NOTES
LITURGIQUES
Le lundi qui suit le Dimanche de l'abstinence
de laitage est le premier jour du Grand Carême
proprement dit. Pendant quarante jours l'Eglise
nous invite à nous préparer
au temps de la Passion et au temps de Pâques. 1) LE JEUNE
On ne peut ignorer ou traiter à la
légère la question du jeûne
alimentaire, à laquelle s'attache une
authentique valeur spirituelle. Car le jeûne
est une "mise en disponibilité"
envers le Christ et sa Parole. Mais il ne
faut pas non plus le restreindre autour de
la seule abstinence alimentaire. Le jeûne
doit surtout nous aider à mieux contrôler
nos actes, nos pensées, nos paroles
; à mieux concentrer notre attention
sur les exigences du Seigneur, à nous
ramener à nos vraies dimensions pour
que le prochain soit rehaussé. Le jeûne
est un "tout" dont on ne doit pas
scinder les aspects intérieurs et les
aspects extérieurs, mais où
les premiers sont les plus importants. 2) LES LITURGIES
EUCHARISTIQUES a) En semaine
Selon notre discipline, les jours de jeûne
(c'est-à-dire tous les jours de Carême,
sauf le samedi et le Dimanche, jour de la
Résurrection), il n'y a pas de célébration
de la Divine Liturgie en signe de pénitence.
Pour permettre cependant aux fidèles
de communier, les Saintes Espèces son
soigneusement conservées après
la Liturgie du Dimanche et sont offert aux
fidèles, les mercredis et vendredis,
au cours d'une Liturgie dite des Présanctifiés,
c'est-à-dire où les Saintes
Espèces ont été consacré
préalablement. Aussi cette Liturgie
qui est plus exactement un office de Vêpres
suivi de communion, ne comporte pas de consécration
eucharistique.
Le Samedi, on célèbre la Divine
Liturgie de Saint Jean Chrysostorme. b) Le Dimanche
Durant tout le Carême, on célèbre
la Liturgie de Saint Basile le Grand au lieu
de celle de St Jean Chrysostome.
Cette Liturgie est célébrée
dans notre Eglise dix fois par an, comme suit
:
- les 5 premiers Dimanches de Carême,
- le Jeudi Saint, le Samedi Saint,
- la veille de Noël et de l'Epiphanie
(mais si ces fêtes tombent un dimanche
ou un lundi, la Liturgie de St Basile aura
lieu le jour même de la fête),
- le 1er janvier, fête de Saint Basile. 3) LES GRANDES COMPLIES
C'est le dernier des offices du jour, que
l'on dit les lundis, mardis, mercredis et
jeudis du Grand Carême.
Dans cet office on lit une grande prière
biblique de pénitence, celle de Manassé,
roi de Juda. 4) LE GRAND CANON
DE ST ANDRE DE CRETE
Il est lu par partie aux Grandes Complies,
les lundi, mardi, mercredi et jeudi de la
première semaine de Carême, et
intégralement le mercredi soir de la
cinquième semaine. C'est un grand poème
de 250 strophes, réparties en neuf
odes. 5) L'HYMNE DE L'ACATHISTE
C'est un long poème de louange à
la Sainte Vierge Marie, qui comprend 24 strophes,
disposées selon un ordre alphabétique
et divisées en quatre parties. Les
quatre premiers vendredis de Carême,
on en lit successivement une partie le soir
à Complies. Le cinquième vendredi,
on lit tout l'hymne.
L'office s'appelle "acathiste" parce
qu'on le chante debout. (Littéralement
c'est l'hymne pendant le chant duquel on ne
s'assoit pas).
En 626, les Avares et les Perses assiégeaient
Constantinople, dont l'Empereur était
Héraclius. Le clergé et le peuple
auraient alors passé la nuit entière
en prière, chantant debout cet hymne
à la Vierge. Et la ville fut sauvée.
