Ce
qui caractérise l’Eglise orthodoxe dans
sa manière d’être tout comme dans
toutes ses expressions, c’est la certitude de
l’irruption victorieuse de la vie éternelle
dans le monde, qui s’accomplit dans la résurrection
du Christ. L’Eglise orthodoxe confesse et proclame
avec force que la vie s’est manifestée
dans le Christ véritablement Dieu devenu véritablement
Homme et qu’elle est communiquée dans sa
mort et dans sa résurrection. Si le Christ n’est
pas ressuscité, dit Saint Paul dans la 1ère
lettre aux Corinthiens ( 15,17-20 ), alors toute notre
prédication est vaine et votre foi est vaine.
De
fait, si le Christ n’est pas ressuscité,
la mort aura toujours le dernier mot. Mais si le Christ
est ressuscité alors tous les évènements
de l’existence humaine sont métamorphosés.
Pâques n’est pas uniquement, comme aimerait
bien le prétendre notre société
sécularisée, la commémoration d’un
simple souvenir extérieur sans autre signification
spirituelle. Le mystère pascal c’est tout
autre chose . Il ne peut se comprendre que comme l’accomplissement
total et définitif de l’Alliance, promise
déjà dans le livre de la Genèse,
par laquelle Dieu devient pour les hommes totalement
leur et les hommes deviennent pour lui totalement siens.
Il ne s’agit là ni d’un contrat juridique
entre Dieu et l’homme ni même d’un
idéal moral. C’est, d’abord et plus
que tout, une réalité mystérieuse
et spirituelle par laquelle toute l’humanité
est arrachée à la mort et redonnée
au Père céleste. Pour cette raison, l’événement
de Pâques ne peut en aucun cas être saisi
en dehors de la foi en Christ, sous la conduite permanente
de l’Esprit Saint.
Cette empreinte pascale qui marque si profondément
les chrétiens orthodoxes est beaucoup moins le
produit d’une mentalité particulière
ou d’un caractère ethnique que l’expression
d’une âme commune forgée avant tout
par les célébrations du rite byzantin,
lesquelles donnent notamment aux célébrations
pascales une importance et une splendeur inégalée.
L’expérience liturgique intérieure
ainsi acquise, qui dépasse de loin une simple
émotion subjective, communique la certitude intime
de la victoire du Christ et fait participer chacun,
d’une manière personnelle, à sa
propre vision des mystères de Dieu. A travers
le vécu liturgique des célébrations
de la Semaine Sainte le fidèle orthodoxe reçoit
la conviction que la mort est absorbée par la
vie et que le sens ultime de toutes choses lui est révélé
dans la lumière glorieuse qui jaillit du visage
de Jésus ressuscité. Pâques, c’est
la certitude que Dieu a créé le monde
pour la résurrection, pour que tous les êtres
participent à sa joie et soient illuminés
de sa splendeur. C’est à juste titre donc
que les chrétiens orthodoxes se plaisent à
définir Pâques comme la fête des
fêtes.
Croire
véritablement en Christ et adhérer de
tout son être à lui, c’est affirmer
que le fondement sur lequel Dieu a établi toutes
choses est bien la puissance cachée de la Résurrection ;
dessein merveilleusement fidèle, qui révèle
le don de Vie depuis son jaillissement originel jusqu’à
son accomplissement par la Croix de Jésus ;
dessein pleinement réussi aussi, une fois pour
toutes, dans cette humanité assumée par
le Fils de Dieu incarné sur la terre et qui a
pour but final la communion de chaque être à
la vie même de la Sainte Trinité.
C’est
pourquoi, l’événement du mystère
pascal ne peut se vivre que dans l’Eglise car
il restera à jamais, en son sein, l’avènement
de l’amour vainqueur de la mort.
Pâques
2003.
+STEPHANOS, Métropolite de Tallinn et de toute
l’Estonie.