LE
MARIAGE CHRETIEN
Mgr Stephanos, Métropolite
de Tallinn et de toute l'Estonie
«Couple et mariage» in Chronique Sociale
Coll. L'essentiel Lyon 2ème Trim 1987.
Les
fondements du mariage chrétien
L'homme
et la femme s'unissent à Dieu
La faculté d'aimer est le sceau de ['image
de Dieu en l'homme (1 Jn 3/1). En clair, cela signifie
que le mariage chrétien suppose que l'homme
lui-même est compris comme un être qui
a non seulement des fonctions physiologiques, psychologiques
et sociales mais qui est aussi un citoyen du Royaume
de Dieu, appelé à mettre en parallèle
sa vie terrestre avec les valeurs éternelles.
« Quand le mari et la femme s'unissent dans
le mariage, affirme St Jean Chrysostome (PG 61/215
et 62/387), ils ne forment pas une image de quelque
chose de terrestre, mais de Dieu lui-même ».
L'homme et la femme s'unissent donc en un troisième
terme qui est Dieu, comme le divin et l'humain se
jettent en la personne du Verbe, comme le Père
et le Fils s'unissent en l'Esprit : Adam reconstitué,
par l'opération du Saint-Esprit, en Nouveau
portant Eve dans ses flancs, fait dire encore à
Saint Jean Chrysostome que « Celui qui n'est
pas lié par les liens du mariage ne possède
pas en lui-même la totalité de l'être
mais seulement sa moitié » (PG 62/387).
L'amour
conjugal est porteur de l'esprit
Ainsi, le mariage chrétien qui, selon Saint
Paul (Eph 5/52) s'applique en tant que mystère
au Christ et à l'Eglise, remonte au-delà
de la chute. Par le « mémorial »
du sacrement, dit le Pr Evdokimov, l'amour réintroduit
l'accessible paradisiaque sur terre. Nous dirons dès
lors que la conception orthodoxe est ici foncièrement
personnaliste, l'état conjugal étant
une vocation particulière pour atteindre la
plénitude en Dieu et pour dépasser la
condition peccamineuse de séparation et d'isolement
égocentrique et ce parce que le type de l'amour
conjugal sera essentiellement porteur de l'Esprit,
qui permettra à l'homme au lieu d'être
excentrique et égoïste, de devenir concentrique
en tout.
La
maturité conjugale récapitulée
en Christ
Mais la chute a perverti la nature humaine, la séparant
en mauvaise masculinité et en mauvaise féminité
et les plongeant dans un perpétuel va et vient
d'attrait et de répulsion, rompant de ce fait
l'unité initiale où l'homme n'était
pas seulement « homme ou femme » mais
« homme et femme », cet « et exprimant
la plénitude de l'image de Dieu en l'homme.
On peut expliquer ce changement de la manière
suivante : en l'homme s'éveilla le sexe, en
tant que rebelle à l'esprit, en tant qu'élément
autonome, qu'attirance, que passion ; et non seulement
insoumis à l'esprit mais assujettissant celui-ci.
La vie du sexe perdit son harmonie initiale et prit
un caractère tragique. C'est pourquoi, la venue
du Royaume coincidera nécessairement avec la
maturité parfaite de l'amour conjugal en un
seul être, réalité récapitulée
en Christ qui supprime la distance coupable entre
l'intérieur et l'extérieur où
se loge précisément la concupiscence
et qui donne à l'impasse de la masculinité
et de la féminité vicieuses de passer
à l'infini de l'intégrité initiale
retrouvée et accomplie réellement.
Le
sacrement transfigure l'amour humain
Aussi, le contenu du sacrement (mystériôn)
sera de ce fait le changement, la transfiguration
d'un amour humain en une réalité nouvelle,
d'origine céleste, mais s'incarnant par la
grâce en cette vie. Cette réalité
est de nature eschatologique, anticipant dans une
expérience vécue, sous le signe de la
Croix et de la Résurrection, la gloire du Royaume.
Par le sacrement, l'impact social du couple et de
la famille s'origine d'en-Haut, dans la grâce
déifiante de l'incarnation et de la Rédemption.
Il
transfigure l'unité des époux
«Ce mystère est grand, je le dis par
rapport au Christ et à l'Eglise» (Eph
5, 32). Le cinquième chapitre de l'épître
aux Ephésiens révèle ce qui est
vraiment nouveau dans le mariage chrétien,
à savoir la possibilité de transfigurer
l'unité des époux en une réalité
nouvelle, la réalité du Royaume de Dieu.
C'est pourquoi, le vrai mariage chrétien ne
peut être qu'unique, non du fait d'une loi abstraite
ou d'un interdit moral mais dans son essence même,
en tant que Mystère, Sacrement du Royaume de
Dieu' qui nous fait pénétrer dans la
joie éternelle de l'amour éternel.