On ajouta par la suite le souvenir de deux
autres délivrances de Constantinople,
lorsque la ville eut à soutenir le
siège des Arabes en 677 et 717. L'auteur
de l'hymne serait pour les uns le Patriarche
Serge de Constantinople, pour les autres son
archiviste, Georges le Pisside. 6) LE PREMIER SAMEDI
DE CAREME
nous faisons mémoire du miracle des
kolybes de St Théodore le conscrit,
qui mourut martyr au 4è siècle
de notre ère. Voici comment eut lieu
ce miracle : Julien l'Apostat ayant ordonné
d'exposer au marché des produits déjà
offerts aux idoles et pollués par le
sang des victimes, le saint martyr apparut
au Patriarche de Constantinople Eudoxe pour
avertir les chrétiens de ne se nourrir
que de kolybes, grains de blé bouillis
à l'eau et assaisonnés de sucreries,
et que nous consommons encore quand nous célébrons
nos requiem.
Dimanche
13 février 2011
Dimanche
du publicain et du pharisien
Ton
5 ; 5è Evangile
Epître
: 2Tim 3, 10-15 ; Evangile : Lc
18, 10-14
Avec
le Dimanche du Publicain et du Pharisien,
notre Eglise inaugure la période
liturgique du TRIODE qui couvre 10 semaines
préparatoires à la fête
de Pâques et qui se termine au Samedi
Saint. Cette période s'appelle ainsi
parce qu'à l'office des matines,
les canons ne comprennent plus que trois
odes (tri-odes) au lieu de neuf et qu'ils
sont contenus dans le livre liturgique propre
à ce temps qui porte lui-aussi le
nom de "Triode"
Ce
jour nous faisons mémoire de la parabole
du pharisien et du publicain. Qui est comme
le pharisien, qu'il s'éloigne du
sanctuaire, car le Christ est dedans, qu'on
doit recevoir dans l'humilité.
Texte
à méditer :
Fidèles,
fuyons la présomption du pharisien,
sa prétention de pureté. Appelons
sur nous la compassion, recherchons l'humilité,
le sentiment du publicain.
Kondakion
(t.3)
Pécheurs
comme le publicain, implorons le Seigneur.
Il est notre Maître, prosternons-nous
devant Lui, car Il veut le salut de tous
les hommes et donne l'absolution à
ceux qui se repentent. Il s'est incarné
pour nous, Dieu avec le Père sans
commencement.
Kondakion
(t.4)
Fuyons
l'orgueil du pharisien mais apprenons l'humilité
du publicain. Implorons et invoquons le
Sauveur : Pardonne-nous, seul Réconciliateur.
HOMELIE
par le P. André Borrely
Nous
sommes à soixante-dix jours de Pâques.
Ce dimanche est dans le rite byzantin, l'équivalent
du Dimanche de la Septuagésime dans le rite
romain. L'Eglise qui est une mère pleine
de bonté, qui connaît le cur
de l'homme, se conduit avec nous en pédagogue.
Elle ne veut pas nous faire passer brusquement d'une
vie qui trop souvent, hélas, est loin de
la ferveur des premières générations
chrétiennes, à l'intensité
de prière et d'ascèse du Grand Carême.
C'est pourquoi, de même qu'un vestibule en
forme de portique (le « narthex ») ménage
une transition entre la rue et la nef de l'église,
de même un porche liturgique et spirituel
de trois semaines nous prépare aux labeurs
de l'ascèse du Grand Carême. En Orient,
ce sont les dimanches du Pharisien et du Publicain
; de l'Enfant Prodigue ; du Carnaval ; et du Laitage.
En Occident, ce sont les dimanches de la Septuagésime,
de la Sexagésime et de la Quinquagésime,
Or, durant ces trois semaines de mise en condition
vitale pour vivre correctement le temps du Carême,
l'Eglise ne cesse de nous dire : "Vous allez
jeûner, prier, faire de nombreuses métanies.
C'est très bien et je suis la première
à vous inviter à le faire. Mais attention
! "La sagesse qui conduit au salut, c'est la
foi dans le Christ Jésus" (cf. l'épître
d'aujourd'hui). Cette foi est mystérieusement
suscitée en vous par la grâce divine.
Détournez-vous donc de vous-mêmes,
de vos uvres, de vos mérites, de votre
moralité, voire de votre piété.
Renoncez à vous faire valoir devant Dieu
et les hommes, puisque vous ne vivez que par la
grâce divine. Décrassez les vitres,
raclez la peinture qui les rendent opaques, mais
ne cédez surtout pas à l'imbécile
tentation de croire que, ce faisant, vous produisez
la lumière qui doit passer à travers
les vitres. Ne vous prenez surtout pas pour des
agents de votre propre divinisation."
