La
Transfiguration du Christ est pour les chrétiens
un encouragement avant la Passion, pour croire en la
Résurrection. Le mystère eut lieu entre
les deux annonces que fit Jésus de sa Passion
et il est rapporté par les Saints Matthieu 17:
1-9, Marc 9 : 2-10 et Luc 9 : 28-36, alors que Saint
Jean préfère se taire.
" Jésus, prenant avec lui Pierre, Jean et
Jacques, gravit la montagne pour prier. Et il advint,
comme il priait, que son visage devint autre, et son
vêtement d'une blancheur fulgurante. Et voici
que deux hommes s'entretenaient avec lui : c'étaient
Moïse et Elie, qui, apparus en gloire, parlaient
de son départ, qu'il allait accomplir à
Jérusalem. " [... ] " Et il arriva,
comme [Elie et Moïse] se séparaient de [Jésus],
que Pierre dit à Jésus : " Maître,
il est bon que nous soyons ici ; et faisons trois tentes,
une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie
", ne sachant ce qu'il disait. Comme il disait
cela, arriva une nuée lumineuse et elle les mettait
sous son ombre, et ils furent effrayés quand
ils entrèrent dans la nuée. Et une voix
arriva de la nuée disant: " Celui-ci est
mon Fils élu, écoutez-le. " (Or Saint
Matthieu, Marc et Luc sont unanimes à ajouter
ces mots de Dieu le Père : " Ecoutez-le
". Saint Pierre les omet quand il témoigne
des armées plus tard : " Il reçut,
de Dieu le Père, honneur et gloire, quand par
la Gloire majestueuse, une telle voix lui parvint: "
Mon Fils, mon Bien-aimé, c'est celui-ci ; il
a toute ma faveur. " Et cette voix, nous l'avons,
nous, entendue, parvenant du ciel, quand nous étions
avec lui sur la sainte montagne." 2Pierre 1 : 17-18).
Et quand la voix fut arrivée, Jésus se
trouva seul. " (Luc 9 : 28- 36).
" Et Jésus recommanda à ses disciples
de ne rien dire à personne de cette vision, jusqu'à
ce que le Fils de l'Homme se soit relevé d'entre
les morts " (Matthieu 17 : 9).
Notre icône prototype du Monastère Stavronikita
du Mont Athos, du 17è siècle, représente
le sommet du récit évangélique.
La montagne que Jésus gravit avec ses disciples
occupe plus de la moitié de la hauteur de l'icône
(0, 618).
Jésus se tient devant et dedans une grande mandorle
circulaire, représentant les cieux, structurée
par un losange vertical et un carré aux angles
allongés exprimant, autant que possible, la gloire
divine, et d'où émanent des rais de lumière.
Jésus quant à lui est resplendissant,
ses vêtements " plus blancs qu'un foulon
sur la terre ne peut blanchir " (Marc 9 : 3), bénissant
de sa main droite, au niveau du plexus solaire ; tenant
de l'autre le rouleau, à hauteur de la hanche.
Sur deux montagnes encadrant le Mont Thabor (sur notre
icône, ces montagnes sont creuses et forment chacune
une sorte de pont. Cette forme étrange et leur
couleur violette, contrastant avec l'ocre orangé
du Thabor, évoquent l'au-delà) se tiennent
les Prophètes Elie et Moïse, debout, légèrement
inclinés vers le Christ. Elie a l'attitude du
Précurseur : de sa main droite il montre le Seigneur
comme s'il s'effaçait devant le souffle doux
et subtil venu jusqu'à lui sur la montagne du
Seigneur, l'Horeb (1Rois 19 : 12). Son manteau est vert
foncé, couleur d'ascèse.
Moïse, les mains recouvertes de son manteau par
crainte de Dieu, tient respectueusement les Tables de
la Loi qui lui furent données sur le Sinaï.
" Moïse était un homme très
humble, plus qu'aucun homme " (Nombres 12: 3) ;
ici, son manteau est rouge car il a beaucoup aimé
le peuple d'Israël.
