Qu.
1 : Est-il permis ou expédient de faire et de
dire librement ce que l'on croit bien sans tenir compte
des saintes Ecritures ?
R. : Notre Seigneur Jésus-Christ a déclaré
au sujet du saint Esprit : "Il ne dira rien qui
vienne de Lui, mais Il répétera ce qu'il
aura entendu" (Jn 16,13), et à son propre
sujet : "Le Fils ne peut rien faire de lui-même"
(Jn 5,19). Il ajoute ailleurs : "Je n'ai point
parlé de mon propre chef, mais mon Père
en m'envoyant m'a prescrit lui-même ce que je
devais dire et ce dont je devais parler, et je sais
que son commandement est vie éternelle ; Quand
je parle, je parle donc comme mon Père me l'a
ordonné" (Jn 12,49-50). Qui, par suite,
serait assez fou pour oser de lui-même ne fut-ce
que concevoir une pensée ? Car l'homme a besoin
d'être conduit avec bonté par l'Esprit-Saint
pour se diriger sur le chemin de la vérité,
qu'il s'agisse de pensées, de paroles ou d'actes.
Il est un aveugle plongé dans l'obscurité
s'il ne possède le soleil de justice, Notre Seigneur
Jésus-Christ, pour l'éclairer par ses
commandements comme par des rayons lumineux : "Le
précepte du Seigneur, est-il dit, éclaire
et illumine nos yeux" (Ps 18,9). Cependant, parmi
les actions ou les paroles qui s'offrent à nous,
les unes sont mentionnées dans les saintes Ecritures,
comme objet d'un ordre du Seigneur, les autres passées
sous silence. Pour ce qui s'y trouve, il n'est absolument
permis à personne de le faire si c'est défendu,
ni de s'en abstenir si c'est commandé, car le
Seigneur l'a voulu une fois pour toutes et il a dit
: "Tu observeras le commandement que je t'ai donné
; tu n'y ajouteras rien et tu n'en retrancheras rien"
(Dt 4,2). Celui qui aurait une telle audace, un jugement
redoutable l'attend et un feu violent le dévorera"
(He 10,27). Pour ce qui ne s'y trouve pas expressément
déterminé, l'Apôtre Paul nous donne
une règle en disant : "Tout m'est permis,
mais tout ne convient pas ; tout m'est permis, mais
tout n'édifie pas. Personne ne doit donc rechercher
ce qui lui plaît, mais ce qui est expédient
aux autres" (1 Co 10,22-24). Ainsi, il est de toute
façon nécessaire de nous soumettre soit
à Dieu suivant son commandement, soit aux autres
à cause de son commandement. Il est écrit
en effet : "...soumis les uns aux autres dans la
crainte du Christ" (Ep 5,21) ; et le Seigneur a
dit : "Celui qui veut être grand parmi vous
doit être le dernier et le serviteur de tous"
(Mc 9,34). Cela signifie évidemment : renoncer
à ses volontés propres et imiter le Christ
: "Je suis descendu du ciel, a-t-il dit, non pour
faire ma volonté mais la volonté de mon
Père qui m'a envoyé" (Jn 6,38). (Retour)
Qu.
2 : Quel engagement doivent exiger les uns des autres
ceux qui veulent vivre ensemble selon Dieu ?
R. : L'engagement requis par le Seigneur lui-même
de quiconque vient à lui : "Si quelqu'un,
dit-il, veut venir à moi, qu'il se renonce et
prenne sa croix et me suive" (Mt 16,24). Le sens
de chacun de ces termes, nous l'avons donné dans
la question qui s'y rapporte. (Retour)
Qu.
3 : Comment ramener le pécheur et, s'il refuse
de se convertir, comment se comporter ?
R. : Comme l'a ordonné le Seigneur en disant
: "Si ton frère commet une faute, va et,
seul à seul, reproche-la lui ; s'il t'écoute
tu auras gagné ton frère ; s'il ne t'écoute
pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin
que toute parole soit confirmée par l'autorité
de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute
pas encore, dis-le à l'assemblée, et s'il
n'écoute pas encore celle-ci, qu'il soit pour
toi comme païen et publicain" (Mt 18,15-17).
Peut-être qu'en pareil cas "la censure infligée
au coupable par la communauté suffira" (2
Co 2,6) car saint Paul a dit : "Reprends, supplie,
menace sans cesser de patienter et d'instruire"
(1 Tim 4,2), et ensuite : "Si quelqu'un n'obéit
pas à ce que nous prescrivons dans notre lettre,
tenez-en compte et n'ayez plus commerce avec lui, afin
qu'il rentre en lui-même" (2 Th 3,14). (Retour)
Qu.
4 : Si, pour des fautes mêmes les plus légères,
on harcèle des frères en leur disant :
"Il faut faire pénitence" ne manque-t-on
pas soi-même de miséricorde et ne pèche-t-on
pas contre la charité ?
R. : Pas un iota, pas un point ne tombera de la loi,
a déclaré le Seigneur, avant que tout
ne soit accompli (Mt 5,18) et, il l'a assuré,
les hommes rendront compte, au jour du jugement, de
toute parole oiseuse qu'ils auront prononcée
(Mt 12,36). Il ne faut donc rien regarder comme n'ayant
pas d'importance, car "celui qui méprise
quelque chose en sera méprisé" (Pr
13,13). Du reste quelle faute osera-t-on appeler légère,
si l'Apôtre a dit qu'en violant la loi vous offensez
Dieu ? (Rm 2,23) Et si l'aiguillon de la mort est le
péché, non tel ou tel péché,
mais, évidemment, tout péché sans
distinction, c'est en se taisant que l'on est cruel
et non pas en faisant des reproches, comme on le serait
en enfermant le venin d'une morsure dans la plaie plutôt
qu'en l'en retirant. C'est ainsi également qu'on
manquerait à la charité, car il est écrit
: "Celui qui ménage le bâton hait
son fils, et celui qui aime châtie au contraire
avec soin" (Pr 13,24). (Retour)
Qu.
5 : Comment doit-on se repentir de chaque faute et quels
dignes fruits de pénitence doit-on produire ?
R. : Il faut entrer dans les dispositions de Celui qui
a dit : "J'ai détesté l'iniquité
et je l'ai prise en horreur" (Ps 118,163) et faire
ce qui est indiqué dans le sixième psaume
et en beaucoup d'autres ; faire aussi ce que l'Apôtre
rapporte des chrétiens affligés par la
faute de l'un d'entre eux : "Voyez, dit-il, combien
cette affliction selon Dieu a produit en vous de zèle,
d'empressement à vous défendre, d'indignation,
de crainte, de désir, d'ardeur à venger
le crime, d'émulation ! Vous avez bien montré
que vous êtes restés purs dans cette affaire"
(2 Co 7,11). Enfin, comme Zachée, il faut multiplier
les actes de la vertu opposée. (Retour)
Qu.