Le
sacrement, une expérience de réconciliation
Il est vrai que la doctrine chrétienne du mariage
se heurte à la réalité pratique,
empirique de la vie humaine « déchue
» et il nous semble parfois que, comme d'ailleurs
l'Evangile lui-même dans son ensemble, elle
soit un idéal irréalisable. Mais la
différence entre «Sacrement» et
«idéal» est précisément
que le sacrement n'est pas une abstraction imaginaire
mais une expérience dans laquelle ce n'est
pas l'homme seul qui agit, mais l'homme en union avec
Dieu puisque l'humanité communie à la
réalité suprême de l'Esprit-Saint
sans cesser d'être « humanité »
et ce par le don de communion qui depuis la Pentecôte
manifeste l'Eglise et qui est le but suprême
aussi que le Christ lui-même nous a fixé
dans son Eglise : « Afin qu'ils soient un, comme
nous sommes Un » (Jn 17/2223). Ainsi, dans la
vie divine où le monde créé par
Dieu est transfiguré de l'intérieur,
l'impossible devient possible si l'homme, en raison
de sa liberté, reçoit ce que Dieu lui
donne. Car ce n'est qu'en Christ, dans le mystérieux
rapport qui l'unit à l'Eglise, que le chrétien
cherche la réconciliation de l'homme et de
la femme, du masculin et du féminin, de l'éros
et de la personne.
La
transcendance de la personne
Le christianisme, même si certains contextes
culturels l'ont parfois défiguré, a
posé définitivement la transcendance
de la personne et donc que l'homme et la femme sont
l'un et l'autre des personnes bien plus qu'égales,
absolues. Simultanément, le Christ a restauré
la bonne polarité du masculin et du féminin,
il lui a rendu sa splendeur paradisiaque, il l'a pacifiée,
illuminée par ce grand amour qui circule entre
lui et son Eglise, entre lui et la Terre déifiée
de l'Eucharistie. Car l'Eglise n'est pas seulement
son Corps mais son Epouse. C'est dans cette perspective
que le mariage n'est pas sociologique et que dans
une relation proprement chrétienne il ne peut
avoir pour but la procréation. Selon le quatrième
Evangile (Jn 2/1 11), le premier miracle de Jésus
a lieu pendant les noces de Cana : de par sa matière
même, l'eau et le vin, il sert de prélude
au Calvaire et annonce déjà la naissance
de l'Eglise sur la Croix : « du côté
percé il sortit du sang et de l'eau »
1 Le symbolisme approche et apparente le lieu du miracle,
les noces, à l'essence eucharistique de l'Eglise.
C'est donc le Christ qui préside aux noces
de Cana et, selon les Pères Grecs, qui préside
toutes les noces chrétiennes.
Ce niveau des épousailles mystiques de l'âme
et du Christ, dont le mariage est la figure directe
et qui est celui de toute âme et de l'Eglise
Epouse fait dire à juste titre à Saint
Jean Chrysostome « le mariage est une icône
mystérieuse de l'Eglise ». (PG 62/387).
Lien
entre mariage et eucharistie
Or, c'est dans l'Eucharistie, où le Royaume
de Dieu devient directement accessible à notre
expérience, que l'Eglise terrestre est vraiment
Eglise de Dieu lorsqu'à la tête d'une
assemblée elle devient son Corps de sorte que
se détruit la barrière entre le processus
historique et l'éternité. Voilà
pourquoi, puisque l'Eglise reconnaît au mariage
la valeur de « sacrement », il ne peut
être séparé de l'Eucharistie.
Car l'Eucharistie a toujours été et
demeure la norme de « l'ecclésialité
» de toute la vie du chrétien et par
là même également du mariage,
qu'Elle situe dans la plénitude du Corps du
Christ, l'Eglise, en dehors de laquelle il n'y a pas
de sacrement. Par conséquent, dans ce contexte
« eucharistique » propre au Corps du Christ,
la « clef » qui nous ouvre la compréhension
des textes néotestamentaires sur le mariage
tout comme sur la pratique de l'Eglise Orthodoxe elle-même
réside dans ce lien indispensable entre le
mariage et l'eucharistie. Cette vue apparaît
aujourd'hui encore plus essentielle et tout à
fait indispensable alors que de plus en plus l'Eglise
est contrainte de vivre dans un milieu sécularisé
indifférent ou même hostile. Par ailleurs
nous comprenons mieux par là en quoi et pourquoi
le christianisme manifeste la vérité
sur l'homme, vérité authentique et définitive,
tandis que les différentes théories,
psychologiques, sociales et à plus forte raison
matérialistes ne sont au mieux que partielles
ou unilatérales. C'est la raison pour laquelle,
dans l'Eglise Orthodoxe, le célébrant
du sacrement du mariage ne peut être que l'évêque
ou le prêtre, c'est-à-dire le célébrant
de l'Eucharistie qui, liturgiquement, représente
aussi toute l'Eglise. Partant, si donc le mystère
du mariage ne peut, ecclésialement, s'expliquer
seulement que comme anticipation du Royaume éternel
de Dieu, il suppose aussi qu'il n'est pas une simple
« affaire privée » mais celle de
toute l'Eglise, de toute la communauté locale
et non pas seulement de celle des parents et des amis.
