Extraits
de l'homélie 41 de saint Grégoire de
Nazianze
"
Le séjour corporel du Christ parmi nous a pris
fin les actes de l'Esprit commencent "
Nous célébrons la Pentecôte ;
la venue de l'Esprit Saint, l'accomplissement d'une
promesse et la réalisation d'une espérance.
Et quel mystère ! Comme il est grand et vénérable
! La vie corporelle du Christ prend fin ou plutôt
ce qui regarde son séjour corporel parmi nous
; car j'hésite à dire " ce qui
a trait au corps de Jésus " jusqu'à
ce que le raisonnement d'un orateur m'ait convaincu
qu'il vaut mieux s'être débarrassé
du corps. Les actes de l'Esprit commencent. Quels
furent ceux du Christ ? La Vierge, la nativité,
la crèche, le berceau, les anges glorifiant
le Seigneur, les bergers qui accourent, l'étoile
qui s'avance, l'adoration des mages et leurs présents,
le massacre des enfants par Hérode, la fuite
de Jésus en Égypte, son retour, la circoncision,
le baptême, le témoignage céleste,
Jésus trahi, crucifié, enseveli, ressuscité,
montant au ciel, toutes vicissitudes qu'il supporte
pour une grande part ; des adversaires du Christ,
il supporte les oeuvres d'impiété, car
il est patient et magnanime ; de la part de ses amis,
il agrée les hommages ; et si, loin des premiers,
il retient sa colère, de même, à
notre égard, il diffère sa bonté
; peut-être pour donner à ses ennemis
le temps du repentir, et quant à nous, pour
éprouver la valeur de notre amour, la solidité
dans les épreuves et les combats soutenus en
vue de la sainteté. Auparavant c'étaient
les plans de Dieu et les décisions impénétrables
de sa Providence par lesquelles, avec sagesse, il
gouverne les choses humaines ; semblable est la volonté
du Christ dont nous verrons plus clairement dans l'avenir
la réalisation progressive, et puissions-nous
la voir personnellement. Mais pour dévoiler
les mystères de l'Esprit Saint, que celui-ci
nous assiste en personne, qu'il nous accorde le don
de la parole, sinon celui que nous désirons,
du moins une aisance qui soit à la hauteur
de la circonstance. De toute façon c'est en
maître, non en esclave, qu'il sera là
: il n'attendra pas un ordre venant de nous, comme
certains le pensent. L'Esprit souffle où et
sur qui il le veut, quand et comment il lui plaît.
Ainsi donc, nous avons besoin du souffle divin pour
penser et parler de l'Esprit Saint. ( ... )
L'Esprit
Saint est Dieu : Il possède donc tous les attributs
de la divinité
L'Esprit
Saint a toujours existé, il existe et existera
toujours, n'ayant ni commencement ni fin, mais toujours
étroitement uni au Père et au Fils et
compté avec eux; il ne convenait pas, en effet,
que le Fils manque au Père ou que l'Esprit
manque au Fils. Dans ce cas, en effet, la divinité
serait en proie à la plus grande imperfection
comme qui arrive à s'accomplir après
pénitence (privation). L'Esprit a donc toujours
été perceptible, non participant, parfait,
non perfectible, complet, non complété,
sanctifiant, non sanctifié, déifiant,
non déifié. Il est lui-même, pour
lui-même, et pour ceux avec qui il est uni,
toujours le même. Il est invisible, intemporel,
indéfinissable, immuable, exempt de qualité,
de quantité, de forme, de matière, il
tient de lui-même un mouvement éternel
(il ne s'agit évidemment pas ici d'un mouvement
matériel, mais d'une sorte d'activité
spirituelle au sein de l'Etre), une liberté
compète de détermination, une puissance
autonome qui est la toute-puissance, bien qu'il faille
rapporter à la cause première, non seulement
tout ce qui concerne le Fils unique mais aussi ce
qui regarde l'Esprit Saint. Il est vie et donneur
de vie, lumière et principe de lumière,
la bonté en elle-même et source de bienfaits;
c'est un Esprit droit, conducteur, maître, il
envoie (la lumière), sépare (la vérité
de l'erreur), bâtit son temple (dans l'âme
docile), indique la route à suivre, opère
sa volonté, distribue ses grâces. Il
est l'Esprit d'adoption, de vérité,
de sagesse, d'intelligence, de science, de piété,
de conseil, de force (Is. 11, 12), de crainte (de
respect), bref, il est l'Esprit de toutes les vertus
énumérées (par Isaïe). C'est
par lui qu'est connu le Père, qu'est glorifié
le Fils et c'est par ceux-là seuls qu'il est
lui-même connu, formant avec eux, un seul et
même ordre, étant avec eux l'objet d'un
seul et même culte et adoration, partageant
avec eux la même puissance, la même perfection,
la même sainteté. Pourquoi en parler
plus au long ? Tout ce que possède le Père,
appartient aussi au Fils, sauf l'absence de naissance.