6 : Que dire du pécheur qui consent de bouche
à faire pénitence, mais ne se corrige
pas de sa faute ?
R. : Je lui applique alors cette sentence de l'Ecriture
: "Si ton ennemi t'appelle à grands cris
ne te confies pas à lui, car son cur est
sept fois perverti" (Pr 26,25) et cette autre :
"Comme le chien retourne à son vomissement
et devient odieux, ainsi l'homme qui par sa propre malice
retourne à son péché" (Pr
26,11). (Retour)
Qu.
7 : Quel jugement porter contre ceux qui prennent la
défense des coupables ?
R. : Un jugement plus sévère, me semble-t-il,
que pour celui dont il est dit : "Il vaudrait mieux
pour lui se voir attacher une meule de moulin au cou
et être précipité dans la mer que
de scandaliser un de ces petits" (Luc 17,2). En
effet, au lieu d'un avertissement salutaire, le pécheur
reçoit dans cette défense un encouragement
au crime et entraîne d'autres dans les mêmes
errements. Celui qui commet une telle faute doit donc
montrer de véritables signes de pénitence,
autrement il faudrait lui appliquer cette parole du
Seigneur : "Si ton il doit te porter au mal
arrache-le et jette-le loin de toi, car il est préférable
pour toi de perdre un de tes membres que de brûler
avec le corps tout entier dans la géhenne"
(Mt 5,29). (Retour)
Qu.
8 : Comment doit être accueilli celui qui se repent
sincèrement ?
R. : Comme le maître l'a enseigné par ces
mots : "Il rassemble ses amis et ses voisins et
leur dit : "Réjouissez-vous avec moi, parce
que j'ai retrouvé ma brebis perdue" (Lc
15,6). (Retour)
Qu.
9 : Comment se conduire envers le pécheur impénitent
?
R. : Comme le Seigneur l'a prescrit en disant : "S'il
n'écoute pas non plus l'assemblée qu'il
soit pour vous comme un païen et un publicain"
(Mt 18,17), et comme l'Apôtre le veut quand il
écrit : "Evitez tout frère qui se
conduirait d'une manière déréglée
et non conforme à l'enseignement reçu
de nous" (2 Th 3,6). (Retour)
Qu.
10 : Lorsqu'une âme s'est enlisée dans
le péché, avec quelle crainte, quelles
larmes, doit-elle s'arracher à ses fautes, avec
quelle espérance, par contre, et quel sentiment
se tourner vers Dieu ?
R. : Elle doit avant tout haïr son passé
détestable et en prendre en horreur et dégoût
jusqu'au souvenir, car il est écrit : "J'ai
détesté le péché et je l'ai
eu en abomination, tandis que j'ai aimé votre
loi" (Ps 118,163). Puis, afin de s'exciter à
la crainte, elle doit songer à la menace du jugement
et de la peine éternelle et reconnaître,
dans l'occasion de pleurer, celle de faire pénitence,
comme le dit David dans le sixième psaume, convaincu
que c'est le Seigneur qui la purifiera de ses fautes
par l'application de son sang, dans la grandeur de sa
compassion et l'abondance de sa miséricorde,
puisqu'il a dit : "Si vos péchés
étaient comme l'écarlate, je les rendrais
blancs comme neige, et s'ils étaient comme cochenille,
je les blanchirais comme la laine" (Is 1,18). Alors,
ayant reçu la possibilité et la puissance
de plaire à Dieu, elle peut dire : "Le soir
régneront les pleurs, mais le matin la joie.
Vous avez converti ma tristesse en félicité,
vous avez déchiré mon sac et m'avez entouré
d'allégresse, en sorte que dans la gloire je
célèbre vos louanges" (Ps 29,6,12-13).
Elle s'avance en adressant à Dieu ce chant :
"Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m'avez
accueillie et que vous n'avez pas laissé mes
ennemis se réjouir de ma perte" (Ps 29,2).
(Retour)
Qu.
11 : Comment s'obtient la haine du péché
?
R. : Une conséquence désagréable
et fâcheuse engendre toujours la haine pour la
cause qui la produit. Si quelqu'un se pénètre
donc du nombre et de l'importance des maux qui dérivent
du péché, il en éprouvera spontanément
une haine intime semblable à celle du psalmiste,
qui dit : "J'ai détesté l'iniquité,
et je l'ai prise en horreur" (Ps 118,163). (Retour)
Qu.12
: Comment l'âme aura-t-elle la conviction que
Dieu lui a pardonné ses fautes ?
R. : Lorsqu'elle se verra dans les sentiments de celui
qui a dit : "J'ai détesté l'iniquité,
et je l'ai prise en horreur" (Ps 118,163), car
Dieu nous a, quant à lui, déjà
pardonné d'avance lorsqu'il a envoyé son
Fils unique pour nous délivrer de nos péchés.
Du reste, David a chanté la pitié et le
jugement de Dieu, lui rendant ce témoignage qu'"Il
est miséricordieux et juste" (Ps 100,1)
; il faut donc que s'accomplisse pour nous la parole
des prophètes et des apôtres au sujet de
la pénitence, en sorte qu'apparaisse vraiment
la justice des jugements de Dieu et que se réalise
sa miséricorde dans le pardon des péchés.
(Retour)
Qu.
13 : Celui qui pèche après son baptême
doit-il désespérer de son salut dès
que ses fautes sont nombreuses ? ou bien y a-t-il une
limite dans le péché, jusqu'à laquelle
on doit espérer dans la bonté de Dieu
moyennant pénitence ?
R. : S'il y avait un terme à la multitude des
miséricordes de Dieu et une mesure à l'étendue
de sa pitié, il faudrait désespérer
en comparant le nombre et l'étendue de nos fautes.
Mais on peut bien, semble-t-il, mesurer et compter celles-ci,
tandis qu'on ne peut déterminer ni limite à
la pitié de Dieu ni borne à ses miséricordes.
Il n'y a donc pas lieu de désespérer,
mais plutôt de reconnaître la miséricorde
et de détester le péché, dont le
pardon, dit l'Ecriture, se trouve dans le Sang du Christ.