Cette conception du mariage intimement uni à
l'Eucharistie permet en tous cas d'expliquer toute
la législation ultérieure de l'Orthodoxie
en la matière et son attitude envers les mariages
mixtes ainsi que leurs célébrations
Homme
et femme, double et un
Au terme de cette première partie de réflexion,
par ailleurs si incomplète, on comprend que
pour la théologie orthodoxe l'homme et la femme
sont complémentaires non comme deux fonctions,
mais dans la complexe totalité de leur vie
personnelle, où deux êtres humains peu
à peu se reconnaissent et apparaissent (dans
cette existence non plus dominatrice ou méprisée
mais communiante) double et un, selon la réciprocité
du respect, de la célébration et de
la tendresse. Car au-dessus en effet de la tension
entre la pudeur et le cynisme devrait toujours planer
inaccessible à la seule force naturelle l'harmonie
des enfants de la liberté et de la grâce
qui n'ont rien à se cacher.
En ayant présent cela à notre mémoire
à savoir, que l'amour ne se rattache pas à
l'espèce selon les impulsions automatiques
et impersonnelles, mais à la personne dans
la lumière de la responsabilité et de
la liberté, nous pouvons maintenant aborder
l'objet principal de notre propos, à savoir
: le problème du divorce confronté à
notre théologie orthodoxe de l'unicité
du mariage en Christ
Unicité
du «Mariage en Christ» et problème
du «divorce»
L'unicité
du mariage
De notre première partie il est facile de comprendre
pourquoi la doctrine orthodoxe du mariage liée
à l'autorévélation et l'autodétermination
de l'homme se plaira à affirmer non pas tant
l'indissolubilité (elle-même notion juridique
et formelle) mais l'unicité absolue du mariage.
Comme d'ailleurs il est possible d'ajouter que tout
remariage ne peut être perçu que comme
un accommodement avec la réalité de
ce monde, l'Eglise usant pour ce faire de condescendance
pastorale et prenant en considération la difficulté
de la vie de chaque époque terrestre. Cet accommodement
jouit en sa faveur de l'autorité apostolique,
du moins en ce qui concerne le remariage des veufs
et des veuves. En est-il de même pour le divorce
? Dans l'Orient byzantin, ce qui bloque la vision
de certains Pères de l'Eglise ce fut le point
de vue ascétique, car ils voyaient dans le
mariage un remède à la concupiscence.
La valeur relative qu'ils concédaient de la
sorte au mariage les amena à admettre une possibilité
de divorce et à interpréter dans ce
sens la réserve de l'évangile de Matthieu.
Référence
à la miséricorde divine
Se basant en effet sur la double réserve de
Matthieu concernant l'indissolubilité du mariage
(5/32 et 19/9: hormis le cas d'impudicité,
de fornication, lequel en cas « d'adultère
» ne « dissout pas le mariage »
puisque celui-ci en tant qu'union d'amour n'existe
plus du fait que l'amour, donnée que l'on ne
conçoit que par l'expérience, n'est
jamais compatible avec l'adultère), l'Eglise
Orthodoxe semble admettre le divorce et son droit
canonique propose une procédure de divorce
ecclésiastique. Toutefois, traiter du divorce
est une chose délicate d'abord parce que l'on
touche à une réalité humaine
souvent pénible, ensuite parce que les prises
de position théoriques sont largement déterminées
par les présupposés confessionnels,
voire politiques, enfin parce que la procédure
du divorce ecclésiastique s'applique toujours
dans l'Eglise Orthodoxe en fonction de la loi civile
et que d'autre part il n'existe aucune doctrine positive
de l'Eglise bien explicitée à son sujet.
Plus encore, au plan de la doctrine du mariage, cela
relève de l'impossibilité puisqu'elle
ne peut l'exclure. Il ne peut donc être compris
que sur le plan de l'économie, qui dans la
législation et la pastorale orthodoxes se réfère
à la miséricorde et à la patience
divines elles-mêmes et qui reflète en
quelque mesure l'économie du Salut, cet axe
de la révélation biblique.
L'économie canonique et pastorale ne relève
certainement pas du compromis et de l'accommodation.
Elle repose donc sur un concept plus large que la
dispense canonique. Elle concerne toujours des cas
individuels et des situations provisoires et elle
doit toujours être confrontée chaque
fois avec la doctrine dans chaque cas d'application.
On retrouve pleinement ici l'attitude de l'Eglise
qui se veut, dans sa lutte contre le péché,
intransigeante dans son enseignement et libérale
dans l'application de l'économie, du fait que
nous restons encore toujours soumis à la tension
entre le « déjà » eschatologique
et le « pas encore » de ce siècle,
c'est-à-dire à la tension entre l'homme
nouveau et l'homme ancien en chacun de nous. Dans
l'espace intermédiaire entre ces deux moments
de l'existence chrétienne tout reste encore
provisoire et menacé et des défaillances
répétées peuvent se produire.
Mais aucune défaillance ne sera à même
de fermer les portes de la miséricorde divine
: la pénitence permet le renouvellement de
la victoire sur le péché. Dans cette
perspective, l'Eglise Orthodoxe, par une apparente
contradiction avec sa propre nature eschatologique,
laisse aux divorcés la possibilité de
continuer à vivre la réalité
unique du mariage chrétien dans un cadre qu'ils
ont refait après un premier échec. Par
la faute de l'homme, des atteintes graves peuvent
être portées à l'intégrité
de la communauté conjugale. Or c'est la transgression
qui brise le lien ; l'acte de divorce ne fait que
constater et entériner.
