Par
ces quelques mots tout simples, un homme très
modeste, d'origine juive et pêcheur de son métier,
aussi humble et effacé que n'importe quel travailleur
de nos grandes cités, et qui avait pour nom André,
venait d'affirmer ce qu'aucune autre découverte
ne saura plus jamais égaler, à savoir
l'accession pour l'homme à sa promotion ultime
par sa participation réelle, dans le plus intérieur
de son humanité, à la vie même du
Dieu-Trinité.
Tel fut en tous cas l'enseignement vigoureux des Apôtres,
qui s'appuyaient pleinement sur la puissance de la Résurrection
du Christ pour témoigner, jusqu'au martyre si
nécessaire, que toute l'humanité est arrachée
une fois pour toutes à la mort et qu'elle est
redonnée au Père dans une existence pour
l'homme entièrement nouvelle ; une existence
de réconciliation, de service, de don total,
d'amour et de liberté... Une fois pour toutes
parce que l'Evénement " Mort et Résurrection
de jésus " n'a plus à être
refait : son efficacité de salut s'étend
à tout devenir et devient présente à
toute situation humaine. " En Lui, écrit
Saint Ambroise de Milan, le monde est ressuscité,
en Lui le ciel est ressuscité, en Lui la terre
est ressuscitée. "1.
Ici pourtant, il ne s'agit pas pour nous d'une simple,
encore moins d'une unique prise de conscience : participer
à la vie du Dieu-Trinité, c'est faire
toujours et sans cesse totalement nôtre cette
réalité mystérieuse et spirituelle
de la Résurrection, qui fait irruption dans tout
notre être, "corps-âme-esprit",
afin que réellement nous devenions des "
hommes-en-communion " 2.
Pour ce faire, afin que la souffrance de l'homme s'éclaire
enfin d'une lumière nouvelle, que le travail
de l'homme tout comme ses luttes, ses efforts et même
ses échecs acquièrent une authentique
valeur d'éternité, que l'univers tout
entier se mette au service de l'amour et qu'il soit
transformé en énergie mystérieuse
de rédemption, il nous faut nous placer sous
la conduite de l'Esprit Saint en ce lieu d'une permanente
Pentecôte qu'est l'Eglise, seule capable de faire
de nous les" coopérateurs de Dieu "
(1Cor 3,6). Autrement dit, collaborer avec Dieu, c'est
ni plus ni moins devenir " le pauvre qui aime les
hommes ", ainsi que se plaisait à le répéter
Saint Syméon le Nouveau Théologien. "
Être un homme en communion aujourd'hui, écrit
Olivier Clément, c'est hâter l'avènement
d'une conscience planétaire et d'une justice
à l'échelle de l'humanité ",
sans toutefois opposer la contemplation et l'amour actif
mais en montrant leur indispensable correspondance :
le sous-développement matériel des uns
ne fait sans doute que mieux exprimer le sous-développement
spirituel des autres. Tout se tient : la prière
qui transforme nos curs de pierre en curs
de chair et le rayonnement de communautés exemplaires,
véritables " ateliers eucharistiques "
où le tout qui est donné au Christ est
fécondé, transfiguré et sanctifié
par la grâce de la Pentecôte.
Dans les sentences des Pères du désert
nous lisons qu'un jour Abba Lot alla trouver le vieil
Abba Joseph et lui dit : " J'accomplis la règle,
j'accomplis dans la mesure de mes forces, les commandements.
Et pourtant... " Alors le vieillard se leva et
tendit ses mains vers le ciel. Et ses doigts devinrent
comme dix cierges allumés. Et il dit à
Abba Lot : " Si tu veux être parfait, deviens
tout feu "3 .
Le
christianisme n'est pas morale ; il est feu !
Monseigneur
Stephanos Métropolite de Tallinn et de toute
l'Estonie
1.-
Ambroise de Milan. De excessu fratris sui satyri.11,
102, CSEL 73, p. 305.
2.- Cf. Parole et Pain n° 37, mars-avril 1970, pp
10, 17, 20.
3.- Apophtegma Patrum, Joseph 6.