ELOGE
DE LA SOLITUDE
Par St Eucher de Lyon
LETTRE A HILAIRE
prêtre de Lérins
Au saint seigneur Hilaire, à la fois bienheureux par
le mérite et très glorieux dans le Christ.
Eucher
Le beau geste d'Hilaire
Après avoir dit adieu, naguère, avec un grand courage,
à votre maison et à vos proches, vous aviez pénétré
déjà dans les retraites profondes de la mer immense.
Mais vous avez eu plus de vertu encore pour regagner
la solitude que pour y venir la première fois ! En y
sollicitant une place comme étranger d'abord, vous aviez
un maître et comme un guide de votre route. Vous retrouviez,
en le suivant, un père pour remplacer les parents que
vous aviez quittés. Mais maintenant qu'il a été appelé
à la dignité pontificale, vous avez cru que vous deviez
l'accompagner, et ensuite votre amour du désert vous
a ramené à la solitude amie. Vous nous donnez donc un
exemple plus noble et plus grand. En venant au désert,
vous paraissiez vous rendre auprès d'un frère. En y
revenant, c'est ce frère même que vous abandonnez et
quel frère ! Et de quelle dignité ! Et entouré par vous
de quelle dilection ! Et attaché à vous-même par quelle
tendresse singulière ! A l'amour d'un tel homme, vous
ne pouviez rien préférer, si ce n'est peut-être l'amour
du désert. Et certes, par cette préférence, vous n'avez
pas attesté que vous l'aimiez peu, mais que vous aimiez
le désert un peu plus. Vous avez donné la preuve de
la grandeur de votre amour de la solitude en triomphant
pour elle d'un très grand amour. Mais qu'est-ce donc
en vous, que cet amour de la solitude, si on ne l'appelle
l'amour de Dieu ?
Vous avez donc observé l'ordre de la charité prescrit
par la Loi , en aimant Dieu avant tout et votre prochain
ensuite. Quant à lui, comme je le conçois en ma pensée,
plus attentif à la seule considération de votre progrès
spirituel, je pense qu'il ne fut opposé ni à votre dessein
ni à votre départ. Et malgré ce qu'il y avait d'inusité
en tout cela pour les personnes qui lui sont attachées,
il ne voulut pas moins, j'imagine, vous renvoyer que
vous ne vouliez partir. Il vous aime en effet et vous
l'aimez à votre tour, mais en son amour il cherche votre
bien, et si démonstrative et haute que soit sa charité
à votre égard, sa cime s'étend jusqu'à votre profit.
Vous aviez déjà distribué aux pauvres toute votre fortune,
pour n'être riche que dans le Christ.
Vous possédez la vertu d'un vieillard avec la jeunesse
des années. On admire en vous l'esprit, l'éloquence.
Mais plus que tout cela, ce que je place et ce que j'aime
en vous en première ligne, c'est ce beau désir de la
solitude. Aussi, comme vous me demandez souvent de répondre
plus abondamment à vos lettres si étendues et si éloquentes,
il faudra bien que vous, qui êtes si sage, supportiez
un instant ma sottise, pendant que j'essaierai de rappeler
la vérité des grâces accordées par le Seigneur à cette
solitude même que vous aimez tant .
Le désert, temple de Dieu
J'appellerais volontiers le désert le temple sans limite
de notre Dieu, car Celui que nous savons, avec certitude,
habiter dans le silence, nous devons croire qu'Il se
réjouit de la solitude. C'est là qu'Il S'est montré,
le plus souvent, à ses saints et, le lieu s'y prêtant,
Il n'a pas dédaigné d'y rencontrer l'homme. C'est au
désert que Moïse, son visage étant illuminé de gloire,
voit Dieu; au désert qu'Elie tremblant voile sa face
pour ne pas voir Dieu, et bien qu'Il parcoure tous les
lieux comme son domaine et qu'Il ne soit absent nulle
part, il est permis toutefois de penser qu'Il daigne
visiter plus spécialement la solitude du désert et du
ciel. Comme on demandait à quelqu'un, dit-on, en quel
lieu il estimait que Dieu se trouvât, ce dernier répondit
à son interlocuteur de le suivre hardiment où il le
conduirait. Il vint alors, accompagné de l'autre, dans
les solitudes d'un immense désert, et lui montrant ces
vastes étendues, il lui dit : "Voici où est Dieu,
car on peut bien dire qu'Il est plus particulièrement
aux lieux où on Le trouve plus aisément."
