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DES LAMENTATIONS (EPITAPHIOS)
(vendredi soir 2 avril 2010, matines du grand et saint
samedi)
Chers Frères et Soeurs,
"Pühal
ja suurel laupäeval, nous dit l'Eglise, peame me Issanda
Jumala ja meie Lunastaja Jeesuse Kristuse jumaliku ihu
mahamatmise ja Tema alla surmavalda minemise mälestust
(Le Saint et Grand Samedi nous célébrons la divine Sépulture
et le Séjour aux Enfers de notre Seigneur et Sauveur
Jésus Christ, qui a fait passer le genre humain de la
mort à la vie éternelle").
Ce samedi que nous appelons grand on õnnistatud hingamispäev,
mil hauas hingab Kristus, kes kolmandal päeval üles
tõuseb! (...est béni entre tous car le Christ endormi
doit ressusciter le troisième jour!)
Selon Saint Jean Chrysostome " de la même manière
que la grande et sainte semaine coiffe la totalité des
autres semaines, de la même manière le grand samedi
coiffe cette semaine". Voilà pourquoi nous chantons
qu'il est béni entre tous.
Un des tropaires
de la quatrième ode du canon de ces matines précise
:" Täna pühitsetud Sa seitsmendat päeva, mida Sa
vanal ajal õnnistrasid oma puhkamisega tegemistest,
sest Sina ehitad üles ja uuendad kõike, hingamispäeva
pidades ja ometi tööd tehes, mu Lunastaja (Aujourd'hui
tu sanctifies le septième jour que jadis tu as béni
en te reposant de tes oeuvres ; Dieu Créateur et Sauveur,
en observant le Sabbat, tu renouvelles toutes choses
et recrées l'univers"). Ce septième jour est donc
bien celui qui est béni entre tous parce que ce Sabbat
prépare le renouvellement de toute la création et qu'il
est déjà l'annonce du huitième, lequel est celui de
la Résurrection.
Mais le tropaire
qui nous dépeint en quelques lignes toute la signification
du saint et grand samedi est le deuxième de la première
ode : « Issand mu Jumal, ma laulan Sulle elust lahkumise
ja mahamatmise laulu, Sulle, kes oma matmisega mulle
eluuksed lahti tegid ning oma surmaga surma ja põrguhaua
surmasid (Seigneur mon Dieu, je chante pour toi sur
ton sépulcre une hymne d'adieu ; par ta mise au tombeau
tu m'ouvres les portes de la vie, détruisant la mort
et l'Enfer par ta mort)"...Le grand vendredi est
passé. La terre n’est plus saisie de tremblements ;
les pierres ne se fendent plus, les arbres ne se déracinent
plus, les maisons ne s’effondrent plus ; le voile du
Temple, qui fut tout tremblant de frayeur, ne se déchire
plus. Un grand silence s’abat sur tout l’univers. Pour
Jésus, être mis au tombeau signifie d’abord la vérité
de sa mort : il n’est pas mort en apparence ! Il a vraiment
été enseveli parce qu’il a réellement « connu » la mort.
Dieu est
mort dans sa chair ! C’est le moment de paix où nous
ne pouvons plus rien ! Jésus, dans son humanité, fait
l’expérience de cet instant où il n’y a plus aucun mouvement.
Ce jour est un jour sans paroles…
Mais ce n’est
pas là le point final. Dans le tombeau Jésus n’attend
pas passivement que la puissance du Père, la force de
l’Esprit Saint redonne vie à tout son être humain. Non
! Le tombeau, c’est le moment le plus fort de son amour
: le moment de « l’espérance contre toute espérance
». Le grand silence de ce jour est ce temps mystérieux
qui réduit à néant toute insolence de la présomption
humaine.
Pour cette
raison l’Enfer est rempli d’amertume, puisque le sommeil
du Christ dans la tombe annonce le réveil des justes
qui étaient plongés dans les ténèbres de l’Adès. Plus
encore : Jésus est descendu jusque dans les entrailles
de l’Enfer pour partager l’état d’enfouissement dans
la mort, non seulement de tous ceux qui avaient vécu
avant lui et après lui ; mais aussi il est descendu
pour chacun d’entre nous, qui, en ce moment, sommes
encore entre la mort et la vie.
Chers Frères
et Sœurs,
La célébration
de ce soir nous place devant un choix : celui de croire
ou de ne pas croire ce qui est arrivé. Dépasser l’incompréhensible
parce qu’indicible pour nous laisser envahir par un
mystère qui nous surpasse complètement. Un mystère dont
le sens ne peut se prouver, voire s’éprouver qu’en Dieu
lui-même. C‘est pourquoi nous devons d’abord décider
de choisir. Choisir de croire que le Fils de Dieu est
bien venu sur cette terre et qu’il est mort et ressuscité.
Choisir et décider si ce qui s’est passé il y a tant
d’années est bien vrai, si ce qui va au-delà d’une certaine
historicité comporte bien le don de Dieu.
« Voici,
dit le Seigneur par la bouche du prophète Ezéchiel (37,12-13),
j’ouvrirai vos sépulcres, je vous en ferai sortir pour
vous ramener sur la terre d’Israël ; et vous saurez
que je suis le Seigneur, lorsque j’ouvrirai vos tombes
pour en faire sortir mon peuple ».
Le
Christ, par sa mise au tombeau, s’apprête à nous ouvrir
les portes de la vie. Toutefois il nous laisse la liberté
de choisir. Ce n’est en effet que par l’exercice de
notre liberté que nous serons appelés à devenir nous
aussi des êtres résurrectionnels. Alors et alors seulement,
le tombeau sera « dans ce temps-ci » tout habité de
la présence divine. Amen !