Qu'il ne faille pas désespérer, cela nous
est répété constamment et de mille
manières. Cela ressort surtout de la parabole
de notre Seigneur Jésus-Christ au sujet de l'enfant
prodigue. Celui-ci avait demandé son bien à
son père et l'avait ensuite dépensé
dans le péché, mais nous savons par les
paroles du Seigneur, quelle joie intense provoqua son
repentir (Lc 15,13 sq.). Dieu l'a dit aussi par la bouche
d'Isaïe : "Si vos péchés étaient
comme l'écarlate je les rendrais blancs comme
neige et s'ils étaient comme la cochenille, je
les blanchirais comme la laine" (Is 1,18). Toutefois
nous devons savoir que cela est vrai seulement lorsque,
suivant l'Ancien et le Nouveau Testament, le repentir
se manifeste réellement par la haine du péché
et produit de dignes fruits, comme il est dit dans l'interrogation
qui traite ce sujet (Voir Qu.5). (Retour)
Qu.
14 : A quels fruits peut-on reconnaître la vraie
pénitence ?
R. : La manière de faire pénitence, les
dispositions de ceux qui se convertissent du péché
et le zèle qui produit de dignes fruits de pénitence,
tout cela est dit dans son lieu (Voir Qu.5).
(Retour)
Qu.
15 : Que signifie : "Aussi souvent que mon frère
péchera contre moi, je lui pardonnerai"
(Mt 18,21) et quels péchés est-il en mon
pouvoir de pardonner ?
R. : Il n'est pas permis d'absoudre librement, mais
seulement lorsque le pénitent obéit et
se conforme à celui qui a le soin de son âme,
car il est écrit à ce sujet : "Si
deux d'entre vous sont d'accord pour demander quoi que
ce soit, mon Père qui est dans les cieux le leur
accordera" (Mt 18,19). Quels péchés
pardonner ? Il n'y a pas à le demander, le Nouveau
Testament n'a pas établi de distinction à
ce sujet mais il a promis le pardon de tout péché
à qui fait convenablement pénitence, et
le Seigneur surtout, en personne, a parlé de
"quoi que ce soit". (Retour)
Qu.
16 : Pourquoi la componction envahit-elle parfois l'âme
presque spontanément comme une peine et sans
que celle-ci l'ait cherchée, tandis que, parfois,
elle est tellement insensible, que malgré ses
efforts elle ne parvient pas à s'attrister ?
R. : Une telle componction est un don de Dieu : ou bien
elle stimule la volonté, car l'âme ayant
goûté la douceur d'une telle tristesse
s'empresse de la nourrir ; ou bien elle montre que l'âme,
si elle avait un peu plus de zèle, pourrait être
toujours dans cet état, rendant inexcusables
ceux qui l'écartent par leur négligence.
Quant à essayer de l'atteindre sans y parvenir,
cela prouve aussi notre négligence en d'autres
temps, car sans application ni exercice constant et
répété, il est impossible d'atteindre
immédiatement ce que l'on cherche. En même
temps, c'est un signe que notre âme est dominée
par d'autres passions et, à cause d'elles, n'est
plus libre de se tourner vers ce qu'elle désire,
selon la parole de l'Apôtre constatant : "Pour
moi je suis charnel et vendu au péché,
car je ne fais pas ce que je veux et je fais ce que
je ne veux pas" (Rm 7,14-15), et cette autre :
"Ce n'est plus moi qui agis mais la péché
qui habite en moi" (Rm 7,17). Dieu permet aussi
pour notre bien qu'il en soit ainsi. A travers ce qu'elle
éprouve malgré elle, Il veut que l'âme
aperçoive ce qui la domine, et, après
avoir découvert en quoi elle est asservie contre
son gré au péché, elle s'arrache
aux filets du démon et trouve toute prête
la miséricorde avec laquelle Il accueille ceux
qui se convertissent sincèrement. (Retour)
Qu.
17 : Quelqu'un pense à manger, puis se reprend
lui-même, est-il condamnable pour la pensée
qu'il a eue ?
R. : Si, en dehors de l'heure, on pense à la
faim sans l'éprouver physiquement, on met en
évidence l'égarement de l'âme en
trahissant son attachement aux choses présentes
et son indolence vis-à-vis de celles qui plaisent
à Dieu. Cependant, même ainsi, la miséricorde
de Dieu est toute prête. En effet, si on se reprend
soi-même, on est libéré de sa faute
par la vertu du repentir, pourvu qu'on se garde de tomber
dans la suite, en se souvenant des paroles du Seigneur
: "Voilà, tu es guéri, ne pèche
plus, de peur qu'il ne t'arrive pire" (Jn 5,14).
Par contre, si, la nature s'imposant, et la faim devenant
impérieuse, ce sont les sens qui excitent la
mémoire, tandis que l'esprit domine par son zèle
à s'occuper de choses élevées,
on mérite, non pas d'être condamné
pour le souvenir provoqué, mais d'être
loué pour la victoire obtenue. (Retour)
Qu.
18 : Faut-il confier une charge, dans la communauté,
à un frère qui a péché,
mais s'est ensuite beaucoup appliqué au bien
? Si oui, quelle charge lui donner ?
R. : L'Apôtre a dit : "Ne donnons occasion
de scandale ni aux Juifs, ni aux Gentils, ni à
l'Eglise de Dieu, comme je m'efforce moi-même
de plaire à tous en toute chose, en cherchant
non ce qui m'est avantageux, mais ce qui est utile à
beaucoup d'autres pour leur salut" (1 Co 10,32-33).
Souvenons-nous de ces paroles et soyons très
attentifs à ne mettre aucun obstacle à
l'Evangile du Christ, à ne point scandaliser
les faibles et à ne mal édifier personne.
Ici aussi, par conséquent, on doit bien considérer
et examiner ce qui est utile à l'édification
de la foi et au progrès dans la vertu. (Retour)
Qu.
19 : Si quelqu'un vient à être soupçonné
sans que sa faute soit cependant évidente, doit-on
l'épier pour découvrir ce que l'on soupçonne
?
R. : Les soupçons méchants, lâchement
et délibérément conçus,
l'Apôtre les condamne (1 Tim 6,4). Toutefois celui
qui est chargé de veiller sur la communauté
doit observer tous les frères en esprit de charité
chrétienne, et dans le désir de guérir
celui qui est soupçonné, en sorte que
soit réalisée cette parole : "Afin
que nous rendions tout homme parfait dans le Christ"
(Col 1,28). (Retour)
Qu.
20 : Lorsqu'on s'est adonné manifestement au
péché dans le passé, doit-on fuir
la compagnie des hérétiques et s'éloigner
des pécheurs ?
R. : L'Apôtre a dit : "Ecartez-vous de ceux
d'entre vos frères qui se conduisent d'une manière
déréglée, et non selon la tradition
qu'ils ont reçue de nous" (2 Th 3,6). Aussi,
pour n'importe qui, toute relation par la pensée,
la parole ou l'action avec n'importe quoi de défendu
est-elle généralement dangereuse et nuisible.