Tout ce qui est la propriété du Fils
est aussi celle de l'Esprit, à part le fait
que le premier a été engendré
(de toute éternité). Tout cela ne fait
pas qu'ils diffèrent de substance, à
mon avis du moins, mais qu'ils sont distincts dans
la même substance.
Manifestations
de l'Esprit Saint
Au
commencement l'Esprit Saint exerçait sa puissance
sur les esprits angéliques, les vertus célestes
et toutes les créatures qui viennent immédiatement
après Dieu et l'entourent. Car c'est de l'Esprit
seul que celles-ci tiennent leur perfection, leur
splendeur, leur difficile inclination ou pour mieux
dire, leur inaptitude complète à faire
le mal, Ensuite, il communiqua sa force aux patriarches
et aux prophètes, dont certains virent Dieu,
par des représentations, ou le connurent (par
d'autres manifestations venant de lui : par exemple
des voix, etc
), et d'autres aussi eurent la
prescience de l'avenir, ayant reçu dans leur
intelligence l'empreinte de l'Esprit Saint, qui les
fit assister aux événements futurs comme
s'ils étaient présents. Tel, en effet,
est le pouvoir de l'Esprit. Il se manifesta ensuite
aux disciples du Christ, je ne parle pas du Christ,
qu'il assistait, non en lui conférant la puissance
mais en l'accompagnant comme son égal, et à
ceux-là il le fit de trois manières,
dans la mesure où ils étaient capables
d'en profiter, et en trois circonstances; avant la
glorification du Christ par sa Passion, après
son élévation par la Résurrection
et enfin après son Ascension dans les cieux.
(...) Ceci montre à suffisance que la guérison
de la première des maladies, celle des esprits,
ne peut évidemment pas avoir été
opérée sans le concours de l'Esprit
Saint ; que l'insufflation qui eut lieu après
l'accomplissement du salut est due sans aucun doute
à une intervention divine ; enfin que le partage
des langues de feu dont nous célébrons
aujourd'hui le souvenir, est lui aussi don de l'Esprit.
La
première manifestation était obscure,
la deuxième, plus claire ; mais celle d'aujourd'hui
est lumineuse : l'Esprit ne participe plus seulement
à notre vie par sa puissance, il est avec nous
par son être, pourrait-on dire, il vit avec
nous. Il convenait cri effet que, le Christ ayant
habité corporellement parmi nous, l'Esprit
se manifestât lui aussi de manière visible
; que, tandis que le Christ remontait dans son royaume,
l'Esprit descendit chez nous, que, s'il y venait comme
un maître, il ne fut pas envoyé comme
un substitut de Dieu : de telles formules en effet,
si elles expriment la conformité des sentiments,
maltraitent plutôt l'unité de nature.
Saint
GRÉGOIRE DE NAZIANZE Collection les écrits
des Saints, Ed. du Soleil Levant, Namur, Belgique,
1962.

"C'était
bien vrai ce que l'Esprit-Saint fit entendre à
vos pères par la bouche du prophète
Isaïe : Va vers ce peuple... " (Actes 18,15).
Roi
céleste, Consolateur, Esprit de vérité,
fais-nous comprendre que notre prière à
Dieu ne Lui est pas adressée pour uniquement
nous éloigner de nos préoccupations
et de nos besoins matériels mais pour que nous
restions avant tout fidèles au rôle libérateur
de son Eglise ; à celui de son Amour fou pour
l'homme, emprisonné dans les exigences torturantes
de sa nature mortelle ;
Toi
qui es partout présent et qui remplis tout,
Trésor de grâces et Donateur de vie,
fais que notre prière devienne une contestation
dynamique et réelle du système de la
consommation qui réduit en esclavage une grande
part de l'humanité, la privant de Tes bienfaits
par l'aveuglement qu'il engendre ;
Viens
et demeure en nous,
fais que notre prière ne se limite pas à
la seule vision myope d'une simple amélioration
des murs mais que plus encore elle manifeste
avec force notre discernement radical entre la vie
et la mort : la vie comme liberté de l'amour
et la mort comme emprisonnement dans l'individualité
naturelle ;
Purifie-nous
de toute souillure,
fais que par notre prière nous reconnaissions
la faiblesse de notre nature humaine, nos divisions,
nos scandales, l'indignité des représentants
et des membres de ton Eglise et que cette reconnaissance
soit pareillement humble à celle du Christ,
qui a accepté la mort de l'humanité
jusque sur la croix et jusqu'au plus profond des enfers
;
Et
sauve nos âmes, Toi qui es bonté,
fais que notre prière en ce temps de la Pentecôte
nous identifie avec les faiblesses de tous les hommes
afin que, pleinement renouvelés par la paisible
beauté du Visage du Ressuscité qui crée
toute communion, nous puissions nous aussi réellement
remplir notre vocation propre comme signe et sacrement
du Royaume. 0,
divin Paraclet, que brille en nous la Lumière
véritable afin qu'en Elle nous puissions contempler
Celui que nous osons appeler Père, grâce
à Toi. Amen.