La
compréhension ne donne pas un droit
Ceci nous conduit à affirmer avec force que
si on est amené à tolérer le
divorce, à cause du « pas encore »,
il ne doit pas être autorisé et partant,
constituer un droit dont on pourrait se prévaloir.
Jamais aucun théologien, aucun responsable
orthodoxe ne cherchera à s'aventurer aussi
loin. Bien plus, cette dernière prétention.
serait rejetée unanimement comme un sacrilège,
si quelqu'un s'avisait de l'émettre.
Cependant, le droit canonique orthodoxe va plus loin
puisqu'il établit une procédure ecclésiastique
du divorce. Par conséquent on est en droit
de poser la question de la légitimité
de cette disposition. Je vous dirai de suite que si
le plus grand nombre d'entre nous admet la possibilité
du divorce, tous rejettent sa légitimité.
Pour ma part, je pense que le divorce ne relève
pas de la doctrine générale du mariage
mais très précisément de l'économie
puisque l'Eglise est en droit de s'appliquer à
redresser, à posteriori et autant que faire
se peut, les conséquences spirituelles de la
rupture conjugale dans la mesure où elle prend
en considération la situation de deux foyers
: celui qui est brisé et l'autre. En fait,
l'Eglise Orthodoxe ne fait que tolérer un mal,
et cela à son corps défendant, en vue
d'éviter un mal plus grand qui serait la rupture
totale et définitive avec l'Eglise.
La
tolérance se situe dans la pédagogie
divine du salut
Ainsi la distinction entre tolérance et légitimité
(puisque nous pensons, rappelons-le encore une fois,
qu'il ne peut être question d'autoriser le divorce)
ne doit pas signifier non plus le recours à
une subtilité de langage. Et si nous parlons
d'économie, qui est un des piliers fondamentaux
de la théologie morale orthodoxe, c'est uniquement
parce que dans son principe elle se définit
comme la transposition, dans la situation et le temps
de l'Eglise, de la pédagogie divine du salut.
Elle n'a pas pour objet d'escamoter l'obstacle mais
prône une certaine détente médicinale
dans l'effort ou encore cherche à provoquer
pour l'âme une sorte de choc en retour. Dans
ce cas les sanctions canoniques ne sont pas supprimées,
mais reportées et étalées dans
le temps et plus encore lorsque cette même législation
canonique n'est manifestement pas en mesure de déterminer
le changement radical envisagé : on se réfère
alors à la mansuétude divine et ce recours
relève du champ d'activité pour le discernement
prophétique du pasteur. Ce discernement évolue
la plupart du temps entre deux pôles : d'une
part la bienveillance pastorale qui prend en considération
l'état général de l'homme moderne,
soumis à de très fortes pressions de
forces nouvelles, qui par expérience aussi
est confrontée à la faiblesse humaine,
à l'immaturité psychologique et surtout
spirituelle de nos contemporains tout comme à
des situations imprévisibles qui s'abattent
parfois sur les meilleurs ; d'autre part on constate
aussi, et c'est tout aussi vrai, que l'indulgence
n'est pas la seule vertu pastorale. Quoiqu'il en soit,
il est bon et légitime de souligner que l'économie
pastorale s'applique à des cas concrets et
toujours individuels et que les décisions prises
ne constituent pas de précédents, sinon
dans un sens très général. De
cette manière il est possible pour les Orthodoxes
d'affirmer leur intransigeance quant à la doctrine
en regard de leur grande libéralité
pour ce qui est de l'application de l'économie
dans le domaine du comportement pratique. Cela se
conçoit : une déviation importante dans
la définition et la confession de la norme
et de l'exigence, bloque la route du retour à
celles-ci Ajoutons encore qu'un moindre mal ne saurait
devenir un bien en soi, un bien peut résulter
ici uniquement d'un effort accru d'humilité
dans la reconnaissance de sa faiblesse devant l'exigence
de la perfection ; il ne doit s'agir ni de trouble
des esprits ni de fournir une fausse sécurité
à des consciences peu exigeantes, mais uniquement
de préserver une valeur nécessaire à
la personne dans le but de dépasser le simple
niveau de la morale pour atteindre celui de la réalité
religieuse.
Les
atteintes au lien matrimonial
Les atteintes au lien matrimonial se classent en deux
grandes catégories quant au fond :
celles relevant de la « porneia »,
c'est-à-dire la fornication proprement dite
ou des actes immoraux qui s'y apparentent. Cette interprétation
est conforme au sens de ce terme grec qui désigne
toutes les formes d'inconduite. Il sera alors question
de « divortium cum damno » (mata timorias)
car il se fondera sur la culpabilité d'un des
conjoints, voire des deux. A cela s'ajoute l'impossibilité
morale de la vie commune causée par exemple
par l'incitation de la femme ou des enfants à
la débauche ;
celles découlant de l'absence d'un des conjoints.
Bien entendu cette absence doit avoir un caractère
définitif ou s'appuyer sur de très fortes
présomptions qu'elle soit telle. Ici on parlera
de « divortium bona gratia » (agathi ti
kariti) car il ne résulte pas de culpabilité
comparable à la première catégorie.