Ceux qui ont vécu dans le péché
doivent encore être plus vigilants sur ce point,
car l'habitude acquise rend ordinairement plus enclin
au mal. Du reste, comme il faut traiter les malades
avec plus de prudence de façon à écarter
d'eux, souvent, même ce qui est bon pour des gens
bien portants, ainsi faut-il pour les malades spirituels,
beaucoup plus d'attentions et de précautions.
Le tord que peut faire, en effet, la compagnie des pécheurs,
l'Apôtre le déclare en disant à
ce propos : "Un peu de levain fait fermenter toute
la masse" (1 Co 5,6). Or, s'il en est ainsi pour
ceux dont la conduite est coupable, que dire de ceux
dont la pensée sur Dieu est fausse, et à
qui l'erreur ne permet pas d'être sains sous les
autres aspects, car à cause d'elle ils sont une
fois pour toute livrés aux passions honteuses.
De cela nous trouvons la preuve dans de nombreux passages
de l'Ecriture et spécialement dans ces paroles
de l'Epître aux Romains au sujet de quelques hérétiques
: "...Ils n'ont pas voulu reconnaître Dieu
et Dieu les a livrés à leurs sens dépravés,
en sorte qu'ils ont commis des actions indignes. Remplis
de toutes espèces d'injustices, de méchanceté,
de fornication, d'avarice, de malignité, ils
ont été envieux, meurtriers, querelleurs,
trompeurs, pleins de perversités, semeurs de
faux rapports, calomniateurs et contempteurs de Dieu,
arrogants, superbes, altiers, inventeurs de procédés
coupables, désobéissants à leurs
parents, sans prudence, sans fidélité,
sans affection, sans foi, sans miséricorde. Après
avoir connu la justice de Dieu, ils n'ont pas compris
cependant que ceux qui font tout cela sont dignes de
mort, et non seulement ils le font, mais encore ils
approuvent ceux qui le font" (Rm 1,28-32). (Retour)
Qu.
21 : D'où viennent les rêveries et les
pensées vaines ? Comment y remédier ?
R. : La rêverie naît de la paresse de l'esprit
qui néglige de s'occuper utilement ; or, l'esprit
cède à l'inaction et à l'inattention
lorsqu'on manque de foi en la présence de Dieu,
scrutateur des reins et des curs. Si l'on vivait,
en effet, dans cette conviction, on réaliserait
pleinement cette parole : "Je voyais toujours le
Seigneur devant moi, car il se tient à ma droite
pour que je ne sois pas ébranlé"
(Ps 15,8). En se conformant à cette règle
et à d'autres semblables, on n'aura jamais ni
l'audace ni le temps de se livrer à des pensées
inutiles, même si elles sont bonnes, et encore
moins à celles qui sont défendues et déplaisent
à Dieu. (Retour)
Qu.
22 : D'où viennent les rêves inconvenants
de la nuit ?
R. : Ils proviennent des mouvements désordonnés
qui naissent en l'âme durant le jour, mais l'âme
toute occupée des jugements divins en est innocente,
et si elle médite continuellement des pensées
vertueuses et agréables à Dieu, elle aura
malgré tout de ces rêves. (Retour)
Qu.
23 : Quand se rend-on coupable de parler inutilement
?
R. : En somme, est inutile toute parole qui ne se rapporte
pas à un sujet traité dans le Seigneur.
Le danger d'une telle parole est d'autant plus grand
que même si elle est bonne, si elle n'est pas
orientée à la consolidation de la foi,
sa valeur intrinsèque ne la rend pas inoffensive
pour celui qui la prononce, mais par suite de cette
circonstance qu'elle n'édifie pas, celui-ci contriste
l'Esprit saint de Dieu. L'Apôtre l'a enseigné
clairement lorsqu'il a dit : "Nul mauvais discours
ne doit sortir de votre bouche, n'en prononcez que de
bons, propres à l'édification de la foi,
et bienfaisants pour ceux qui écoutent"
(Ep 4,29), ajoutant : "Ne contristez pas l'Esprit
saint de Dieu dont vous avez été marqués
comme d'un sceau" (Ep 4,30). Est-il nécessaire
de dire la grandeur du mal qu'il y a à contrister
l'Esprit de Dieu ? (Retour)
Qu.
24 : Qu'est-ce qu'une insulte ?
R. : Toute parole dite avec l'intention de nuire à
l'honneur de quelqu'un est une insulte, même si
celle parole ne semble pas injurieuse en soi. Cela ressort
de l'Evangile qui rapporte que "les juifs l'insultèrent
et lui dirent : Toi aussi tu es son disciple" (Jn
9,28). (Retour)
Qu.
25 : Qu'est-ce que la médisance ?
R. : Il y a deux circonstances, me semble-t-il, dans
lesquelles on peut dire du mal de quelqu'un : lorsqu'il
faut conférer avec d'autres, qualifiés
pour cela, sur le moyen de corriger le coupable ; ensuite,
lorsqu'il faut prévenir certains qui pourraient
parfois, par ignorance, fréquenter un compagnon
mauvais qu'ils croiraient bon, car l'Apôtre a
défendu de se mêler à des gens de
cette espèce, de peur d'y trouver des pièges
pour l'âme (2 Th 3,14). Telle fut la leçon
d'agir de l'Apôtre lui-même, nous le voyons
d'après sa lettre à Timothée :
"Alexandre, le fondeur, écrit-il, nous a
fait beaucoup de tort, évite-le, parce qu'il
a fortement combattu" (2 Tim 4,14-15). En dehors
des nécessités de ce genre, quiconque
parle mal d'un autre pour l'accuser ou le dénigrer,
est un médisant, même s'il dit la vérité.
(Retour)
Qu.
26 : Quel châtiment mérite celui qui médit
de son frère ou supporte qu'on médise
en sa présence ?
R. : Tous deux méritent l'excommunication : "car
j'ai poursuivi celui qui se fait en secret le détracteur
de son prochain" (Ps 100,5) et il est dit ailleurs
: "N'écoute pas volontiers le détracteur,
de peur d'encourir la mort" (Pr 20,13). (Retour)
Qu.
27 : Et celui qui médit du supérieur,
comment le traiter ?
R. : Ici la condamnation ressort de la colère
que Dieu manifesta envers Marie coupable d'avoir médit
de Moïse. Il ne voulut pas laisser sa faute impunie,
malgré la prière de Moïse lui-même
(Nb 12,10). (Retour)
Qu.
28 : Quelqu'un a répondu à un autre insolemment
et en termes impertinents ; on le lui fait remarquer,
et il dit n'avoir rien de méchant dans le cur.
Faut-il le croire ?