Monseigneur Stephanos métropolite de Tallinn
et de toute l'Estonie

LA
PENTECOTE
Homélie (29 mai 1988)
Cette
Pentecôte que nous vivons annuellement et que
nous célébrons aujourd'hui, est un moment
suprême de notre existence, dans laquelle apparaît
la finalité même du calendrier liturgique
tout entier orienté de la venue de Jésus
vers la venue de l'Esprit. La venue de l'Esprit c'est
ce pourquoi Jésus est venu. La finalité
du calendrier liturgique, c'est aussi le sens profond,
la substance même du mystère de l'Eucharistie
dans lequel nous sommes rassemblés en ce moment.
Car cette Eucharistie n'est rien d'autre que le don,
la permanence et le renouvellement de l'Esprit Saint,
dans notre vie, dans la vie profonde de chacun, dans
notre communauté et dans le rayonnement que
chacun d'entre nous et nous tous ensemble, nous sommes
appelés à vivre. (...)
A cause de cet anniversaire, la réalité
du mystère de l'Esprit Saint ressort plus fortement
peut-être aujourd'hui dans les consciences par
l'actualité, par les mass media, par toutes
les rencontres oecuméniques. Rien de cela,
certes, n'est à négliger. Il faut pourtant
prier et espérer que cette " effervescence
" que nous vivons particulièrement en
cette année 1988 ne soit pas un feu de paille
et que cette " découverte " pour
quelques uns peut-être, du mystère, de
la réalité de l'essentiel que constitue
pour nous le Saint Esprit soit un acquis pour toujours,
soit un passage à un autre mode de notre propre
vie.
Parler de l'Esprit Saint c'est à la fois parler
de l'Esprit Saint comme mystère de Dieu, mystère
de la troisième personne et c'est parler de
l'Esprit Saint comme celui dans lequel, par lequel
et pour lequel l'homme a été créé.
L'Esprit Saint est " l'Esprit du Père
", " procédant du Père ",
comme le dit l'Evangile de Jean, comme le répète
le symbole de foi, comme le redit aussi le chant liturgique
de la Pentecôte : " Saint Immortel, Esprit
Consolateur qui procèdes du Père et
qui reposes dans le Fils ".
L'Esprit Saint est l'Esprit du Père, Celui
qui crie en nous " Abba Père ", mais
il est aussi l'Esprit du Fils sans lequel nous dit
Saint Paul, nul ne peut appeler Jésus "
Seigneur ". L'Esprit Saint introduit donc à
ce banquet, à cette communion trinitaire que
constitue l'Eucharistie.
Mais si l'Esprit Saint nous introduit à cela,
c'est que l'Esprit Saint nous a été
donné pour être en nous, dès le
premier instant de notre existence humaine. C'est
pourquoi, dans le passage de la Bible au second chapitre
de la Genèse, verset 7, selon lequel Dieu crée
l'homme en le modelant de la glaise, il est dit que
Dieu insuffla en lui l'Esprit de vie et que l'homme
devint une âme vivante. Saint Irénée
aimait répéter que Dieu par " ses
mains divines que sont le Fils et l'Esprit "
modèle l'homme, le façonne, le crée,
le constitue comme un composé d'argile et d'Esprit
Saint. C'est pourquoi l'Esprit Saint, même s'il
vient sur nous de l'extérieur, nous appartient.
Non pas qu'il soit notre possession, non pas qu'il
soit notre chose, non pas que nous puissions en disposer.