Et aujourd'hui la sainte Eglise entreprend de nous
tenir ce langage avec l'épisode du Pharisien
et du Publicain. Elle nous dit: Jeûnez, mais
pas avec la mentalité du Pharisien. Jeûnez,
mais en ayant les sentiments du Publicain.
Qu'était-ce, au temps de Jésus, qu'un
pharisien ?
Les pharisiens étaient une association qui
se flattait de connaître plus exactement que
quiconque la Loi de Dieu, dans son texte et dans
sa tradition organisée, pour la pratiquer
ponctuellement et pour l'imposer aux autres. A une
connaissance plus approfondie de la Loi et de la
tradition dont ils étaient fiers, ils joignaient
en principe l'application la plus stricte de la
Loi et des points qu'ils en avaient déduits.
La Loi n'avait pas tout prévu. Il fallait
régler un grand nombre de cas au jour le
jour, c'est-à-dire rendre des arrêts.
Ceux des anciens faisaient autorité. D'autres
venaient s'y joindre. Chez les Juifs, personne n'avait
un pouvoir législatif comparable à
celui de Moïse. Il y avait donc une situation
fausse pour les docteurs, s'efforçant vainement
de mettre des déductions plus ou moins justes
sur le même rang que le texte lui-même.
Se croyant obligés de faire prévaloir
une autorité qu'ils n'avaient pas, il leur
arrivait de tomber dans une infatuation voisine
de la présomption et de l'orgueil. Mais le
principal danger était de se faire de la
supériorité dans la doctrine et dans
la pratique une raison de se séparer des
autres et de les mépriser. C'est ce qui se
produisit notamment par la façon dont les
docteurs insistèrent sur le sabbat, le soin
de la pureté légale et le paiement
des dîmes aux lévites et aux prêtres.
On en était arrivé à refuser
de manger un uf pondu le jour du sabbat ou
un fruit tombé de l'arbre à pareil
jour ! L'erreur fondamentale du pharisaïsme
fut de faire du zèle religieux une raison
d'éviter les relations cordiales avec le
prochain et presque un devoir de le mépriser
comme impur. En effet, une observation très
stricte de la Loi, souvent impossible au commun
des mortels, mettait les Pharisiens dans une classe
à part, grandement scandalisée des
dérogations aux règles nouvelles qu'ils
avaient posées.
"Mon Dieu, dit le Pharisien au Temple, "je
Te rends grâces de ce que je ne suis pas comme
le reste du monde".
L'Eglise, elle, nous prépare au Grand Carême
en cultivant un certain humour : au cours de la
semaine qui suit ce dimanche, elle nous autorise
à manger de la viande, même le mercredi
et le vendredi. En ne nous abstenant pas de viande
ces jours-là, nous devons penser à
la "jactance du Pharisien" (kondakion
du jour). Nous devons nous dire que notre Carême
sera un excellent moyen d'aller en enfer, si nous
en faisons l'occasion de nous faire valoir aux yeux
de Dieu et des hommes, surtout aux yeux de ceux
qui ne pratiqueront pas la même ascèse.
Et dans la nuit de Pâques, la sainte Eglise,
ayant gardé la même préoccupation,
nous fera lire la catéchèse dite de
Saint Jean Chrysostome: Vous qui avez jeûné
et vous qui ne l'avez pas fait, réjouissez-vous
aujourd'hui".
Dimanche
20 février 2011
Dimanche
du Fils Prodigue
Ton
6 ; Matines : 6è Evangile
Epître
: 1Co 6, 12-20 ; Evangile : Lc 15,
11-32
MEDITATION
L'Eglise nous ouvre les portes du repentir
par la voie de l'humilité. Avec le
Fils prodigue elle nous définit le
sens véritable de la métanoïa,
qui dépasse et englobe à la
fois la notion courante du repentir comme
moyen conscient de l'existence personnelle.
Le saint sera donc ce pénitent, pécheur
toujours plus conscient d'être le
premier des pécheurs et, de ce fait,
ouvert à la grâce. Tant il
est vrai, comme l'affirme Saint Isaac le
Syrien, que la "seule porte de la grâce"
est le repentir.
Le Fils prodigue s'est imaginé pouvoir
exister et agir en dehors de son Père,
poussé par quelque désir aussi
trompeur que secret, de curiosité,
d'aventures et de vanité. En cela
il ne diffère pas beaucoup de nous
et de notre époque: ce que son Père
lui offrait ne lui suffisait plus; il lui
fallait se libérer aussi d'une tutelle
qui l'empêchait de devenir maître
de son destin, voire même de le commander.