C'est le cas pour l'impuissance physique (notons ici
que pour l'Eglise Orthodoxe un mariage même
sans copula carnalis est pleinement valide), dans
la mesure où elle résulte d'une maladie
contractée après le mariage ; ou encore
la disparition définitive d'un conjoint, ou
encore la profession monastique, si la décision
est prise en dehors de toute contrainte, dans un esprit
d'idéal parfaitement ascétique ; ou
lorsqu'il y a élévation à l'épiscopat
d'un prêtre marié (Notons ici en passant
que l'imposition du célibat aux évêques
ne relève pas de l'éthique mais de l'opportunité
pastorale) ; ou bien le consentement de l'épouse
étant une condition sine qua non et qu'elle
renonce à se remarier ;
la disparité de culte peut être,
de son côté, cause possible de divorce.
Pour l'Orthodoxe cependant, cette possibilité
s'établit essentiellement à partir de
la distinction entre le mariage institution universelle
et le mariage sacramentel, réalité strictement
ecclésiale.
L'unité
du couple doit correspondre à une symphonie
interne
Quoiqu'il en soit, selon l'esprit de l'Orthodoxie,
l'unité du couple ne peut être maintenue
que par la seule vertu des contraintes juridiques
; l'unité formelle doit correspondre à
une symphonie interne. Par conséquent il importe
avant tout dans une saine pastorale du mariage de
souligner les raisons profondes qui sont à
la base de l'exigence néotestamentaire de pérennité,
à savoir la dignité spirituelle et la
sainteté du lien conjugal. D'un autre côté,
comment ne pas tenir compte aussi des facteurs sociologiques
? Dans la plupart des états modernes, à
quelques exceptions près, la législation
civile ou bien la jurisprudence admettent assez facilement
le divorce (n'oublions pas en effet que si le christianisme
a élevé l'union conjugale à la
dignité du sacrement, cette promotion continue
cependant à buter contre une tendance profondément
ancrée dans la mentalité universelle).
Or ce courant paraît irréversible dès
lors que ces mêmes lois tendent plutôt
à favoriser les droits de l'individu, à
l'opposé des sociétés primitives
ou peu évoluées qui, elles, conçoivent
leur ordre juridique en fonction des intérêts
du groupe.
Le
divorce n'entraîne pas le droit au remariage
Enfin, si une étroite connexion sur tous les
plans existe entre le divorce et la possibilité
de remariage, il convient de bien préciser
ici un point de doctrine essentiel : la dissolution
du lien conjugal ne crée pas ipso facto un
droit à contracter un nouveau mariage, d'autant
plus que l'Eglise Orthodoxe a toujours manifesté,
jusqu'à nos jours, un sentiment de réserve
vis-à-vis des secondes noces en général,
comme l'exprime d'ailleurs le rite liturgique (il
existe effectivement un rite de secondes noces qui
est un rite de pénitence plutôt qu'autre
chose et ce rite est très spécifique
et très clair. D'une part il relève
avec rigueur la faute et par ailleurs il présente
la miséricorde de Dieu par rapport au comportement
de l'homme qui est faible). Et n'oublions pas que
très souvent un remariage ne se fait pas directement.
Il y a un éloignement temporaire du divorcé
de l'eucharistie, sans cela l'écho du commandement
divin s'affaiblirait dans les consciences des croyants.
Une
position empreinte de sagesse
Dans
la question si délicate du divorce, l'authentique
position orthodoxe, tout en se gardant bien de critiquer
d'autres traditions chrétiennes plus strictes
dans toute rupture du lien conjugal légitime,
est cependant empreinte de sagesse. Les canons conciliaires
en effet comportent des dispositions transitoires
et relatives qui sont destinées à permettre
une assimilation pédagogique des normes strictes,
en tenant compte de la patience nécessaire
pour y parvenir par étapes. Le but reste toujours
l'élévation à une plus grande
justice, ce qui implique la référence
à la vérité doctrinale et à
la norme évangélique : celle-ci est
essentiellement exigence de dépassement et
appel prophétique à la perfection. Tout
en soulignant la valeur éminente du mariage
chrétien, stable et unique, dans l'application
de son économie, l'Orthodoxie témoigne
aussi d'une sagesse qui ne prétend pas être
la seule possible dans ce domaine, mais qui a l'avantage
de présenter un essai de solution sinon au
problème du divorce, du moins à celui
des divorcés. Dans cette perspective elle ne
nie donc pas le fait patent que la stabilité
du mariage chrétien ne peut pas toujours être
considérée comme se maintenant en toutes
circonstances par la seule vertu d'une affirmation
juridique. De cette façon, tout en maintenant
fermement l'enseignement du Nouveau Testament, l'Eglise
Orthodoxe ne veut pas non plus fermer inexorablement
la porte de la Miséricorde divine.
NOTES
EXPLICATIVES A PARTIR DE LA BIBLIOGRAPHIE UTILISEE
01.- Jean MEYENDORFF : «Mariage et Eucharistie»,
in Le Messager Orthodoxe, n° 49-50, Paris, 1970
02.- Paul EVDOKIMOV : «l'Orthodoxie»
Delachaux et Niestlé, Paris 1959
03.- EVDOKIMOV, «Mystère de la
Personne Humaine», Contacts, n° 68, Paris,
1969
04.- BOULGAKOF : «Le Paraclet»
Aubier, 1946
05.- Elie MELIA : «Le lien matrimonial»,
in «Hommes et Eglise», Strasbourg, 1970
06.- Dans le judaïsme, c'est la continuation
de l'espèce qui apparaît comme la signification
essentielle du mariage, la multiplication de la postérité
«comme le sable de la mer» est le signe
principal de la bienveillance de Dieu à l'égard
du juste; au contraire l'absence d'enfants est une
malédicùon, surtout pour la femme. Ce
point de vue de l'Ancien Testament est intérieurement
lié à l'absence dans le Judaïsme
ancien d'une conception claire de l'Au-delà,
Dieu était «le Dieu des vivants»,
non des morts et la vie trouvait son prolongement
précisément dans la postérité.
