Les représentations
simples. La plus simple se trouve dans les
catacombes romaines de Priscille et de Saint Calixte.
L'ange est représenté sans ailes et sans
auréole. Mais dès le 6è siècle,
sur les ampoules de Monza, Gabriel est ailé.
Lui et la Mère de Dieu sont auréolés.
Elle tient un fuseau pour filer, de sa main droite.
( Il en est de même dans un diptyque d'ivoire
du 10è siècle réalisé à
Constantinople et aujourd'hui conservé au Musée
de l'Ermitage à Saint Petersbourg. Dans un autre
ivoire byzantin du 10è siècle, conservé
à la collection Basilewsky à Paris, la
main droite de la Vierge est vide. Elle est toujours
debout, mais un siège est figuré derrière
elle. Dans des icônes plus récentes, la
Vierge est parfois représentée debout
allant chercher de l'eau au puits qui occupe le centre
de l'icône).
On voit que la Mère de Dieu se tient debout,
la tête inclinée vers son cur et
vers la droite, et porte aussi cette quenouille de fil
pourpre qu'elle était en train de tisser à
l'arrivée de l'Archange, selon la tradition.
L'Archange Gabriel s'avance avec force de la
droite (notre gauche) vers la Mère de Dieu. Il
semble à peine toucher terre. Ses pieds nus sont
chaussés de sandales légères.
Il bénit Marie de la main droite, (le pouce touchant
l'annulaire), et tient de la main gauche un bâton
de pèlerin, signe qu'il est un messager.
Parmi les représentations élaborées,
citons la célèbre icône de l'Annonciation
de Saint Clément d'Ohrid, en Serbie, du 14è
siècle, celle attribuée à Saint
André Roublev, de 1405, placée sur l'iconostase
de la Cathédrale de Moscou, et celle du Monastère
de Stavronikita au Mont Athos, du 16è siècle...
Dans ces icônes, on a ajouté aux trois
éléments principaux le siège de
bois sur lequel la Vierge est assise, recouvert de deux
coussins (parfois, il n'y en a qu'un), et au fond, deux
bâtiments, réunis par un mur. Dans une
variante, la Mère de Dieu tient dans sa main
gauche un rouleau, montrant qu'elle accomplit la loi.
Dans une autre variante, un petit aqueduc, série
de petites voûtes, est figuré en bas de
l'icône. Cela peut évoquer la grâce
qui visite même les régions inférieures
- notons que la ville de Constantinople est construite
sur un immense réseau souterrain voûté
de réserves d'eau.
L'évangile de Saint Luc (Luc 1 : 29-39) nous
décrit les trois phases du dialogue ente la Mère
de Dieu et l'Ange. Nous verrons que, si l'attitude de
l'Ange exprime la constance, celle de la Mère
de Dieu peut manifester trois dispositions d'esprit.
A l'inverse d'Eve, la Vierge se réserva d'accepter
ou non les paroles de l'Ange. C'est pourquoi ses oreilles
sont à demi-cachées par son sous-voile.
Au moment où l'Ange la salua par « Réjouis
toi, pleine de grâce le Seigneur est avec toi
», elle fut très troublée. L'Ange
la rassura : « Sois sans crainte, Marie, car tu
as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un
Fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus [ ...
] et son règne n'aura pas de fin. » Dans
l'icône, cette phase se traduit par la tête
légèrement inclinée de la Vierge,
exprimant la réflexion ; les plis de ses vêtements
sont moins gonflés que ceux de l'Ange.
Dans la deuxième partie du dialogue maintenant
amorcé, la Vierge demanda : «Comment cela
se fera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?»
L'Ange répondit : « L'Esprit Saint viendra
sur toi et la puissance du très Haut te couvrira
de son ombre ... » (Luc 1 : 34-35) L'Annonciation
est en effet la première des douze icônes
des fêtes de l'Eglise où l'Esprit Saint
est suggéré par un voile rouge drapé
en haut de l'icône, entre les toits des deux petits
bâtiments. Cette deuxième phase se marque
par la sobriété des plis et des couleurs
des vêtements de la Vierge. Traditionnellement,
elle porte une robe bleu foncé et un manteau
rouge foncé. Par contraste, l'archange est vêtu
de couleurs claires : un manteau en général
bleu gris clair et une robe dans les gris rose clairs,
car il est messager de lumière.
Dans la troisième phase du dialogue, Marie dit
alors : « Je suis la servante du Seigneur. Qu'il
m'advienne selon ta parole. » Cette acceptation
est rendue par un tracé iconographique du buste
de la Mère de Dieu tendu vers le haut, témoignant
qu'elle est l'échelle sainte par laquelle Dieu
va descendre sur terre. On pourrait aussi voir un effet
de cette acceptation dans l'harmonie générale
de toute l'icône et le fait qu'elle brille de
la lumière incréée, divine.
Notons que ces trois phases correspondent à trois
types de prière, et aussi aux trois tentations
du Christ au désert. C'est pourquoi on peut dire
que la main droite levée de la Mère de
Dieu, paume vers nous, doigts orientés vers le
coin en haut et à la droite de l'icône
exprime à la fois 1) la retenue, 2) la sobriété
(intentions), 3) le remerciement à Dieu.
Une des appellations grecques de la Fête, "kairétismi",
rappelle le salut de l'ange, repris par l'Eglise lors
des cérémonies de carême du même
nom, et de l'hymne Acathiste.
Notre appellation d'Annonciation, en latin ad-nuntius,
Annonciade en vieux français, l'arrivée
du messager, est tirée du mot grec "évanguélizo"qui
signifie annoncer. L'Eglise a utilisé "évanguélion"pour
signifier les Evangiles, l'Ecriture Sainte de tout ce
que le Christ a dit et fait ; le français a choisi
de le transcrire par Evangile, plutôt que par
Bonne Nouvelle, dès le temps de Saint Irénée
de Lyon au 2è siècle («Even gilaion»,
qui signifie en hébreu la pierre roulée,
a la même sonorité que "évanguélion".
«Gilaion» est le substantif absolu du Hiphil
du verbe GALHA, ce qui veut dire qu'on a fait et qu'on
fait toujours rouler, Les premiers chrétiens
associaient sans doute ces mots au matin de la Résurrection.
Pour la fête du 25 mars, l'Eglise a forgé
le mot "Evanguélismos", si "O
Evanguélismos tis Théotokou", a été
traduit littéralement en russe par «la
Bonne Nouvelle à la Mère de Dieu»,
n'est-ce pas parce que la fête de l'Annonciation
contient déjà en germe tout le message
évangélique ? Une icône conservée
à la Galerie Tetriakov à Moscou, de la
fin du 12è s. ou du début du 13è
s., introduit une nouveauté, qui restera sans
suite, tentant de représenter le cur du
mystère : l'enfant Jésus nouveau-né
est représenté au niveau de la poitrine
de sa mère.
Elisabeth
Hériard in
Revue "Orthodoxes à Marseille"
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