Il va donc s'en aller loin, très
loin, vers ces lieux nouveaux d'un monde
nouveau. Pour mieux les dominer!
Et ainsi de s'égarer! Son âme
perd la simplicité du discernement
Le cur qui se durcit se laissera peu
à peu gagner par toutes les incertitudes.
A force de tout désirer avec exagération,
le voici plongé dans le tragique
de toutes les
insignifiances. "Tout m'est permis,
écrit St Paul, mais j'entends, moi,
ne me laisser dominer par rien." Le
fils indigne ne le comprendra que beaucoup
plus tard, après avoir porté
dans sa chair et dans son esprit les terribles
stigmates du mirage de "sa vie libre".
A ses cris douloureux, qui ne sont pas encore
"douloureuse affliction", répondront
la faim, la misère, la déchéance
totale.
Alors il va rentrer en lui-même: chaque
nud de son bâton qui le conduit
au Père est une larme de repentance.
Le retour au Père! A la crainte qui
le saisit encore succèdent la foi
et l'espérance: le cur durci
fond enfin; oui, la seule vraie voie conduit
au Père.
Car le Père est Amour. Le frère
aîné ce troisième personnage;
de la parabole, se montre jaloux. Il s'irrite
du pardon généreusement donné.
Il refuse, malgré les instances de
son Père, de prendre part aux réjouissances.
Comme si la miséricorde divine faisait
tort à la justice. Comme si l'Amour
distingue le premier du dernier selon nos
convenances propres et nos appréciations.
Tout ce qui était au Père,
n'était-il pas toujours au fils aîné
?
Mais dans la maison du Père brûle
aussi un amour sans limites, une brûlante
affection pour le pécheur. Le fils
aîné, dans sa colère,
ne comprit pas qu'au pécheur repentant
Dieu accorde la plus grande grâce
qu'il puisse recevoir, un maximum de grâce.
Kondakion
(t.3)
Quittant
follement ta gloire paternelle, j'ai dissipé
dans le mal la richesse que tu m'avais donnée.
Et je te dis les paroles du fils prodigue
: j'ai péché contre Toi, Père
compatissant. Reçois-moi qui me repens
et fais de moi l'un de tes serviteurs.
Texte
à méditer
Eveille-toi,
lève-toi d'entre les morts et sur
toi luira le Christ. (Ephés 5, 14)
ET TU TOUCHERAS LE CHRIST !
HOMELIE
par le P. André Borrely
Dimanche
dernier, la Sainte Eglise nous prévenait
que le Grand Carême qui approche, devrait
être pour nous un temps de repentir,
de conversion, à l'exemple du publicain,
et non une occasion d'imiter le pharisien
en faisant du jeûne et de l'ascèse
des "uvres" qui nous vaudraient
des mérites et nous donneraient des
droits sur Dieu.,
Aujourd'hui, elle poursuit le même enseignement
en nous mettant en garde contre le danger
d'imiter, durant le Carême, le fils
aîné de la parabole. C'est un
peu à tort qu'on appelle cette parabole
"la parabole de l'Enfant prodigue".
Il serait plus exact de l'appeler soit "la
parabole de l'amour du Père" soit
"la parabole des trois fils" : le
fils prodigue, le fils aîné et
Jésus qui est le vrai Fils aîné.
Le fils prodigue dit: "Père, j'ai
péché contre le Ciel et contre
toi". "Contre le Ciel" signifie
"contre Dieu". Le père de
la parabole n'est donc pas Dieu, mais un père
terrestre. Il est cependant évident
que son amour paternel est une image de l'amour
divin. Quand donc le père dit à
l'aîné : "Tu es toujours
avec moi, et tout ce qui est à moi
est à toi", cette affirmation
de l'unité de l'être, d'où
s'ensuit une parfaite communication de tout
l'avoir familial, convient aussi bien à
la vie divine de la Sainte Trinité.
C'est exactement ce que dit Saint Jean : "Au
commencement le Verbe était face à
Dieu"... "Croyez-Moi : Je suis dans
le Père et le Père est en Moi"..."Tout
ce qui est à Moi, Père, est
à Toi, et tout ce qui est à
Toi est à Moi". Il y a identité
littérale entre cette parabole et ce
qui se passe dans les profondeurs de la vie
trinitaire telles que nous les révèle
le quatrième Evangile.