A l'origine des choses, quand Dieu faisait tout avec
sagesse et distribuait les aptitudes utiles aux usages
futurs, Il ne laissa sûrement pas cette partie de la
terre dans l'inutilité et le déshonneur, mais en créant
tout avec magnificence dans le présent, mais tout autant
avec prévoyance pour l'avenir, Il prépara le désert
pour les saints. Je crois qu'Il voulut ici l'abondance
des fruits et là, en l'absence d'une nature plus indulgente,
la fécondité de la sainteté, en sorte que les déserts
en fussent engraissés, et alors qu'Il "arrosait
du haut des cieux les montagnes" (cf. Ps 103),
Il décréta que les vallées abonderaient en récoltes
et que les désavantages des lieux seraient compensés
en ce que l'habitant enrichirait l'habitation restée
stérile.
Le paradis et le désert
Ce possesseur du paradis, qui fut aussi le transgresser
du précepte divin, alors qu'il habitait un lieu plein
de charmes, se montra incapable d'observer la loi que
Dieu lui avait fixée (Il s'agit d'Adam). Plus son séjour
était agréable, plus il fut enclin à la chute. C'est
pourquoi non seulement la mort le soumit à son empire,
mais elle étendit jusqu'à nous son aiguillon. En sens
inverse, qu'il aille au désert celui qui aime la vie,
puisque l'habitant du paradis a rencontré la mort. Mais
venons-en aux exemples ultérieurs qui prouvent la Faveur
constante de Dieu pour le désert.
Exemples de la Faveur de Dieu pour le désert
Moïse conduit son troupeau au désert. C'est alors qu'il
voit de loin Dieu en un buisson embrasé par un feu qui
ne consume pas. Non seulement il le voit, mais il l'entend.
Le Seigneur lui commande d'ôter ses sandales, il déclare
sacré le sol du désert : "Le lieu où tu es, lui
dit-Il, est une terre sainte !" (Ex 3,1-6). Il
révèle donc clairement la Gloire cachée de ce lieu.
La sainteté de ce sol est confirmée par la sainteté
du Témoignage divin. Et, à mon sens, il suggère secrètement
et pareillement par ses paroles qu'en entrant au désert,
il faut se délier des anciennes attaches et des soucis
de la vie, pour avancer, affranchi des chaînes antérieures,
en évitant de souiller ce lieu.
C'est là que, pour la première fois, Moïse devient l'interprète
des Conversations familières de Dieu, il entend ses
Paroles et il Lui répond, il s'informe de ce qu'il devra
dire et faire et il en est instruit, il s'entretient,
par un échange mutuel et comme usuel de discours, avec
le Seigneur du ciel !
C'est là qu'il reprend sa verge, désormais douée du
pouvoir des miracles. Il était entré au désert en pasteur
de brebis, il en sort pasteur de peuples !
Mais voici que le peuple de Dieu doit être libéré d'Egypte
et arraché aux oeuvres terrestres, que va-t-il arriver
? Ce peuple n'ira-t-il pas chercher Dieu dans les déserts
et la solitude, afin de se rapprocher de Celui qui le
délivrait de la servitude ? Il se portait donc au désert,
rendu terrible au loin par son immensité, sous la conduite
de Moïse : "Qu'elle est grande la multitude de
ta douceur, ô Seigneur !" (Ps 30,20) Moïse était
entré au désert et il y avait vu Dieu. Il y revient
pour Le voir encore. C'était Dieu en effet qui choisissait
la route de son peuple, et Il le conduisait au désert,
en offrant aux voyageurs une colonne pour le jour et
la nuit, tantôt rouge comme une flamme, tantôt blanche
comme un nuage ! Il donnait ainsi à ses serviteurs un
signe, cette sorte de masse lactée qu'Il illuminait
de feux alternés. Israël, à cette lumière, suivait les
rayons rutilants de loin, en sorte que le Seigneur,
conduisant son peuple dans la solitude désertique, lui
montrait très justement la route en Lui fournissant
sa clarté ! Et ne voilà-t-Il pas que, sur le chemin
des déserts, les gouffres redoutables de la mer infranchissable
s'ouvrent devant ce peuple ?
Entre les flots redressés, les bataillons poussiéreux
trouvent une route, sur les rivages rougissants, et
contemplant les montagnes menaçantes des eaux suspendues,
du fond de la vallée, le gardien du peuple traverse
les étendues de la mer ! Et là ne s'arrête pas la puissance
de l'oeuvre divine. Les eaux refluent en effet. Elles
recouvrent le chemin qu'elles avaient ouvert et détruisent
l'ennemi. La mer reprend toute sa place, afin de s'opposer,
me semble-t-il, à tout retour d'Israël hors du désert.