Il nous appartient néanmoins, dans un autre
sens, comme l'élément constitutif de
la vie humaine, sans laquelle l'homme n'est pas homme,
sans laquelle il est réduit à plus bas
que l'humanité. C'est pourquoi, lorsque nous
voulons parler de l'homme, le décrire, le définir,
le chanter, le célébrer, aussi, nous
devons nous souvenir que l'homme est créé
à l'image de Dieu, qu'il y a cette empreinte,
ce caractère, ce sceau divin caché,
et souvent caché très profondément
en raison du péché, mais qu'il y a aussi
un souffle divin en lui, sans lequel l'homme ne pourrait
ni subsister, ni chercher à réaliser
sa destinée, ni reconnaître le bien et
le mal, il serait un être neutre, un être
quelconque, un être loin de la vie véritable.
Il faut nous rappeler cela aujourd'hui lorsque l'on
réfléchit tellement sur notre existence
dans ce 20ème siècle et lorsque nous
perdons espoir en la valeur, en la dignité
de l'homme.
Il faut rappeler que l'homme est créé
à l'image de Dieu, que l'homme est pénétré
d'un souffle... mais d'un souffle qui nous échappe
constamment... Je disais tout à l'heure que
cette découverte de l'Esprit Saint, que cette
" effervescence " ne doit pas être
un feu de paille. Il faut dire maintenant : cet Esprit
Saint qui nous est donné, Il nous échappe
par tous les pores de notre être, de notre être
qui est une sorte de vase percé, troué,
et par lequel nous ne savons pas retenir en nous cette
substance divine. Nous ne savons pas retenir en nous
la présence de Dieu parce que, justement, le
péché a brisé en nous notre intégrité
véritable, le péché nous a éloignés
de Dieu, et le péché fait que, comme
le sentait le judaïsme au temps du Christ, l'Esprit
est loin, l'Esprit est absent.
Tout l'Ancien Testament est une histoire de l'action
de l'Esprit Saint, mais d'un Esprit Saint qui agit
encore, si l'on peut parler ainsi, de l'extérieur.
Il intervient , bien sûr, dans des moments choisis,
cela aussi est très important. Il parle par
les Prophètes. Et cette parole de l'Esprit
Saint par les Prophètes signifie que toute
l'histoire humaine, même marquée par
la chute, par le péché et par l'oubli
de Dieu est néanmoins une histoire sacrée.
Si elle n'était pas une histoire sacrée,
elle ne serait pas une histoire tout court. Le monde
n'existerait pas. " Ote seulement l'Esprit ",
dit Saint Basile, " et les puissances angéliques
se désagrègent, et le monde lui-même
retourne dans le néant ", répétant
en cela la parole du psaume 103 " Tu ôtes
ton Esprit et ils s'épuisent et ils retournent
à leur poussière ".
L'Esprit Saint est bien la condition de la vie véritable.
Il est à la fois l'initiateur, celui qui nous
introduit, celui qui nous révèle le
Nom, le Visage, la Présence de Jésus
et, par Lui, du Père. Garder donc l'Esprit,
c'est découvrir ce que nous sommes, comme le
disait Saint Augustin : " Devenez ce que vous
êtes ", devenez ce que vous êtes,
des hommes pneumatophores, christophores, porteurs
d'Esprit, générateurs d'Esprit. Mais
le devenir signifie : dégager les sources profondes
de notre être, de notre cur, pour que
selon la parole de Jésus, jaillissent des fleuves
d'eau vive, s'écoulant vers la vie éternelle
: " Celui qui croit en moi, de son sein, de son
cur, des flots d'eau vive jailliront ".
Mais ces flots ne jaillissent pas ! Ces flots sont
comprimés à l'intérieur de nous
! Notre être est brisé et il est lourd
! Il est loin de Dieu
Par conséquent, le but unique de notre vie,
pour reprendre la parole de Saint Séraphin,
c'est " d'acquérir le Saint Esprit ",
c'est le redécouvrir, c'est lui rendre sa véritable
place, seigneuriale et royale dans notre vie. Et cela
exige de notre part une ascèse véritable.
Nous n'aimons pas parier de cela parce que nous représentons
souvent la vie chrétienne ou l'orthodoxie,
comme quelque chose de léger, de joyeux, de
pascal, oubliant qu'il y a toute l'ascèse des
saints, des justes, des martyrs et de chaque chrétien
derrière cela.
Et je voudrais pour terminer, dire un simple mot encore
: que l'ascèse ne signifie pas seulement se
préparer se purifier pour recevoir le Saint
Esprit.
Quand l'Esprit Saint descend en nous à l'image
de la manière dont il demeurait sur Jésus
dans le baptême au Jourdain - " Celui sur
qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer... c'est
Lui, c'est Lui, l'élu de Dieu " - quand
donc l'Esprit Saint descend sur nous, demeure en nous,
trouve son repos en nous, lorsque nous-mêmes
nous trouvons notre repos en Dieu, alors... l'ascèse
n'est pas terminée. Je dirai même elle
ne fait que commencer.