Trois rais de lumière sortent de la mandorle
en direction du cur de chacun des trois disciples
du Seigneur représentés terrassés
par la conscience qu'ils ont du miracle, donc au bas
de la montagne. C'est l'instant où Pierre propose
de monter une tente, où Jean se prosterne et
se retourne vers nous, méditant sur la lumière
incréée, où Jacques est aveuglé
et renversé. Pierre porte comme d'habitude, une
robe gris bleu et un manteau ocre ; Jean, une robe gris-bleu
et un manteau rouge; Jacques un manteau vert foncé
(alors que les couleurs des vêtements de Pierre
se retrouvent dans toutes les icônes, il y a des
variantes pour ceux de Jean et Jacques dans les icônes
russes. Par exemple, dans l'icône de Théophane
le Grec de la 2è moitié du 14è
siècle provenant de la cathédrale de la
Transfiguration de Pereslav-Zaleski, et conservée
à la Galerie Tetriakov, Jean porte un manteau
prune aux lumières bleutées, et Jacques
un manteau rouge clair aux lumières bleutées).
Transfiguration se dit en grec " metamorphosis
", transformation. Le Christ en s'incarnant, a
pris une forme humaine, mais sans quitter le conseil
divin ; par la prière, notre Dieu infini et redoutable
se manifeste en lui. Autre mystère, après
sa Résurrection, Jésus apparaîtra
aux pèlerins d'Emmaüs, sous une autre forme,
" en etera morphi " (Marc 16 : 12). Le mot
français, Transfiguration, vient de la racine
" figure ", en latin " figura "
qui signifiait matière façonnée,
alors que le mot russe, est construit sur une racine
qui signifie " icône ".
Dans les ateliers d'iconographie russes d'autrefois,
l'apprentissage se terminait par l'icône de la
Transfiguration, la huitième icône, pour
laquelle l'élève était enfin autorisé
à poser l'or, symbole de Vérité.
La Transfiguration est la clé de l'iconographie.
Le mystère de la Transfiguration agît sur
donc trois plans qui sont ainsi corrélés
1- Dans le Royaume, entre Jésus. Elie et Moïse,
a lieu un Grand Conseil. Elie et Moïse sont déjà
dans le Royaume et ils s'inclinent devant le mystère
de la Passion.
2- Au bas de la montagne sainte, les apôtres Pierre,
Jean et Jacques sont témoins récepteurs
du mystère. On pourrait établir une analogie
entre : Pierre et Moïse, car tous deux sont chargés
de guider le peuple ; Jacques et Elie, car tous deux
servent Dieu, avant tout au monde ; Jean, " le
disciple que le Seigneur aimait " , et son Maître.
Les yeux de Pierre, Jean et Jacques s'ouvrent à
la vraie lumière, l'incréée.
3- Ceux qui contemplent l'icône reçoivent
l'appel du Christ. Celui-ci leur apparaît tantôt
très proche, en union hypostatique avec leur
être le plus profond, tantôt lointain, dans
la mesure de leur faiblesse ou de leur manque de foi.
Ils peuvent alors implorer les apôtres qui se
sont trouvés eux aussi abasourdis au pied de
la montagne. Ainsi, ce troisième plan est-il
rattaché au deuxième, comme le rappelle
le Tropaire (refrain) de la Transfiguration
" Ô Christ Dieu, tu t'es transfiguré
sur la montagne, montrant à tes disciples ta
gloire autant qu'ils pouvaient la supporter. Fais briller
aussi sur nous, pêcheurs, ton éternelle
clarté, par les prières de la Mère
de Dieu, source de lumière, gloire à toi.
"
Donne-nous de croître dans ta foi, ton amour et
ta lumière (nous tous qui réfléchissons
comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes
transformés en cette même image, toujours
plus glorieuse, comme venant du Seigneur Esprit 2Co.
3 : 18), toi qui nous as montré " le changement
que subiront les mortels, sous l'effet de la gloire,
Sauveur, lors de ta seconde et redoutable venue. "
(extrait du premier cathisme des matines).
Elisabeth Hériard (in Orthodoxes
à Marseille N° 70 mai/août 1999 p.24-25)