Dieu avait tracé la route parmi les flots, puis Il l'avait
cachée dans la confusion des ondes, afin d'ouvrir un
chemin dans la direction du désert et de le fermer en
sens opposé. Tel fut le miracle de grâce accordé à ce
peuple, en sa marche au désert. Mais il en obtint bien
davantage, quand il y fut entré. Là, en effet, le Seigneur
le restaura par un prodige inespéré, en fournissant
à sa soif des eaux abondantes sorties d'un rocher et
en tirant de masses pierreuses arides les ruisseaux
d'une source, comme s'Il imposait, d'une main cachée,
une nouvelle nature à des canaux cachés. Et il ne Lui
suffit pas d'inonder la roche desséchée d'un fleuve
nouveau, mais Il confère une douceur surnaturelle aux
amertumes des eaux désagréables (cf. Ex 17,6). Il avait
fait couler les unes, Il transforme les autres, Il ne
fait pas un plus grand miracle en arrachant des eaux
de la roche qu'en changeant les eaux en d'autres eaux
! Le peuple entier s'étonne de ressentir le Secours
céleste aussi bien dans ces eaux qui existaient déjà
qu'en celles qui n'existaient pas encore !
Là encore, ce peuple recueille sur le sol blanchissant
un aliment venu du ciel (cf. Ex 16,14), et le Seigneur
fait tomber des nuages, un pain qui ressemble à une
pluie sèche ! Sur les tentes et dans les espaces qui
les séparent dans le camp, la manne s'étend comme une
neige et "l'homme peut manger le pain des anges"
(cf. Ps 77,14). Mais comme "à chaque jour suffit
sa peine" (cf. Mt 6,34), l'Indulgence divine ne
fournit que la nourriture quotidienne et impose la loi
de ne point penser au lendemain. C'est ainsi que jadis,
quand les habitants du désert ne pouvaient trouver leur
nourriture, le ciel la leur apportait !
Mais n'est-ce pas aussi au désert que les Hébreux reçurent
la Loi et les Préceptes divins, quand ils eurent le
bonheur de voir de près les signes inscrits par le Doigt
de Dieu sur les Tables saintes ? Sortant de leur camp,
ils vinrent au-devant du Seigneur, au pied de la montagne.
Frappés de terreur, ils contemplèrent ce sommet du Sinaï
qu'entourait de son effroi une majesté visible. Ils
virent la montagne fumante d'une flamme formant barrière,
puis recouverte en entier par la nuée la plus épaisse.
Ils s'épouvantèrent des fulgurations éclatantes de la
foudre et des roulements répétés du tonnerre mêlés aux
bruits éclatants des trompettes. C'est alors que les
fils d'Israël, habitant au désert, eurent l'honneur
de voir le Trône de Dieu, d'entendre sa Voix. Ce fut
par de tels miracles ou d'autres du même genre que cette
nation fut maintenue, alors qu'elle se trouvait au désert
: aliments inusités, breuvages inattendus, vêtements
inusables, alors que, autour d'eux, tout demeurait dans
son état habituel. Tout ce que la nature des lieux n'accordait
pas à leurs besoins, la Magnificence éclatante de Dieu
le leur fournissait. Il n'a rien exagéré celui de leurs
saints qui a célébré tant de faveurs célestes en s'écriant
: "Ce n'est pas à toute nation que le Seigneur
en a fait autant." (Ps 148,20).
Faveurs spéciales, dons inouïs, c'est par ces Grâces
divines que ce peuple a été restauré au désert. En vérité
tout cela nous est rapporté en figure de ce qui nous
arrive. Les apparences de tous ces faits sont pleines
de mystères cachés. Tous nous avons été en Moïse baptisés
dans la nuée et la mer, tous nous avons mangé de la
nourriture spirituelle et bu de la boisson spirituelle.
Mais cela n'empêche pas que ces récits, en nous offrant
la foi de l'avenir, conservent la vérité du réel. Toutefois,
la gloire du désert ne serait pas amoindrie même si
tous ces faits devaient être élevés au rang des signes
sacrés. Ce ne serait pas une moindre grâce si le prodige
des vêtements corporels soustraits à l'usure n'avait
d'autre sens que d'annoncer la vie future; ce serait,
en effet, une haute dignité du lieu, si la félicité
du siècle à venir s'y trouvait préformée dans celle
des habitants du désert .
Et pourquoi les fils d'Israël ne sont-ils parvenus à
la Terre promise qu'en passant par le séjour au désert
? Pourquoi, avant de posséder cette terre où coulaient
le lait et le miel, ont-ils dû occuper ces étendues
arides et incultes ? C'est une loi générale que le chemin
vers la véritable patrie s'ouvre dans les demeures désertiques.
Il faut qu'il habite une terre inhabitable, celui qui
"veut voir les Biens du Seigneur dans la région
des vivants" (Ps 26,13), il faut qu'il soit l'hôte
de la première pour devenir le citoyen de la seconde
(cf. Eph 2,19).
Autres exemples, dans l'Ancien Testament
Mais laissons ces exemples : David, lui-même, ne put
échapper aux embûches d'un roi hostile que par la fuite
au désert (cf. I R 23). Devenu l'habitant des étendues
arides de l'Idumée, il avait soif de Dieu, de tout cœur
; il se montrait à Dieu comme "assoiffé au désert
sans eau et sans route" (Ps 67,3 ) et méritait
ainsi de contempler, comme un saint, et la Vertu et
la Gloire de Dieu.