Parce qu'alors il faut apprendre et réapprendre
à retenir constamment l'Esprit, à garder
cet Esprit de paix, de joie, de silence intérieur,
de prière... et combien souvent dans notre
existence, nous sommes à peine sortis de l'Eglise,
nous venons à peine de communier, que déjà
nous retombons, déjà nous sommes pris,
nous sommes saisis par le mouvement, par le tourbillon,
nous sommes saisis par le rythme effréné
de l'extérieur qui correspond aussi à
notre propre rythme d'hommes pécheurs et d'hommes
distraits, d'hommes dispersés.
Il faut donc apprendre et demander au Seigneur la
grâce que ce que nous recevons dans la fête,
dans la Pâque, dans la Pentecôte, dans
le Dimanche, dans la communion eucharistique, dans
cette rencontre chaque fois unique et renouvelée
avec le Seigneur, avec la divine Trinité, eh
bien que ce soit un " trésor sans prix
" que nous gardions dans notre cur. Que
nous le gardions sous forme de délicatesse,
sous forme de miséricorde, sous forme de vigilance,
sous forme de désir de progrès spirituel,
de désir de prière, sous forme d'ouverture
à nos frères surtout.
Sachons que cette église qui est pour le moment
un enclos aux portes fermées, va s'ouvrir et
chacun de nous la quittera. Chacun de nous, rentrant
dans son quotidien, dans cette vie banale et ordinaire
de notre famille, de notre profession, nous devons
porter, garder 'l'Esprit Saint. C'est à dire
porter l'Eglise entière en nous, comme un joyau,
comme un trésor sans prix. Amen.
Père Boris BOBRINSKOY Professeur à
l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge
à Paris

"
Toute grâce vient du Saint-Esprit... "
(Stichères des Vêpres de la Pentecôte).
"
Celui qui croit en moi, dit le Seigneur, deviendra
une source intarissable. De son sein s'écouleront
des fleuves d'eau vive " (cf. Jn 7, 38) qui le
vivifieront et qui ressusciteront tous ceux qui l'entourent.
Ces mots résonnent à la Pentecôte
avec une force extraordinaire. Ainsi que le précise
encore Jean l'Evangéliste, il est question
de l'Esprit Saint : " le Seigneur dit cela de
l'Esprit que recevront ceux qui croient en Lui "
( Jn 7, 39).
L'image de l'eau utilisée dans ce texte est
remarquable. Elle sied si bien à l'événement
que relate la fête.
Imaginons un bref instant le Christ s'adressant aux
Juifs sur les rives du Jourdain. Faire mention de
l'eau revêt alors toute son ampleur.
Qu'adviendrait-il
en effet si soudainement ce grand fleuve venait à
se tarir ?... Tout simplement plus de vie. Plus de
vie ni pour les hommes, ni pour les animaux, ni pour
les plantes ! Et de même imaginons nos propres
existences sans la présence de l'Esprit Saint...
Plus d'eau vive en nous. Et que resterait-il, en fin
de compte, de nos êtres sans l'immense fraîcheur
de sainteté que son souffle dépose en
nous chaque jour de notre vie ? N'est-ce pas cela
que clame le prophète Joël lorsqu'il annonce
: " après la venue du Seigneur, dit Yahvé,
je verserai de mon propre Esprit dans chaque existence
humaine " ?
Et
voilà que nous sommes à la Pentecôte
entièrement plongés dans cet événement
: l'Esprit Saint, tel un torrent fougueux se déverse
dans nos curs pour les remplir jusqu'à
ras bord.
Dans
le livre des Actes ( 2/2,4 ) l'Apôtre Luc nous
en donne la description et nous comprenons qu'il ne
s'agit pas pour nous d'une action extérieure.
L'Esprit Saint n'est pas descendu sur les Apôtres
pour simplement se placer à côté
d'eux ou pour les seconder en tant que simple conseiller.
Agissant au contraire avec tout pouvoir et toute autorité,
Il les saisit de l'intérieur ; Il plante sa
tente en eux ; Il comble de plénitude tout
leur être. Depuis la Pentecôte les hommes
se sont intimement unis au divin Paraclet et Lui s'est
intimement uni à tous les hommes, quand bien
même ils ne le savent pas : " Ne voyez-vous
pas, dit St Paul ( 1Cor. 3, 10 ), que vous êtes
le Temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en
vous ? " Il est a tel point installé en
nous qu'Il se laisse saisir par nous pour devenir
notre bien le plus précieux, Lui notre unique
Consolateur et notre seule Force !