Au contraire, la doctrine du mariage dans le Nouveau
Testament se distingue nettement de l'Ancien par le
fait que son sens essentiel est dans l'amour et l'unité
éternelle de l'épouse et de l'époux.
C'est ce qui fait dire à sainte Macrine (PO
46,964), à qui on proposait de se marier après
la mort de son fiancé : «Le mariage est
par nature unique, de même qu'il n'y a qu'une
naissance et une seule mort. Mon fiancé vit
dans l'espérance de la résurrection
et il ne convient pas de ne pas lui conserver la fidélité».
Quant au monde romain, la conception du mariage se
distinguait de celle des Juifs par !e fait qu'elle
était d'abord liée non pas à
la procréation mais au droit civil qui avait
pour principe de base «le consentement et non
la copulation» (Nuptias non concubitus, sed
consensus facit), d'où l'établissement
«d'un contrat» entre deux parties libres.
Ce sont ces lois romaines que l'Eglise acceptera pratiquement
jusqu'au IXème siècle (cf. r.e.a. Athénagore,
Sources Chrétiennes 3, Paris, 1943, p. 161
; saint Jean Chrysostome : PG 54, 488; Nomocanon byzantin
en 14 chapitres; Kormchava slave jusqu'au début
du XIXème siècle). C'est l'empereur
Léon VI (886-912) qui le premier va édicter
une loi rendant obligatoire la cérémonie
religieuse (novelle 89) que l'empereur Alexis 1er
Commène (1081-1118) étendra aussi aux
esclaves.
07.- Il y a lieu de dégager ici la relation
entre mariage et célibat. En fait, pour l'Eglise
Orthodoxe, il s'agit de deux vocations à un
état de vie, de deux réponses à
une même préoccupation spirituelle, également
valables du point de vue sacramentel et qui ont en
commun la vertu de chasteté ou d'intégrité,
impliquant une égale soumission à l'exigence
évangélique de la perfection. La notion
de la chasteté désigne avant tout une
qualité spirituelle, «la sagesse»
totale, la puissance de l'intégrité
et de l'intégration de tous les éléments
de l'existence. L'intégration de tous les éléments
de l'être humain en un tout virginal est un
événement intérieur à
l'esprit. Dans le sens immédiat, c'est l'orientation
eschatologique vers le siècle futur où
«tous les hommes seront comme des anges»,
Luc 20,34-36. Ainsi, le célibat consacré
n'est pas une négation de l'énergie
sexuelle qui est une composante de l'être humain
; il est, en fait, sa transposition légitime,
son nécessaire transfert au niveau eschatologique
du Royaume de Dieu (Mt 19, 12 et 22, 30 ; Gal. 3,
28). De même, dans le mariage, si le cycle des
naissances prolonge la vie par les morts successives,
ce cycle est sauvé «au moyen de la chasteté»,
qui fait de la maternité, sous toutes ses formes,
l'enfantement de l'éon nouveau : «sacrement
de l'amour». Il est sacrement du monde à
venir (Isaïe 26,18). Partant la sexualité
du couple, qu'il soit fécond ou stérile,
est dépassée par sa propre symbolique
; symbole de l'unité, elle se transcende vers
l'intégrité spirituelle du seul être.
C'est là seulement que le mariage rejoint le
monachisme et que les deux s'unissent dans la figure
eschatologique du Royaume, à l'opposé
de ce qui serait une conception sociologique (procréation)
qui a pour seul résultat la séparation
et l'opposition des deux états. Voir : Elie
MELIA, « Le Sacrement du Mariage », dans
Messager Orthodoxe, n° 55-56, Paris, 1971, pp.
38-39, et P. EVDOKIMOV, Sacrement de l'Amour, Paris,
1962, pp. 226-227
08.- Olivier CLEMENT : «Questions sur
l'homme» Stock, Paris, 1972 pp:102-108. Note
: l'institution du mariage au paradis est une ancienne
tradition très ferme. Il est question de la
grâce paradisiaque du mariage (Clément
d'Alexandrie Strom. PG, 8, 1184) (son commentaire
sur Il Corinthiens où l'amour du Christ et
de l'Eglise s'érige en archétype du
mariage et préexiste ainsi au couple car Adam
est créé à l'image du Christ
et Eve à l'image de l'Eglise). Ni la chute,
ni le temps n'ont touché à sa réalité
sacrée. Saint Ephrem le Syrien (sur Ephésiens
5, 32) ajoute : «D'Adam jusqu'au Seigneur, l'authentique
amour conjugal était le parfait sacrement».