Elie, à son tour, le plus grand des hommes du désert,
ferma le ciel à la pluie, l'ouvrit aux flammes dévorantes,
reçut sa nourriture par le ministère d'un oiseau, triompha
des lois immuables de la mort, traversa le Jourdain
entrouvert pour lui, monta emporté au ciel par un char
de feu. (cf. 3 R 17-18 et 4 R 2).
Et que dire ensuite d'Elisée, disciple de cette vie
et héritier de cette puissance ? N'est-ce pas lui qui
a brillé par l'éclat du miracle, quand il a fendu le
torrent, fait nager le fer, ressuscité un mort, multiplié
les vases d'huile, et qui, enfin, a bien montré qu'il
possédait deux fois la puissance de son maître, puisque
celui-ci avait, de son vivant, ressuscité un défunt,
tandis qu'Elisée, déjà mort, a fait de même (cf. 4 R
2,6-4,3).
Et voici encore les fils des prophètes : ils délaissaient
les villes, gagnaient le Jourdain jailli d'une double
source, élevaient leurs tentes dans les lieux secrets,
groupées au bord du torrent (cf. 4 R 1-7).
Toute la cohorte sainte veillait sur les rives du fleuve
désert, elle était éparse sous des tentes et des habitations
adaptées, et d'une vertu choisie, conservait l'esprit
paternel.
Exemples tirés du Nouveau Testament
Mais voici celui dont nul des fils de la femme n'a surpassé
la grandeur. N'est-ce pas dans le désert et clamant
dans le désert qu'il a vécu ?
C'est au désert qu'on nous le montre donnant le baptême,
au désert qu'il prêche la pénitence, au désert qu'il
fait la première mention du royaume des cieux. Il a,
le premier, annoncé à ses auditeurs ces choses, au lieu
même où il serait le plus facile pour chacun de les
obtenir. Et il serait bien juste que cet habitant intrépide
du désert fût envoyé comme un ange devant la Face du
Seigneur, ouvrît la porte du royaume céleste, et en
qualité de précurseur et de témoin, fût digne d'entendre
la Voix du Père parlant du ciel, de toucher le Fils
en Le baptisant, et de voir descendre le saint Esprit.
Et enfin le Seigneur Lui-même, notre Sauveur, à peine
baptisé, comme le dit l'Ecriture (cf. Mt 4,1), est conduit
au désert par l'Esprit ! Et quel est donc cet Esprit
? Aucun doute que ce ne soit le saint Esprit. Mais justement,
que le saint Esprit L'entraîne au désert, par là même
Il le dicte, Il l'inspire en secret, et le désert devient
une digne suggestion de l'Esprit saint. A peine baigné
dans le fleuve mystique, Jésus ne croit rien avoir de
plus pressé que de se rendre au désert. Et cependant,
Lui, Il avait sanctifié les eaux sanctifiantes elles-mêmes
et Il n'avait eu à purifier aucun péché de l'homme,
car Il n'avait pas commis le péché et ne craignait pas
le péché. Et malgré cela, Il brûlait du désir du désert,
et, voulant être en tout un exemple salutaire, Il désirait
pour nous ce qui n'était pas digne de Lui ! Or, si le
désert était agréable à Dieu en Celui qui était affranchi
de nos erreurs, combien est-il plus nécessaire à l'homme
soumis à tant d'égarements ! Si l'innocence le recherchait,
combien plus le pécheur doit-il le désirer !
Et c'est là aussi, loin du vacarme des foules, que le
Seigneur reçoit les ministères de la Puissance divine,
c'est au désert, comme s'il était déjà remonté au ciel,
que les anges lui apportent leur office ! (cf. Mt 4,11).
C'est là qu'Il a repoussé les tentations insidieuses
de l'ennemi antique. Là que le nouvel Adam a repoussé
celui qui avait triomphé du premier Adam. Ô gloire magnifique
du désert : le démon, vainqueur au paradis, est vaincu
au désert !
C'est encore au désert que notre Sauveur, à l'aide de
cinq pains et de deux poissons seulement, nourrit, rassasia,
assouvit cinq mille hommes ! (cf. Mt 14).
C'est toujours au désert que Jésus nourrit les siens.
Jadis la manne fut le signe de la Bonté divine. Mais
cette fois, on remporte des fragments. Ce fut un même
miracle de faire tomber la nourriture sur des affamés
et de la multiplier pour des convives. Grâce à ses Dons,
les aliments l'emportèrent sur les besoins du banquet.
Au désert, dis-je, au désert il faut que nous accordions
le mérite de tant de miracles : la vertu aurait-elle
dévoilé sa puissance, si le lieu avait eu l'abondance
?