"
Il vient, écrit St Cyrille de Jérusalem,
pour nous sauver et nous guérir. Il vient pour
nous enseigner la Vérité. Il vient pour
parfaire notre éducation, nous fortifier, nous
consoler. Il vient pour nous illuminer. "
Alors
toute notre vie devient nouvelle et clé pour
notre entrée dans la réalité
du Royaume. Alors, Il nous saisit avec un tel tremblement
qu'Il ouvre en nous, avec les larmes de la componction
qui se déversent dans nos curs, les vannes
de la grande miséricorde de Dieu. Et quand
cela est consommé, Il nous oriente vers le
divin Sauveur pour nous faire voir l'éclat
de Sa beauté et nous introduire dans la grande
joie de Sa résurrection.
Lui qui est Dieu nous divinise.
Lui qui est Dieu nous rend participable, à
sa propre vie sans qu'en retour Il n'ait besoin de
nous.
Lui qui est Dieu nous sanctifie sans qu'il n'ait besoin
que nous Le sanctifiions.
Lui qui est Dieu ne cesse de nous manifester sa tendresse
en accueillant toutes nos demandes.
Mais
revenons à l'image de l'eau vive.
Sans
elle, C'est-à-dire sans Lui, que serait notre
jardin intérieur et quel bénéficie
en retirerait son jardinier ? Sans eau, nous le savons,
point de fruits. Autrement dit, point de sainteté
sans le Saint Esprit. Plus encore, ce fleuve ininterrompu
ne se perd pas dans les méandres de nos propres
existences ; la distribution de l'eau vive ne se fait
pas dans le désordre. Point de place pour le
chaos en l'Esprit Saint. Et cela, aucune parole humaine
ne peut le décrire. La seule écriture
possible, c'est celle du visage des Saints.
Parce que les traits du visage des Saints sont l'uvre
de Sa force et de Sa lumière. Pour cette raison,
même si les siècles se succèdent
les uns après les autres, la sainteté
des Saints, elle, ne perd rien de son éclat.
Aucune raison humaine ne peut expliquer comment les
Apôtres, de simples pêcheurs qu'ils étaient,
sont devenus des pêcheurs d'hommes. Aucune
raison humaine ne peut expliquer l'engagement des
Martyrs qui confondaient leur propre respiration avec
celle de l'Esprit Saint. Aucune raison humaine ne
peut expliquer comment les Saints deviennent des vases
tellement remplis de Son eau vive qu'elle ne cesse
d'arroser toute la création, emportant sur
son passage, tel un torrent, toutes nos faiblesses
et toutes nos maladies de l'âme pour faire de
nous des hommes entièrement nouveaux. Vraiment,
aucune raison humaine ne peut expliquer cela.
Depuis la Pentecôte, l'Esprit-Saint a pris possession
de toute l'Eglise. Accueillons-le avec empressement.
Disons-lui avec confiance " Roi céleste,
nous sommes ta demeure. Ne nous abandonne pas mais
par le Fils ramène-nous au Père. Sauve
nos âmes, Toi qui es bonté. "
Monseigneur
Stephanos métropolite de Tallinn et de toute
l'Estonie

LA
VIE SPIRITUELLE
Le
fondement de notre vie dans le Christ est le baptême.
Quand nous recevons ce sacrement, nous obtenons la
grâce du Saint-Esprit. Elle répand en
nous une lumière et une force intérieures
qui nous rendent capables de rompre avec le mal, de
repousser les tentations de l'égoïsme,
de l'esprit de jouissance et de domination. C'est
en ce sens que le baptême nous fait mourir au
péché et ressusciter avec le Christ
pour une vie nouvelle.
Mais le baptême ne nous communique pas cette
vie nouvelle dans son état achevé, dans
sa pleine maturité. Il nous en donne seulement
le germe, et cette semence déposée dans
nos curs ne peut croître et se développer
que si nous y apportons librement notre concours.
Le baptême laisse subsister en nous un attrait
pour les plaisirs et les satisfactions égoïstes.
Il faut donc que, en écoutant la Parole de
Dieu telle qu'elle nous est transmise dans l'Eglise
et en suppliant dans la prière le Seigneur
de nous venir en aide, nous fassions violence à
nos tendances mauvaises pour obéir à
ce que Dieu nous demande, même si nous n'en
ressentons ni le goût, ni l'envie.