R. : Les maladies de l'âme, comme celles du corps,
ne sont pas toutes apparentes, même pour celui
qui en est atteint. Pour le corps, en effet, ceux qui
s'y entendent, savent distinguer les signes de maladies
secrètes dont les patients eux-mêmes ne
s'aperçoivent pas. Il en est ainsi pour l'âme
: même si le pécheur ne se rend pas compte
de sa propre maladie il faut cependant en croire le
Seigneur ; or celui-ci l'avertit, lui et ceux qui sont
avec lui, que le méchant tire le mal du trésor
mauvais de son cur. Le méchant, il est
vrai, peut souvent feindre en parlant ou en agissant
correctement, mais il est impossible aux bons de se
déguiser en méchants, car "nous avons
soin, dit l'Apôtre, de faire le bien non seulement
devant Dieu, mais aussi devant les hommes" (Rm
12,17). (Retour)
Qu.
29 : Comment éviter la colère ?
R. : En croyant toujours que Dieu voit tout, et que
le Seigneur présent partout nous regarde. Quel
sujet obéissant osera jamais, en effet, faire
en la présence de son maître ce qu'il sait
ne pas lui plaire ? Ensuite en croyant les autres supérieurs
à soi et en se tenant ainsi toujours prêt
à leur obéir, sans chercher à être
obéi par eux. Car si on veut soumettre les autres
à son propre intérêt, il faut savoir
que l'Evangile enseigne que chacun doit au contraire
servir les autres, et si on prétend venger l'insoumission
au commandement du Seigneur, point n'est besoin de la
colère, mais de la miséricorde et de la
compassion : "Qui est faible, est-il dit, sans
que je le sois aussi ?" (2 Co 12,29) (Retour)
Qu.
30 : Comment réprimer les mouvements de la passion
mauvaise ?
R. : Par un amour ardent des commandements de Dieu,
tel que paraît l'avoir possédé celui
qui a dit : "Les décisions de Dieu sont
vérité et, en plus, elles sont justes
; elles sont plus désirables que l'or et la pierre
très précieuse, plus douces que le miel
et qu'un rayon de miel" (Ps 18,10-11).Toujours,
en effet, tous les saints l'ont prouvé, le désir
de biens meilleurs que l'on a la possibilité
et la puissance d'atteindre, fait mépriser et
rejeter les biens inférieurs : à combien
plus forte raison ce qui est méprisable et honteux.
(Retour)
Qu.
31 : N'est-il absolument pas permis de rire ?
R. : Le Seigneur a condamné ceux qui rient en
cette vie (Lc 6,25). Il est donc évident qu'il
n'y a jamais pour le chrétien de circonstance
où il puisse rire, surtout au milieu de tant
d'autres qui offense Dieu en transgressant sa loi (Rm
2,23) et sont livrés à la mort dans le
péché, ce pourquoi il faudrait bien plutôt
craindre et gémir sur eux. (Retour)
Qu.
32 : D'où vient le besoin intempestif et exagéré
de dormir, et comment y obvier ?
R. : Un tel sommeil provient de la paresse de l'âme
à s'occuper des choses de Dieu, et de notre indifférence
pour les jugements divins. Nous y remédions en
pensant vraiment et sérieusement à la
majesté divine, et en cherchant l'accomplissement
des volontés de Dieu : "Je n'accorderai
pas le sommeil à mes yeux, ni l'assoupissement
à mes paupières, ni le repos à
mes tempes, que je n'aie d'abord trouvé un lieu
pour le Seigneur et un temple pour le Dieu de Jacob"
(Ps 131,4-5). (Retour)
Qu.
33 : Comment se trahit celui qui veut plaire aux hommes
?
R. : Par l'empressement envers ceux dont il reçoit
des louanges et la mauvaise volonté à
l'égard de ceux par qui il est critiqué.
Si on veut, en effet, plaire à Dieu, on sera
partout et toujours le même, suivant ces paroles
: "...Par les armes de la justice à droite
et à gauche, dans l'honneur et le déshonneur,
dans la bonne et la mauvaise réputation, considérés
comme imposteurs et cependant sincères"
(2 Co 6,7-8). (Retour)
Qu.
34 : Comment éviter le vice du respect humain
qui fait prendre en considération les louanges
des hommes ?
R. : Par le sentiment de la présence de Dieu,
le désir persévérant de lui plaire,
et un désir fervent des béatitudes promises
par le Seigneur, car aucun serviteur ne songera à
plaire à son compagnon en présence du
maître, au mépris de celui-ci et au risque
d'être condamné par lui. (Retour)
Qu.
35 : Comment se manifeste l'orgueilleux et par quel
moyen le guérit-on ?
R. : L'orgueilleux se manifeste par la recherche de
la prééminence ; il se guérit par
la foi en celui qui a dit : "Le Seigneur résiste
aux superbes et donne sa grâce aux humbles"
(Jc 4,6). Il faut pourtant bien savoir ceci : de quelque
manière que l'on craigne la sentence encourue
par l'orgueil, on ne peut cependant se libérer
de cette passion qu'en s'abstenant de tout exercice
de supériorité, comme on ne désapprend
une langue ou un art qu'en cessant tout à fait
non seulement de pratiquer ou de parler soi-même,
mais aussi d'entendre parler et de voir pratiquer d'autres.
C'est là du reste ce qu'il faut faire pour n'importe
quel vice. (Retour)
Qu.
36 : Faut-il rechercher la considération ?
R. : Nous avons appris qu'il faut rendre honneur à
qui l'honneur est dû (Rm 13,7), mais le Seigneur
nous défend de le rechercher : "Comment
pouvez-vous croire, dit-il, vous qui rechercher la gloire,
que vous vous donnez les uns aux autres, et ne cherchez
point la gloire qui vient à Dieu seul ?"
(Jn 5,44) Désirer l'estime des hommes est donc
l'indice d'un manque de foi et d'un manque de piété,
car l'Apôtre a dit : "Si je plaisais encore
aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ"
(Ga 1,10). Si on encourt un tel jugement en acceptant
seulement la gloire humaine, on méritera une
horrible condamnation en la recherchant quand elle n'est
pas offerte. (Retour)
Qu.
37 : Lorsqu'on est lent à exécuter un
ordre, comment peut-on recouvrer son zèle ?
R. : En pensant sérieusement à la présence
de Dieu qui voit tout, à la menace proférée
contre les négligents, à l'espoir d'une
grande récompense promise par le Seigneur dans
ces paroles de l'Apôtre disant que chacun sera
rémunéré selon son travail (1 Co
3,8), et enfin à tout ce qui a été
écrit de semblable pour exciter, en chacun, le
zèle et la patience dans le but de glorifier
Dieu. (Retour)
Qu.
38 : Si un frère résiste d'abord à
un ordre donné, mais ensuite va spontanément
l'exécuter ?
