonie
Mai 2006