En effet, à ce stade de la vie spirituelle,
nous ne pouvons pas encore avoir conscience de cette
vie nouvelle qui nous habite, nous ne pouvons pas
encore éprouver d'une façon sensible
le goût du bien, l'attrait pour les choses d'en
haut. L'éveil de cette " sensibilité
spirituelle " est un don que Dieu n'accorde ordinairement
qu'à ceux qui ont longuement mené le
" combat invisible ". En attendant, seule
la foi en la Parole de Dieu nous permet de connaître
avec certitude ce qui est bien et ce qui est mal,
et la grâce nous vient en aide d'une façon
réelle, mais que nous ne " sentons "
pas.
Nous ne sommes d'ailleurs pas laissés à
nous-mêmes dans notre compréhension de
la Parole de Dieu. Ce n'est pas en effet ce que nous
comprenons par nous-mêmes, ce que nous ressentons,
ce qui nous convient ou nous semble bon, ce avec quoi
nous nous sentons à l'aise, qui est nécessairement
vrai et bien. La vérité ne se révèle
qu'à ceux qui sont unis dans l'amour, à
ceux qui n'ont ensemble qu'un seul cur et un
seul esprit dans le Christ. En d'autres termes, c'est
l'Eglise seule qui peut comprendre la Parole de son
Seigneur, dans la lumière de l'Esprit-Saint.
Lorsque tous les chrétiens, pendant des siècles
et dans les lieux les plus divers, ont compris la
Parole de Dieu d'une certaine façon et en ont
interprété les exigences d'une manière
déterminée, cette unanimité est
le signe que l'Esprit-Saint est à l'uvre,
que cette compréhension de la Parole donnée
à l'Eglise vient de lui. S'en écarter
pour suivre son opinion propre, ou celle d'un groupe
particulier, serait pécher contre l'amour,
ce serait ce qu'on a appelé un " fratricide
spirituel ".
Ne croyons pas qu'il puisse y avoir, au sein du peuple
de Dieu, une " évolution des murs
" qui rendrait dépassé et périmé
ce qui a été tenu " par tous, toujours
et partout " dans l'Eglise. Quand il s'agit de
points aussi fondamentaux que, par exemple, la nécessité
de la prière, le sens du jeûne, la conception
chrétienne du mariage et de la vie sexuelle,
le respect absolu et l'amour de toute personne humaine,
impliquant le refus de l'avortement, de l'euthanasie,
du racisme, il y a simplement des comportements qui
sont chrétiens, et des comportements qui ne
le sont pas, même s'ils sont devenus ceux d'un
plus ou moins grand nombre de gens qui se disent ou
se croient chrétiens. Le christianisme ne connaît
ni interdits ni " tabous " arbitraires ;
mais il y a une manière de vivre qui correspond
au germe de vie divine reçu au baptême,
qui en procède et l'aide à se développer,
et une manière de vivre qui le tue.
Le chrétien, certes, reste un pécheur.
Mais au péché, il existe un remède
: le repentir. Si nous reconnaissons notre péché,
si nous le regrettons du fond du coeur, si nous implorons
le pardon divin, si nous nous efforçons sincèrement
de nous convertir, Dieu nous viendra en aide et nous
pardonnera. Mais si nous essayons de nous justifier,,
si nous appelons le mal " bien ", et le
bien " mal ", nous nous fermons par là
même au repentir, nous commettons le péché
contre l'Esprit.
Dans l'Eglise, il n'y a pas de différence entre
la " morale " et la " spiritualité
", il n'y a pas un minimum imposé à
tous, et des exigences supérieures qui seraient
le privilège d'une élite. C'est à
tous que le Seigneur a dit : " Soyez parfaits
comme votre Père céleste est parfait
". Le plein développement de notre vie
de fils de Dieu et de membres du Christ, commencée
au baptême, est la loi de toute vie chrétienne.
Ce n'est pas une loi qui s'imposerait de l'extérieur,
un loi écrite sur des tables de pierre comme
celle qui fut donnée à Moïse ,
c'est une loi inscrite dans nos curs par l'Esprit
d'amour qui nous a été donné.
Dans une certaine mesure, les moyens à mettre
en oeuvre varient pour chacun, selon son état
de vie et les conditions particulières qui
sont les siennes; mais le but est le même pour
tous : être transfigurés, par la puissance
du Saint-Esprit, à l'image du Fils unique.
Archimandrite
Placide DESEILLE

LA
PENTECOTE PERSONNELLE
" CHRISTIFICATION " DES FIDELES
"
Vous tous qui avez été baptisés
en Christ, vous avez revêtu le Christ ",
chantons-nous à chaque baptême, en citant
Saint Paul dans son Epître aux Galates (3, 27).