Et voici que Jésus, notre Seigneur, monte jusqu'aux
sommets les plus reculés d'une montagne. Il n'emmène
que trois témoins choisis avec lui. Et son visage se
met à briller d'un éclat inaccoutumé ! Et c'est alors
que le plus grand des apôtres, contemplant son Humanité
publiquement transfigurée, crut pouvoir proclamer au
désert sa Majesté, en s'écriant : "Il nous est
bon d'être ici !" (Mc 9) Voulant signifier qu'il
aimait la splendeur du prodige dans le mystère du désert
!
Le même Jésus, notre Seigneur, comme il est écrit (Lc
5,16), se retirait en un lieu désert pour y prier.
On doit donc désormais appeler le lieu de la prière
celui qu'un Dieu, en priant Dieu, a déclaré et proclame
destiné à cela et duquel, la prière se faisant humble
pénètre mieux les cieux, à l'aide du cadre local, parce
qu'il avait les honneurs du mystère. En y priant Lui-même,
Jésus, en oraison, a montré où Il voulait que nous priions
quand nous nous adressons à Lui.
Exemples tirés de l'histoire récente de l'Eglise
Que dire maintenant de Jean et de Macaire et de beaucoup
d'autres , dont la vie, écoulée dans les déserts, se
déroulait dans les cieux, ceux-là ont approché le Seigneur
autant qu'il était permis à l'homme. Ils ont été admis
à l'accomplissement des œuvres divines autant qu'il
était possible à des êtres de chair ! Leur esprit fixé
vers les sommets pénétra dans les secrets célestes,
et, avec l'aide de la grâce, ils furent élevés soit
par des révélations cachées, soit par d'éclatants miracles,
si haut qu'avec l'aide de la solitude ils parvinrent
à ne plus toucher la terre que par le corps, alors que
par l'esprit, ils possédaient déjà le ciel.
Eloge du désert
Concluons donc que cette demeure du désert est, pour
ainsi dire, le siège de la foi, l'arche de la vertu,
le sanctuaire de la charité, le trésor de la piété,
le tabernacle de la justice. Car de même que dans une
grande maison, tous les objets précieux sont enfermés
en des cachettes bien closes, ainsi cette richesse des
saints cachés au désert, bien enfermée derrière ses
barrières propres, est mise en dépôt, pour ainsi dire,
dans l'arsenal fermé de la solitude, de crainte que
le contact des fréquentations humaines ne la détériore.
Et c'est bien à propos que le Seigneur a non seulement
caché tous ces trésors en cette partie de la demeure
humaine, mais sut également, quand il le fallait, les
retirer de cette cachette !
Jadis, la divine Providence témoigna, à l'égard du désert,
d'une souveraine et supérieure sollicitude. Mais de
nos jours encore, elle n'est pas petite. Lorsqu'en effet
les habitants de la solitude reçoivent de Dieu, avec
une abondance inespérée, leur nourriture, n'est-ce pas
comme si elle tombait du ciel ? A eux aussi la Munificence
divine accorde la manne et le Seigneur ne déploie pas
moins la force de son Bras pour leur fournir, par des
voies cachées, leurs aliments ! Et lorsque les rochers
transpercés, par la Grâce de Dieu, font couler les eaux
du milieu des pierres, n'est-ce pas exactement ce que
Moïse avait fait, en frappant le rocher pour en faire
jaillir les eaux ? De même, pour les vêtements, voici
qu'ils ne connaissent pas l'usure, chez les habitants
du vaste désert, puisque la Providence divine les remplace
gratuitement, quand il le faut, en sorte qu'ils demeurent
intacts, en se succédant ! Le Seigneur a nourri les
siens, autrefois, au désert, et Il le fait encore maintenant
; ceux-là, durant quarante ans, et ceux-ci, aussi longtemps
qu'il y aura des années !
C'est donc avec raison que le saint, enflammé du Feu
divin, quitte sa demeure pour celle du désert; qu'il
le préfère à ses enfants, à ses proches, à ses parents,
à la société de tous les siens. C'est avec raison qu'il
dit adieu à une patrie aimée, pour donner le nom de
patrie temporaire à celle-ci, d'où ne l'arracheront
ni la crainte, ni le regret, ni la joie, ni la peine.
C'est avec raison, pour tout dire, qu'elle remplace
par lui toutes les affections.
Les bienfaits du désert
Qui pourra dignement énumérer les bienfaits de la solitude
et les avantages de la vertu de ses habitants ? Placés
dans le monde, ils ne sont pour ainsi dire plus du monde
! Selon le mot de l'apôtre, "errants dans les déserts,
sur les montagnes, dans les cavernes et les grottes
de la terre", c'est bien justement que le même
apôtre déclare que le monde n'est pas digne d'eux (cf.
Hb 11,38).
Ils sont, en effet, étrangers au tumulte de la république
humaine, séparés, tranquilles, silencieux, moins soustraits
à la volonté qu'à la faculté même de pécher !