Saint Augustin (in Ev. Joh. 9, 2) enseigne de même
: «Le Christ à Cana confirme ce qu'il
a institué au paradis». En effet le Christ
n'a rien institué à Cana, mais sa présence
revalorise et rehausse le mariage jusqu'à sa
plénitude ontologique. Ainsi, par le «mémorial»
du sacrement l'amour réintroduit l'accessible
paradisiaque sur terre ; c'est cette «grâce
paradisiaque» qui invite l'amour à transcender
tout terrestre et à s'ériger en argument
puissant de la beauté qui témoigne du
vrai par sa simple et transparente évidence.
09.- Encyclopédie Religieuse
et morale, tome 4, Athènes, 1964, col. 201-206
(en grec).
10.- Le sacrement du mariage est célébré
en deux parties : les fiançailles ou rite des
anneaux parce qu'elles se font par l'imposition des
anneaux ; le «rite du couronnement» ensuite
qui, d'habitude, suit immédiatement et qui
consiste en l'imposition des couronnes. Ces deux offices
sont donc célébrés au cours d'une
même cérémonie, «Dieu éternel,
tu rassembles dans l'unité ce qui est séparé
et tu rends indestructible le lien de l'amour; tu
as béni Isaac et Rébecca et les a désignés
comme héritiers de ta promesse (Gen. 25, 2,
21) ; que ce soit toi aussi qui bénisses tes
serviteurs que voici.... les dirigeant en tout ce
qu'ils feront de bien. Car tu es un Dieu de miséricorde
et tu aimes l'homme et nous te rendons gloire, Père,
Fils et SaintEsprit, maintenant et toujours et aux
siècles des siècles. Amen.»
11.- Dans l'iconographie, l'ange du mariage
porte les vêtements de couleur bleu ciel, symbole
de l'intégrité céleste (voir
F. PORTAL, Les couleurs symboliques, Paris, 1837).
12.- Le nouveau baptisé peut épouser
en secondes noces une chrétienne et être
admis au sacerdoce comme un marié en premières
noces (Règle Apostolique 17). Mais si un couple
non chrétien reçoit ensemble le Baptême
et ]'Eucharistie, c'est-à-dire s'il entre dans
l'Eglise, le rite du mariage n'a pas lieu : la communion
du couple est la confirmation ecclésiale du
mariâge naturel, civil, conclu hors de l'Eglise
(Voir J. MEYENDORFF, Mariage et Eucharistie, loc.
cit
13.- L'eucologue mentionne la bénédiction
de la coupe. Dès le XIème siècle,
le rite rappelle dans ses grandes lignes la liturgie
des présanctifiés. Selon le codex Barberini,
la coupe était eucharistique. Tertullien note,
pour son époque, que la bénédiction
nuptiale était donnée pendant la messe.
Le recueil canonique orthodoxe dit, pour l'époque
récente : «Le mariage est célébré
après la liturgie». (Kormichaya Kniga).
Voir aussi les rituels grecs du XIIIème siècle
et les manuscrits slavons du XVème siècle.
A. Katanski : Pour une histoire de l'aspect liturgique
du sacrement de Mariage Khristianskoe chienie, 1880,
(en russe).
14.- Elie MELIA : «Le Sacrement du Mariage»
Le Messager Orthodoxe Paris, 1971, p. 38.
15.- Voir 1Tim 3, 24 : Canon Apostolique 17
: le mariage des membres du clergé doit être
en accord avec la doctrine chrétienne du mariage.
Règle Apostolique 26 : est reconnue comme parfaitement
légitime l'ordination de personnes mariées,
mais le mariage est interdit après l'ordination
(voir aussi à ce sujet le cas exceptionnel
de la règle 10 du concile d'Ancyre concernant
le mariage sous certaines conditions du diacre après
son ordination).
16.- 13e Canon du concile in Trullo (691) Déjà
l'Eglise de Rome avait coutume d'un clergé
non marié.
17.- La règle 14 du 6ème Concile
Oecuménique impose comme âge canonique
les trente ans pour l'ordination des prêtres.
Cet «âge canonique» vise à
rappeler ce principe de maturité spirituelle
dont nous venons de parler ici. Saint Cyrille d'Alexandrie
(canon 4) insiste sur le fait que celui qui est appelé
au ministère ecclésiastique doit auparavant
avoir orienté sa vie dans l'une des deux voies
normales : soit fonder un foyer et y mener une vie
familiale exemplaire, soit accepter le célibat,
en connaissance de cause, non comme solution égoïste,
mais dans un esprit de renoncement ascétique.
18.- Syméon de Thessalonique : De matrimonio.,
PG 155, 504-505 et 508.
19.- De sacerdotio III, 4. PG 48-642.
20.- Léon le Sage, nov. 3 ; Balsamon,
39ème réponse à Marc d'Alexandrie,
Rh. P. IV, pp. 477-478 ; Pidalion (en grec). éd.
d'Athènes, 1957, p. 224, note 1.
21.- Un développement relativement tardif
et purement disciplinaire du droit canon impose le
célibat aux évêques. La législation
conciliaire et impériale fut en effet instituée
à une époque où l'on ne manquait
pas de candidats issus du monachisme. En fait ces
moines constituaient l'élite de la société
chrétienne d'alors. Cette nouvelle législation
utilisa aussi l'idée d'un mariage mystique
de l'évêque avec son Eglise.