La vie chrétienne, ou plutôt, pour parler
comme Saint Paul et comme Nicolas CAVASILAS (père
de l'Eglise qui vivait au 14ème siècle),
la vie en Christ ne consiste pas seulement à
mettre en pratique les commandements de Dieu : ceci
est demandé à un Juif et à un
Musulman autant qu'à un Chrétien.
Il s'agit, en outre, il s'agit surtout, comme nous
le rappelle St Paul dans l'Epitre aux Romains (6,
5), de devenir " une même plante ",
"symphytoï " avec le Christ afin qu'Il
demeure en nous et nous en Lui (Jean 6, 5 et 17, 23).
" Je suis le cep, vous êtes les sarments
" a dit le Christ Lui-même à ses
disciples (Jean 15,5).
Cette intégration du chrétien au Corps
du Christ se réalise par l'onction du Saint
Esprit : " Vous possédez une onction (en
grec " chrisma ") reçue du Saint
(1, Jn 11, 20) ; " Celui qui nous affermit avec
vous en Christ et qui nous donne l'onction (chrisma),
c'est Dieu ". (2Cor. 1, 21)
Le mot grec " chrisma ", employé
tant par Saint jean que par Saint Paul, renvoie aussitôt
à " Christos " (en grec, " oint
") et nous rappelle que l'onction du Saint Esprit,
le don du Saint Esprit, le don de Pentecôte
nous intègre au Christ, nous unit au Christ,
sur qui, en qui, repose l'onction du Saint Esprit,
onction qui fait de Lui le " Oint " ("
l'Esprit de Dieu est sur moi. Il m'a oint " -
Il m'a fait Christ - " pour annoncer la Bonne
Nouvelle aux pauvres " (Is. 61, 2). Le Christ
fait don de cette même onction, de cette "
chrismation " à ses disciples pour faire
d'eux des " christoi ", des " oints
", des christs, des Chrétiens. C'est ce
don que chacun de nous a commencé à
recevoir en remontant des eaux du baptême lorsqu'il
reçût le " sceau du don du Saint
Esprit " dont nous avons été scellés
par le Saint Chrême, par l'onction, par notre
" chrismation ". Cette chrismation a donc
marqué le début de notre Pentecôte
personnelle, c'est-à-dire l'actualisation pour
chacun de nous, la réception par chacun de
nous aujourd'hui, du don fait à l'Eglise toute
entière le jour de la Pentecôte.
Ce don, nous l'entretenons et le ranimons par la soif
et l'espérance de toute une vie tendue vers
cette " acquisition du Saint Esprit " qui,
Saint Séraphin de Sarov nous le rappelle, en
est le but même et lui donne tout son sens.
Nous l'entretenons et le ranimons en Eglise, chaque
fois que nous participons sincèrement à
la Divine Liturgie, chaque fois que nous communiant
aux Saints Mystères, avec " crainte de
Dieu, foi et amour ".
C'est, en effet, par la communion eucharistique que
nous entrons en Christ et Lui en nous : " celui
qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi.
et Moi en lui " (Jn 6, 56). Et c'est l'uvre
de l'Esprit qui change le pain et le vin en Corps
et Sang du Christ afin de changer chacun de nous qui,
en communiant, devient membre de ce même corps.
C'est ainsi que le Saint Esprit, en nous unissant
corps et âme à Celui qui est " l'image
du Dieu invisible " (Co. 1, 15), " le resplendissement
de Sa gloire et l'empreinte de Sa substance "
(Hb. 1, 3) rend de plus en plus brillante l'image
de Dieu en chacun de nous, de sorte que " nous
soyons transfigurés de gloire en gloire en
cette même Image par le Seigneur qui est Esprit
" (2Co. 3, 18), " jusqu'à ce que
nous parvenions tous ensemble à l'unité
dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu,
à l'état d'adultes, à la taille
du Christ dans sa plénitude " (Ep 4, 13).
Croître en Christ, Image parfaite de Dieu, pour
réaliser pleinement cette ressemblance selon
laquelle nous avons été créés,
tel est le but de la vie que nous pourrons atteindre
dans la mesure où nous supplions sans cesse
le Père d'insuffler en nous Son souffle, Son
Saint Esprit, pour projeter en nous l'Image du Fils,
nous rendre ainsi de plus en plus semblable à
notre Divin modèle et ainsi " nous unir
à la Divine Beauté " (kondakion
du Dimanche de l'Orthodoxie), bref nous Christifier.
Père CYRILLE

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