Chez les anciens, des hommes illustres de ce monde,
fatigués du poids des affaires, se sont parfois réfugiés
dans la philosophie comme dans leur demeure propre.
Comme il est plus beau encore de se tourner vers les
études de cette sagesse éclatante et plus magnifique
de se plonger dans la liberté des solitudes et les secrets
du désert, pour ne plus s'adonner qu'à cette philosophie,
en s'y exerçant dans les déambulatoires du désert comme
dans leurs gymnases particuliers ! Où donc, je le demande,
la Pâque est-elle mieux observée que dans la demeure
érémitique ? Mais observée surtout par les vertus, et
spécialement par la continence, la continence, dis-je,
qui est comme un désert du cœur. C'est au désert que
Moïse a donné au jeûne quarante jours continus, et après
lui, Elie, reculant l'un et l'autre les limites des
forces humaines. Puis, le Seigneur voulut, à son tour,
consacrer le même temps à l'abstinence, mais au désert
! Et nous ne trouvons pas que l'on ait pu remplir par
le jeûne ces mêmes espaces de temps en d'autres lieux.
On en vient à croire que le Seigneur a conféré à ces
lieux mêmes une telle vigueur !
Où donc, je vous prie, est-il possible d'avoir plus
de loisir pour goûter combien le Seigneur est suave
? Où donc une voie plus commode est-elle ouverte à qui
tend à la perfection ? Où trouver un champ plus vaste
pour les vertus ? Où le recueillement de l'esprit est-il
plus facile pour qu'il puisse regarder autour de lui
? Où le cœur sera-t-il plus dégagé, dans ses intentions,
pour s'efforcer d'adhérer à Dieu, que dans ces lieux
écartés où non seulement il est aisé de trouver Dieu,
mais encore de Le garder.
Quoique, souvent, au désert, on rencontre des étendues
de sable fin, nulle part cependant l'on ne saurait jeter
plus solidement les fondements de notre maison évangélique
! Si l'on y réside dans le sable, ce n'est pas sur le
sable qu'on y construit sa demeure. Nulle part mieux
que là, cet édifice n'est puissamment établi sur le
roc, pour durer, en sa masse indestructible, par une
stabilité immuable, en sorte que ni les vents des tempêtes,
par leurs assauts, ni les flots, par leurs attaques,
ne puissent le renverser ! C'est que les habitants du
désert se bâtissent de tels édifices, mais dans leurs
cœurs ! Ils recherchent les sommets par les bas-fonds,
les hauteurs par l'humilité. Ils dédaignent et oublient
les choses terrestres pour l'espoir et le désir des
célestes ! Ils repoussent, préférant être pauvres, les
richesses, et veulent être pauvres, afin de devenir
riches. Jour et nuit, dans le travail et les veilles,
ils luttent, afin d'embrasser le principe de cette vie
qui ne doit pas avoir de fin. Ainsi, le désert, en son
sein maternel, abrite ces véritables avares d'éternité,
très prodigues de ce qui passe, indifférents au présent,
mais assurés de l'avenir. Et grâce à eux, ceux en qui
les siècles passés trouvent leur fin, parviennent aux
siècles sans fin. En ce lieu, brûlent les saintes lois
de l'homme intérieur et les règles du siècle éternel,
plus subtilement qu'ailleurs. Les sentences qui frappent
les crimes et les forfaits humains perdent ici leur
force. Il n'y est plus question de châtier les fautes
capitales. Si le cœur n'est très pur, les lois indignes
le rendent coupable. Le mouvement intérieur de l'âme
met toute son étude à s'enfermer dans les limites de
la justice. Le cœur, se jugeant lui-même, frappe jusqu'au
principe des plus léger les pensées. Que pour d'autres,
il soit mal d'avoir fait le mal, pour eux il est mal
de n'avoir pas fait le bien ! Mais comment pourrais-je
vénérer, par un hommage juste, toutes les institutions
intimes du désert ? Il y a toutefois ceci que je ne
puis passer sous silence, que la force de vertu qui
se trouve en ses habitants est presque aussi connue
qu'elle est cachée ! A mesure qu'ils se retirent plus
loin du monde et de la société des humains, dans le
désir d'être inconnus, il leur est impossible de dérober
leur mérite ! Plus leur vie se tourne vers le dedans,
plus leur gloire éclate au dehors, par une disposition
spéciale de Dieu, à mon sens, car Il veut que l'habitant
de sa solitude soit caché au siècle mais ne soit pas
caché comme exemple ! Telle est la lumière qui resplendit
à travers l'univers entier, placée sur le candélabre
du désert, et répandant de là sa clarté la plus éclatante
sur les membres enténébrés du monde ! Telle est la cité
qui ne peut être cachée, parce qu'elle est bâtie sur
la montagne du désert et qu'elle est l'image sur terre
de la céleste Jérusalem ! Si donc on est dans les ténèbres,
on doit s'approcher de cette lumière, afin d'y voir
clair; si l'on est en péril, il faut se diriger vers
cette cité, pour être à l'abri !