R. : Par sa résistance il est rebelle, et porte
les autres à l'imiter, il se jugera donc sous
le coup de cette condamnation : "Le méchant
provoque les rébellions, mais le Seigneur lui
enverra un ange impitoyable" (Pr 17,11). Il doit
pourtant bien se convaincre qu'il résiste ou
obéit non pas à un homme, mais au Seigneur,
car celui-ci a dit : "Qui vous écoute m'écoute,
et qui vous méprise me méprise" (Lc
10,16). S'il se repent, il s'excusera d'abord avec contrition
et, si on le lui permet encore, il accomplira son travail.
(Retour)
Qu.
39 : Si quelqu'un murmure en obéissant ?
R. : L'Apôtre ayant dit : "Faites tout sans
murmure ni discussion" (Ph.2,14), on tient à
l'écart de la communauté celui qui murmure
et on retire de l'usage commun le produit de son travail.
Il est clair qu'un tel frère souffre de manque
de foi et d'incertitude dans l'espérance. (Retour)
Qu.
40 : Si un frère en attriste un autre, comment
faut-il qu'il se corrige ?
R. : S'il l'a contristé dans le sens dont parle
l'Apôtre : "Vous avez été attristés
selon Dieu, ainsi la peine que je vous ai causée
ne vous a nullement été désavantageuse"
(2 Co 7,9), ce n'est pas à celui qui a causé
cette peine à s'amender, mais à celui
qui l'éprouve à montrer qu'elles sont
précisément les propriétés
de la tristesse selon Dieu. Mais s'il l'a contristé
pour des choses indifférentes, qu'il se souvienne
des paroles de l'Apôtre : "Si tu attristes
ton frère pour une question de nourriture, tu
ne te conduis pas selon la charité" (Rm
14,15). Reconnaissant ainsi sa faute, qu'il obéisse
à l'avertissement du Seigneur : "Si tu portes
ton offrande à l'autel et, là, tu te souviens
que ton frère a quelque chose contre toi, laisse
ton offrande devant l'autel et va, d'abord, te réconcilier
avec ton frère, puis viens et présente
ton offrande" (Mt 5,23,24). (Retour)
Qu.
41 : Si le coupable ne consent pas à s'excuser
pour la peine qu'il a causée ?
R. : Il convient de lui appliquer le traitement prescrit
par le Seigneur à l'égard du pécheur
impénitent : "S'il n'écoute pas l'assemblée,
qu'il soit pour vous comme un païen et un publicain"
(Mt 18,17). (Retour)
Qu.
42 : Si l'offensé n'accepte pas les excuses et
ne veut pas se réconcilier ?
R. : Il est évident que le Seigneur l'a jugé
dans sa parabole du serviteur qui ne voulut pas patienter
malgré les prières de son compagnon. Les
autres serviteurs rapportèrent le fait au maître
et celui-ci, irrité, lui retira sa bienveillance
et le livra à la torture jusqu'à ce qu'il
eut payé sa dette (Mt 18,31,34). (Retour)
Qu.
43 : Comment faut-il obéir au frère qui
réveille pour la prière ?
R. : Le sommeil réduit l'âme à n'avoir
plus conscience d'elle-même ; celui qui le comprend
et se rend compte de l'avantage assuré à
la veille, et de l'honneur extrême d'approcher
Dieu pour la prière, celui-là obéira
au frère chargé de le réveiller
pour prier ou pour remplir toute autre prescription,
comme à un bienfaiteur dont il recevrait beaucoup
et même au-delà de tout désir.
(Retour)
Qu.
44 : Que mérite le frère qui s'attriste
et s'irrite même d'avoir été réveillé
?
R. : Il mérite d'être séparer des
autres, sans nourriture, jusqu'à ce qu'il puisse
peut-être se repentir à la pensée
des si grands et si nombreux avantages dont il se prive
inconsciemment et, ainsi se convertisse, heureux d'une
telle faveur, avec celui qui a dit : "Je me suis
souvenu du Seigneur et me suis réjoui" (Ps
76,4). S'il persiste au contraire dans son inconscience,
qu'il soit retranché comme un membre gâté
et corrompu, car il est écrit : " Il vaut
mieux qu'un de tes membres périsse, afin que
tout le corps ne soit jeté dans la géhenne"
(Mt 5,30). (Retour)
Qu.
45 : Est-on excusable lorsque, pour négliger
de s'instruire des volontés divines, on fait
état de ces paroles du Seigneur : "Le serviteur
qui aura connu la volonté de son maître
et ne l'accomplira,, ni ne se mettra en mesure de l'accomplir,
sera roué de coups, mais celui qui, sans l'avoir
connue se conduira de façon à être
frappé ne le sera cependant que légèrement"
(Lc 12,47-48) ?
R. : Il est clair que c'est là de l'ignorance
feinte et qu'on ne peut échapper ainsi à
la condamnation réservée au péché
: "Si je n'étais pas venu, dit le Seigneur,
et si je n'avais pas parlé, ils ne seraient pas
coupables, mais ils n'ont désormais plus d'excuse
à leur péché" (Jn 15,22),
car les saintes Ecritures ont proclamé partout
la volonté de Dieu. On sera par la suite, dans
ce cas, non pas jugé légèrement
avec les ignorants, mais condamné plus durement
avec ceux dont il est écrit : "...semblables
à l'aspic qui se rend sourd et se bouche les
oreilles, qui n'écoute pas la voix de l'enchanteur
et reste insensible aux charmes savants du magicien"
(Ps 57,5-6). Toutefois, celui qui est chargé
d'annoncer la parole de Dieu sera puni comme homicide
s'il néglige de le faire. (Ez 33,8). (Retour)
Qu.
46 : Celui qui supporte qu'autrui commette le péché,
est-il responsable du péché ?
R. : L'arrêt est ici contenu dans les paroles
du Seigneur à Pilate : "Celui qui m'a livré
à toi est plus coupable que toi" (Jn 19,11).
Il est clair par-là que Pilate, en supportant
ceux qui avaient livré le Seigneur, est coupable
aussi, bien que dans une moindre mesure. C'est ce que
démontre Adam, écoutant Eve, et Eve écoutant
le démon : ni l'un ni l'autre ne furent reconnus
innocents et absous. La colère de Dieu à
leur égard le prouve précisément,
car Adam ayant dit pour se défendre : "La
femme que vous m'avez donnée m'a apporté
et j'ai mangé" (Gn 3,12), le Seigneur répondit
: "Parce que tu as écouté la voix
de ta femme et que tu as mangé du fruit du seul
arbre dont je t'avais défendu de manger, la terre
sera maudite dans tes uvres... et la suite"
(Gn.3,17). (Retour)
Qu.