22.- Pierre L'HUILLIER, Messager de l'Exarchat
du Patriarche Russe, Paris, 1965, n° 52, pp. 210-222.
Saint Grégoire le Théologien : «Le
mariage est bon, mais je ne puis dire qu'il soit meilleur
que l'état de virginité, D'ailleurs
ta virginité ne serait pas tellement excellente
si elle ne l'emportait précisément sur
une chose déjà bonne en ellemême»
(Orat. 37, PC, 36,293).
23.- L'Eglise orthodoxe, fidèle au principe
énoncé par saint Paul (1 Cor.7, 9) tolère
les secondes noces comme une dérogation à
la norme chrétienne, à cause de la faiblesse
humaine. Saint Basile le Grand (règle 4) précise
que le second mariage, après veuvage ou divorce,
suppose un an ou deux de «pénitence»,
c'est-à-dire d'interdiction de communion ;
et le troisième mariage, quatre ou même
cinq ans d'excommunication, (voir aussi règle
2 de saint Nicéphore, Patriarche de Constantinople
de 806 à 816 et Rhalles-Potles, Syntagma V,
441). Le «rite des Secondes Noces» d'ailleurs
se distingue du rite ordinaire du mariage. Il n'est
pas précédé de l'ephonèse
«Béni soit le Règne...»
(qui lie le mariage à l'Eucharistie) et les
prières nuptiales habituelles font place à
d'autres, à caractère pénitentiel.
Rappelons aussi que l'Eglise orthodoxe n'admet en
aucun cas l'éventualité d'un quatrième
mariage.
24.- L.'amour est une donnée que l'on
ne conçoit que par l'expérience ; il
n'est pas compatible avec «l'adultère»
: en cas d'adultère, l'Eglise ne «dissout»
pas le mariage ; en fait elle n'a pas lieu de le faire
: le mariage en tant qu'union d'amour n'existe plus.
Aussi, l'homme est privé de la possibilité
ou du désir de recevoir ipso facto un droit
à contracter un autre mariage : toute conclusion
dans ce sens risquerait d'être viciée
par une fausse prémisse.
Voir Elie MELIA, « Le Sacrement du Mariage »,
Le Messager Orthodoxe, loc. cit. Paris, 1971, p. 43,
et Le Lien Matrimonial loc.cit. Strasbourg 1970.
25.- CLEMENT D'ALEXANDRIE, Strom. 13, 92 -Note
: Point de vue orthodoxe sur le contrôle des
naissances : a) 1er préambule : «La
première raison du mariage, c'est d'ordonner
la sexualité, maintenant et surtout que le
genre humain a rempli toute la terre», écrit
saint Jean Chrysostome au IVème siècle
dans son «Discours sur le mariage». Il
faut comprendre cela comme un antidote au «lapinisme»,
cet instinct animal de se multiplier aveuglément,
qui serait en outre accepté comme but du mariage,
ce qui d'une part met en question le mariage lui-même
et d'autre part pose un problème des plus graves
à la conscience d'aujourd'hui. Par ailleurs,
comment aussi ignorer l'extraordinaire responsabilité
que possède l'homme de donner la vie : refuser
cette responsabilité de procréation
signifierait que l'être humain rejette sa ressemblance
avec Dieu, rejette son Créateur et par là
altère sa propre humanité. b) 2ème
préambule : Si l'Eglise orthodoxe devant
les formes de limitation des naissances n'a jamais
porté de jugement préalable précis
et absolu dans ce domaine, elle n'a jamais, au contraire,
hésité à condamner sans équivoque,
comme un acte d'assassinat, non seulement toute forme
d'avortement mais aussi toute tentative d'interrupfion
d'une vie humaine déjà conçue
(VI, Concile, Can. 101 ; Athénagore, Apologie
35 ; saint Jean Chrysostome : Hom. V, 12 in Gal. et
Hom, XIX, 1, in ic.). c) Eu égard à
ces deux préambules nous dirons que pour l'Eglise
orthodoxe : 1) il est parfaitement clair qu'il
convient d'écarter toute attitude chez l'homme
qui abdique ses responsabilités ou qui invoque
trop légèrement la Providence divine
; 2) l'Episcopat orthodoxe a toujours pris
au sérieux la notion du Sacerdoce royal des
fidèles. Le couple chrétien vit donc
à part entière son destin éternel
entre sa conscience et le regard de Dieu et en cela
aucun tiers ne peut intervenir. Par conséquent,
l'Eglise orthodoxe est, d'une part bien consciente
que la formulation d'interdits généralisés
et absolus ne peut être une solution positive
quand ce n'est pas librement accepté par les
intéressés car alors on blesse l'amour
ou on réduit l'éros au niveau animal,
d'autre part elle admet qu'il y a des moyens de «limitation
des naissances» qui peuvent être acceptés
dans certains cas et péchés dans d'autres.
Pastoralement parlant donc, et puisque par-dessus
tout Elle défend la dignité des époux,
l'Eglise Orthodoxe sera toujours soucieuse de répondre
à leur attente en fonction de leur situation
particulière et selon le degré de maturité
de leur âge spirituel sur la base principalement
de leur amour et de la gràce qui le protège
et non par rapport à la conception sociologique
et finaliste de la procréation.
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