Hautes faveurs mystiques au désert
O combien douces, pour ceux qui ont soif de Dieu, ces
solitudes écartées ! Qu'elles sont agréables à ceux
qui cherchent le Christ, ces vastes étendues, où tout
se tait ! Alors l'âme joyeuse est excitée par les stimulants
du silence à monter vers son Dieu; alors elle se nourrit
d'ineffables extases . Nul bruit n'intervient, nulle
voix ne se fait entendre, si ce n'est celle qui parle
avec son Dieu ! Et lorsque le son exquis de cette voix
brise le silence de la solitude et tombe sur cette âme,
un frémissement plus doux que le repos même et le saint
tumulte de la plus délicate conversation vient rompre
cet état de quiétude paisible. Alors les choeurs fervents
vont frapper le ciel de leurs hymnes suaves et l'on
parvient jusqu'aux cieux à la fois par les voix et par
les prières !
C'est en vain que frémit, en tournant autour de ce bercail,
l'adversaire, comme un loup autour des brebis enfermées
dans la bergerie ! Le loup est arrêté par les murailles.
De même les ennemis sont repoussés par l'étendue du
désert. "Ce n'est pas en vain que veillent ceux
qui gardent la cité !" (Ps 126,1).
On est gardé là par le Christ combattant avec nous.
Le peuple adoptif de Dieu est tout ensemble exposé dans
l'immensité des espaces du désert et cependant clos
à tous ses ennemis !
Les beaux espaces du désert sont visités par les choeurs
des anges, dans la joie, et ils illuminent par de fréquentes
visites les habitants de la solitude, comme par l'échelle
de Jacob !
C'est là aussi que "l'Epoux repose au milieu du
jour." (Can 1,6). Les habitants du désert, blessés
d'amour, Le contemplent en s'écriant : "Nous avons
trouvé celui que notre cœur aime et nous ne le laisserons
plus s'éloigner !" (Can 3,4)
Et il ne faut pas croire, comme on le fait, qu'il est
stérile et infructueux, le sol du désert, et que les
rochers de la solitude brûlée soient privés de fécondité
! Là les germes se multiplient, et produisent au laboureur
cent pour un. Il n'y arrive pas aisément que la semence
tombe le long du chemin et soit enlevée par les oiseaux,
ni qu'elle s'égare parmi les pierres, où ne trouvant
pas de racines, elle sèche au lever du soleil, ni qu'elle
s'échappe au milieu des épines et soit étouffée par
les ronces quand elles poussent ! Le cultivateur recueillera
ici une moisson abondante. Ces pierres produiront une
récolte apte à engraisser les os eux-mêmes ! On y trouve
le pain vivant qui est descendu du ciel. De ces rochers
jaillissent des fontaines abondantes et des eaux vives
qui suffisent non seulement à rassasier, mais encore
à sauver. C'est là que se trouve le pré et le plaisir
de l'homme intérieur. Ce désert inculte offre des agréments
merveilleux, il est à la fois désert pour le corps et
paradis pour l'âme !
En résumé, nulle terre ne peut se glorifier de sa fertilité,
en comparaison du désert !
Est-il une terre riche en fruits ? En celle-ci, croît
le froment qui "rassasie de sa graisse ceux qui
en mangent" (Ps 148,14). En est-il une autre qui
se réjouit de vignes chargées de raisins ? En celle-ci,
se récolte surtout "le vin qui donne la vraie joie
au cœur de l'homme " (Ps 103,15). Cette troisième
l'emporte-t-elle par l'élevage des troupeaux ? C'est
en celle-ci que paissent les plus saintes des brebis,
celles dont il est dit : "Paix mes brebis !"
(Jn 21,17). Cette autre se décore-t-elle de fleurs au
printemps ? C'est surtout en celle-ci que brille "la
fleur des champs et le lis des vallées" (Can 2,1).
Enfin, en est-il une dernière qui soit exaltée pour
ses métaux précieux et charmants, ou toute rutilante
de son or ? En celle-ci, les divers éclats des pierres
précieuses font rayonner leurs couleurs sous une vibrante
lumière. Ainsi, sur tous les points, cette terre est
supérieure à toutes les autres et dans tous les biens.
C'est donc à juste titre, ô terre vénérable que tu as
été ou habitée ou désirée par les saints. Tu as été
fertile à leur profit, puisque tu remplaçais pour eux
toutes les richesses. Tu exiges un cultivateur qui cultive
sa terre et non la tienne. Tu es stérile pour les vices,
à tes habitants, et féconde en vertus. Quiconque a recherché
tes demeures y a trouvé Dieu. Quiconque t'a cultivée
a rencontré le Christ. Celui qui t'habite jouit de son
Seigneur habitant en son cœur ! C'est la même chose
de te posséder et d'être possédé par Dieu. Celui qui
ne se refuse pas à tes espaces devient le temple de
Dieu.