47 : Faut-il garder le silence vis-à-vis des
pécheurs ?
R. : Non, c'est ce qui ressort clairement des préceptes
du Seigneur qui a dit dans l'Ancien Testament : "Tu
corrigeras ton frère et tu ne pécheras
pas à cause de lui" (Lv 19,17) ; et dans
l'Evangile : "Si ton frère pèche
contre toi, va, reprends-le entre lui et toi et, s'il
t'écoute, tu auras sauvé ton frère
; s'il ne t'écoute pas, prends avec toi un ou
deux autres, afin que ta parole ait plus de valeur confirmée
par deux ou trois témoins. S'il ne t'écoute
pas, dis-le à l'assemblée et s'il n'écoute
pas non plus l'assemblée, qu'il soit pour toi
comme un païen et un publicain" (Mt 18,15-17).
La condamnation portée contre ce silence coupable
est terrible ; qu'on en juge par cette sentence générale
énoncée par le Seigneur : "Celui
qui n'obéit pas au Fils ne verra pas la vie,
la colère du Seigneur pèse sur lui"
(Jn 3,36), ou encore par les faits rapportés
dans l'Ancien et le Nouveau Testament. En effet, lorsque
Achar déroba le lingot d'or et le manteau, la
colère de Dieu s'appesantit sur le peuple tout
entier, bien qu'il ignorât et la faute et son
auteur, persistant jusqu'à ce qu'on eut découvert
celui-ci et qu'on lui eut fait subir avec tous ses biens
cette épouvantable destruction (Jos 7,21-26).
Héli, lui, n'avait pas gardé le silence
devant ses enfants, véritables fils de pestilence
; il les avait même souvent repris et leur avait
dit : "Non, mes enfants, ce que j'entends dire
de vous n'est pas bien" (1 S 2,24) ; il leur avait
souvent montré qu'ils avaient tort de commettre
le mal et n'échapperaient pas au châtiment
; cependant, parce qu'il ne les corrigea pas complètement
et ne montra pas à leur égard toute l'énergie
nécessaire, il excita tellement la colère
de Dieu, que tout le peuple périt avec ses fils,
que l'arche fut prise, et que lui-même finit en
outre misérablement. Si une telle colère
s'allume contre ceux qui ignorent la faute et contre
ceux mêmes qui l'ont réprouvée et
ont protesté contre elle, que dire de ceux qui
la connaissent et se taisent. Si leur conduite ne rappelle
pas ce que l'Apôtre disait aux Corinthiens : "Pourquoi
n'avez-vous pas été plus attristés,
de façon à exclure d'entre vous celui
qui a commis cette faute ?" (1 Co 5,2) et ce que
lui-même atteste d'eux ensuite : "Voilà
combien le fait d'avoir été attristés
selon Dieu a suscité en vous de zèle,
d'ardeur à vous justifier, d'indignation, de
crainte, de désir, d'émulation, d'énergie
à venger le crime. Vous avez montré par
toute votre conduite que vous étiez purs en cette
affaire" (2 Co 7,11), ils risquent tous de subir
avec le coupable la même mort ou une mort plus
terrible encore, d'autant qu'on est plus coupable de
mépriser le Seigneur que d'enfreindre la loi
de Moïse (hg 10,29), et que l'on a osé commettre
à nouveau une faute déjà commise
et déjà condamnée, car : "S'il
a été tiré sept fois vengeance
de Caïn, il a été tiré soixante-dix
fois sept fois vengeance de Lamech" (Gn 4,24) pour
le même crime. (Retour)
Qu.
48 : Par quels traits définir la cupidité
?
R. : C'est lorsqu'on transgresse la limite normale,
c'est-à-dire, selon l'Ancien Testament, lorsqu'on
pense plus à soi qu'au prochain, puisqu'il est
écrit : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même"
(Lv 19,18) ; et, selon l'Evangile, lorsque l'on s'empresse
de se pourvoir pour au-delà du jour présent,
tel celui qui s'est entendu dire : "Fou, cette
nuit même ton âme te sera redemandée,
et ce que tu as préparé, à quoi
servira-t-il ?" (Lc 12,20), et on ajoute d'une
manière très générale :
"Il en est ainsi de qui amasse pour lui et n'est
pas riche selon Dieu" (Lc 12,21). (Retour)
Qu.
49 : Qu'est-ce qu'être frivole ?
R. : Tout ce que l'on prend sur soi, non par nécessité,
mais pour l'ornement, porte la marque de la frivolité.
(Retour)
Qu.
50 : Quelqu'un rejette bien ce qu'il y a de trop précieux
pour se vêtir mais il exige, même en s'habillant
modestement, qu'un manteau ou des chaussures soient
à son goût. Pèche-t-il ou cède-t-il
à un vice ?
R. : Celui qui veut se vêtir à son goût
pour plaire aux hommes est évidemment atteint
du mal du désir de plaire, il s'éloigne
de Dieu et cède au vice de la frivolité
même dans la pauvreté. (Retour)
Qu.
51 : Qu'est-ce que Racca ?
R. : C'est dans la langue du pays, une injure très
modérée qu'on lance aux familiers les
plus intimes. (Mt 5,22)(Retour)
Qu.
52 : L'Apôtre ayant dit : "Ne cherchons pas
la vaine gloire" (Ga 5,26) et, ailleurs, "
Ne soyons pas serviteurs à l'il comme si
nous voulions plaire aux hommes" (Ep 6,6), qu'est-ce
que la vanité et le respect humain ?
R. : Je pense que le vaniteux est celui qui, dans ses
actes et dans ses paroles recherche de la part de ceux
qui le regardent ou l'écoutent, la simple gloire
mondaine ; et au sujet du respect humain celui qui,
cédant à l'influence d'autrui, commet
pour lui plaire une action même indigne. (Retour)
Qu.
53 : Qu'est-ce que la souillure corporelle et la souillure
spirituelle ? Comment nous en garder purs ? Qu'est-ce
que la sanctification ? Comment l'obtenir ?
R. : La souillure corporelle se contracte en se mêlant
à ceux qui font le mal ; la souillure spirituelle
en restant indifférent devant ceux qui le méditent
ou l'accomplissent. On l'évite en se résignant
à ce que dit l'Apôtre : " Ne mangez
même pas avec un tel" (1 Co 5,11) et d'autres
choses semblables ; en souffrant ce que dit David :
"J'ai été pris d'horreur à
cause des pécheurs qui abandonnent votre loi"
(Ps 118,53), et encore en éprouvant le chagrin
des Corinthiens lorsqu'ils furent repris pour avoir
supporté le pécheur sans discernement
et se montrèrent cependant purs en cette affaires
(2 Co 7,11). La sanctification est l'appartenance intégrale
et indéfectible au Dieu saint à travers
le zèle et le souci de lui plaire, car ce qui
est mutilé ne peut être mis parmi les saints
dons et ce qui a été offert une fois à
Dieu ne peut plus servir communément aux hommes,
ce serait impie et intolérable. (Retour)
Qu.
54 : Qu'est-ce que l'égoïsme et comment
l'égoïste se reconnaît-il lui-même
?
R. : Beaucoup de vérités sont énoncées
sous forme peu commune, telle celle-ci : "Celui
qui aime son âme la perdra et celui qui hait son
âme en ce monde la garde pour la vie éternelle"
(Jn 12,25). L'égoïste est donc apparemment,
celui qui s'aime. Il se reconnaît lui-même
lorsqu'il agit par intérêt fut-ce en accomplissant
un commandement ; car pour ce qui est de mettre sa tranquillité
au-dessus de l'intérêt matériel
et spirituel d'un frère, même les autres
peuvent y reconnaître le mal de l'égoïsme
qui aboutit à la perdition. (Retour)
Qu.
55 : Quelle différence y a-t-il entre l'aigreur,
la fureur, la colère et l'exaspération
?
R. : La fureur et la colère diffèrent
peut-être comme la disposition et l'impulsion,
celui qui est en colère se trouvant seulement
dans un état, comme le montre le psalmiste par
ces mots : "Éprouvez la colère, mais
ne péchez point" (Ps 4,5), tandis que "la
fureur, est-il dit, ressemble au serpent" (Ps 57,5)
et encore : "Hérode combattait avec fureur
les Syriens et les Sidoniens" (Ac 12,20). Le mouvement
extrême de la fureur s'appelle exaspération
; pour l'aigreur, elle se présente comme une
très funeste installation du mal. (Retour)
Qu.
56 : Le Seigneur a déclaré : "Celui
qui s'élève sera humilié"
(Lc 18,44), et l'Apôtre a prescrit de "se
garder de l'orgueil" (Rm 11,20), il parle ailleurs
de ceux qui sont prétentieux, arrogants, aveuglés
par l'orgueil (2 Tim 3,2), et dit encore : "La
charité ne se gonfle pas" (1 Co 13,4). Qu'est-ce
donc qu'être orgueilleux, prétentieux,
arrogant, aveuglé, gonflé ?
R. : L'orgueilleux est celui qui s'élève,
se glorifie de ses bonnes uvres, s'exalte lui-même
comme ce pharisien (Lc 18,11) et ne s'abaisse pas jusqu'aux
humbles. C'est également, selon le reproche fait
aux Corinthiens, la définition de celui qui se
gonfle (1 Co 5,2). Le prétentieux ne se conforme
pas à ce qui est établi et ne consent
ni à penser ni à agir selon la règle
qui lui est imposée (Ph 3,16) ; il s'oriente
à son gré sur des voies de justice et
de sainteté qu'il invente. L'arrogant fait étalage
de ce qu'il a et s'efforce de paraître plus qu'il
n'est en réalité, et celui qui est aveuglé
par l'orgueil lui ressemble ou peu s'en faut, car l'Apôtre
a dit : "Il est aveuglé, ne connaît
rien" (1 Tim 6,4). (Retour)
Qu.
57 : Si quelqu'un montre un défaut incorrigible
et s'offense des reproches fréquents qu'on lui
fait, vaut-il mieux pour lui le congédier ?
R. : La réponse a déjà été
donnée : il faut s'appliquer avec patience à
convertir le pécheur comme le Seigneur nous l'a
montré. Toutefois si les reproches ou les blâmes
de ses confrères ne suffisent pas, ainsi qu'il
en advint pour ce Corinthien que l'on sait, il faut
le regarder comme un païen, car il n'est sûr
pour personne de retenir celui que le Seigneur a condamné.
Aussi bien le Seigneur a dit qu'il vaut mieux entrer
dans le Royaume des Cieux privé d'une main, d'un
pied ou d'une jambe, plutôt que d'épargner
un de ses membres et d'être ensuite précipité
tout entier dans la géhenne, où sont les
pleurs et les grincements de dents (Mt 5,29-30), et
l'Apôtre assure qu'un peu de levain fait fermenter
toute la pâte (Ga. 5,9). (Retour)
Qu.
58 : Celui qui ment expressément sera-t-il seul
jugé, ou bien celui qui profère par
erreur une affirmation complètement fausse le
sera-t-il également ?
R. : La parole du Seigneur s'applique manifestement
aussi à quiconque pèche par inadvertance,
car il dit : "Celui qui mérite un châtiment
sans le savoir sera puni légèrement"
(Lc 12,48). Du reste un repentir convenable donne le
ferme espoir du pardon. (Retour)
Qu.
59 : Quelqu'un pense seulement à faire quelque
chose, mais n'agit point : sera-t-il, lui aussi, jugé
comme menteur ?
R. : Si l'action qu'il a eu l'intention de faire été
commandée, il sera jugé non seulement
pour s'être démenti, mais aussi pour avoir
désobéi, car Dieu sonde les reins et les
curs. (Ps 7,10). (Retour)
Qu.
60 : Si, présomptueusement, quelqu'un décide
de faire une chose qui déplaît à
Dieu, ne doit-il pas se désister de son mauvais
dessein, plutôt que de continuer dans la faute
par crainte de se démentir ?
R. : L'Apôtre a dit : "Nous ne pouvons concevoir
quelque chose de nous-mêmes et comme par nous-mêmes"
(2 Co 3,5) ; le Seigneur lui-même avoue : "Je
ne puis rien faire de moi-même" (Jn 5,19),
et "Ce que je vous dis, je ne vous le dis pas de
moi-même" (Jn 14,10) et encore : "Je
ne suis pas venu pour faire ma volonté, mais
la volonté de mon Père qui m'a envoyé"
(Jn 6,38). Ce présomptueux doit donc venir à
résipiscence, tout d'abord parce qu'il ose décider
quoi que ce soit de lui-même alors qu'il ne faut
même pas faire le bien par volonté propre,
ensuite et à plus forte raison parce qu'il n'a
pas craint de prendre l'initiative d'une chose qui déplaît
à Dieu. La conduite de Pierre montre clairement
qu'il faut revenir sur une décision présomptueuse
qui déplaît à Dieu. Il avait, en
effet, cru pouvoir dire : "Vous ne me laverez jamais
les pieds", mais lorsqu'il entendit le Seigneur
affirmer : "Si je ne te lave pas tu ne seras pas
avec moi", il se rétracta immédiatement
et dit : "Seigneur, non seulement les pieds, mais
encore les mains et la tête" (Jn 13,8-9).
(Retour)