A la gloire de Lérins
Je dois, certes, mon respect à tous les lieux du désert
que la retraite des justes a illuminés, mais j'aime
et honore entre tous ma chère Lérins, qui reçoit dans
son sein plein de miséricorde ceux qui lui viennent,
au sortir des naufrages de ce monde orageux. Elle introduit
affectueusement sous ses ombrages tous ceux qu'a dévorés
l'ardente chaleur du siècle, pour qu'ils puissent reprendre
haleine, en cet abri intime. Elle abonde en eaux vives,
en ombrages verdoyants, en fleurs parfumées. Agréable
aux yeux comme aux narines, elle s'offre à ceux qui
l'habitent comme un vrai paradis.
Elle était digne d'être établie dans les célestes disciplines,
sous l'autorité d'Honorat. Elle méritait d'avoir un
père si grand, pour de si grandes institutions, tout
rayonnant de la vigueur et de l'aspect de l'esprit apostolique.
Elle méritait, en le recevant, de briller d'un tel éclat.
Elle est digne de nourrir les moines les plus éminents
et de produire des prêtres que l'on envie. Maintenant,
elle possède son successeur, qui se nomme Maxime, illustre
par cela même qu'il a mérité d'être mis à sa place.
Elle a eu Loup, au nom révéré, qui nous a rappelé ce
loup de la tribu de Judas. Elle a possédé son frère,
Vincent, une pierre précieuse, éclatante par son éclat
intérieur. Elle possède encore le vénérable Caprais
que sa gravité égale aux saints d'autrefois. Elle possède
enfin ces pieux vieillards qui, en leurs cellules séparées,
ont introduit dans nos Gaules les pères d'Egypte.
Quels groupes de saints, ô bon Jésus, quelles assemblées
ai-je vues en ces lieux ! Là, de précieux vases d'albâtre
répandaient les parfums les plus suaves. Partout, soufflait
l'odeur de la vraie vie ! Leur seul aspect extérieur
révélait l'état intérieur des âmes ! Ils étaient étroitement
serrés dans la charité, abaissés dans l'humilité, adoucis
dans la piété, affermis dans l'espérance, modestes dans
leur démarche, prompts à l'obéissance, silencieux en
leur rencontre, sereins dans leurs visages ! A les voir,
on dirait, dès l'abord, une troupe d'anges de la paix
! Ils ne désirent rien, ne regrettent rien, si ce n'est
Celui qu'ils désirent encore en Le regrettant. Au temps
même où ils recherchent la vie bienheureuse, ils en
jouissent, et pendant qu'ils Le poursuivent, ils L'obtiennent
! Ainsi, veulent-ils être séparés des pécheurs ?
Ils le sont. Mener une vie chaste ? Ils la mènent !
Consacrer toute leur vie à louer Dieu ? Ils l'y consacrent
! Se réjouir dans les assemblées des saints ? Ils s'y
réjouissent ! Posséder le Christ ? Ils le possèdent
! Vivre de la vie du désert ? Ils en vivent manifestement
! De la sorte, par une Grâce très riche du Christ, un
grand nombre des biens qu'ils désirent pour l'avenir
leur sont accordés dans le présent. Ils ont déjà la
réalité, alors qu'ils poursuivent l'espérance. Ils trouvent
dans le travail même une magnifique récompense du travail
parce qu'ils découvrent, en s'y livrant, presque tout
ce qui doit en être le prix. Votre retour en leur société,
très cher Hilaire, vous a apporté à vous, mais à eux
aussi, le plus grand profit, puisqu'ils se réjouissent
allégrement de ce retour même.
Je vous supplie, avec eux, de ne pas oublier de prier
pour mes péchés; avec eux, dis-je, dont je ne sais si
vous leur avez apporté plus de joie qu'ils vous en donnent.
Vous êtes maintenant le véritable Israël, vous contemplez
Dieu en votre cœur, délivré que vous êtes de l'Egypte,
c'est-à-dire des ténèbres du siècle, ayant passé les
eaux salutaires qui ont englouti vos ennemis, suivi
au désert la colonne de feu, et vous expérimentez la
douceur des breuvages amers d'autrefois transformés
par la croix du Christ, cette eau qui jaillit vers la
vie éternelle, vous la recevez du Christ.
Vous nourrissez votre homme intérieur d'un pain venu
d'en haut. Vous entendez la Voix divine, qui vous annonce
votre trône. Parce que vous êtes enfermé au désert avec
Israël, vous entrerez avec Jésus dans la Terre promise
! Adieu, dans le Christ, Jésus, notre Seigneur !
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