Le fils aîné de la parabole apostrophe
son père et le couvre de reproches
parce qu'il crève de jalousie. Il refuse
d'appeler "frère" celui qui
vient de rentrer. Jésus, lui, est le
vrai fils aîné. Il est parti
à la recherche des fils prodigues que
nous sommes, pour nous restituer l'esprit
familial et l'héritage perdu. Cette
parabole nous dit que le Dessein éternel
de Dieu sur l'humanité se réalise
à travers, voire au moyen des péchés
des hommes, qu'ils soient infidèles
comme l'enfant prodigue ou mal fidèles
comme le fils aîné. Elle nous
décrit la bonté paternelle,
c'est-à-dire, en fin de compte, la
bonté divine. Le père de famille
traite celui qui revient à la maison,
non comme un journalier, mais comme un hôte
de marque. La robe de fête est en Orient
la marque d'une haute distinction. Il n'existait
alors aucune "décoration"
et lorsqu'un roi voulait honorer un de ses
dignitaires particulièrement méritant,
il lui offrait un vêtement luxueux.
C'est pourquoi le fait de revêtir un
vêtement neuf est un symbole du temps
du salut. L'enfant prodigue est traité
en invité d'honneur. L'anneau qu'on
lui remet est une bague-cachet ; la remettre
à quelqu'un, c'était lui donner
les pleins pouvoirs. Quant aux souliers, c'était
un luxe et seuls les hommes libres en portaient
: le fils ne doit pas plus longtemps courir
pieds nus comme un esclave. On mange le veau
gras: il est rare à cette époque
de manger de la viande. C'est ici un signe
de joie et de fête pour la maison et
les domestiques, et un symbole de l'accueil
solennel du fils qui revient s'asseoir à
la table familiale. Ces marques d'honneur
sont la manifestation visible du pardon :
le fils prodigue retrouve sa situation de
fils et tout le monde doit le savoir. Comme
ce père qui organise un festin, Dieu,
bon, indulgent, miséricordieux, débordant
d'amour, est plein de joie, lorsque celui
qui était perdu, rentre au bercail.
Mais Jésus a raconté la parabole
à des hommes qui ressemblent au fils
aîné. Gare à nous qui
nous apprêtons à jeûner,
si nous demeurons sans joie, froids, insensibles,
ingrats et infatués de nous-mêmes
! Malheur à notre Carême s'il
ne sert qu'à alimenter notre égoïsme
et la trop bonne opinion que nous avons de
nous-mêmes ! L'intérêt
du Carême, sa raison d'être, c'est
que les morts ressuscitent, que ceux qui étaient
perdus reviennent à la maison du Père.
Si elle est satisfaite d'elle-même,
notre "justice" nous sépare
de Dieu. Le Carême ne doit donc pas
être un temps d'autosatisfaction.
L'erreur primordiale du cadet fut de n'avoir
pas pris conscience du privilège qui
était le sien, d'être de naissance
de la famille de son père. Son tort
a été de n'en vouloir que l'avoir.
Il exige non seulement d'avoir le droit de
propriété, mais aussi le droit
de disposer des biens. Il veut donc être
indemnisé et pouvoir s'organiser une
vie indépendante. Il transforme "tout
son bien" en argent et émigre.
Il doit s'occuper d'animaux impurs (les cochons)
et il est ainsi perpétuellement obligé
de renier sa religion (sans doute aussi doit-on
garder les porcs le jour du sabbat !). Son
père a accepté le partage demandé
et le départ de son fils. Par là
il révèle de quelle sorte est
son amour : non seulement de don total ("tout
ce qu'il avait acquis"), mais laissant
liberté entière aux fils de
choisir à leur gré le type de
rapports qu'ils entendent garder avec leur
père : soit d'un père tirelire,
soit d'une "vie avec". Mais la "vie
avec" ne doit pas être celle du
fils aîné.
Au moment de Pénétrer dans le
temps du Carême, nous devons nous dire
que celui-ci ne doit pas faire de nous seulement
des "justes". Car il y a quelque
chose au-dessus de la justice, c'est la bonté
d'un cur s'ouvrant, tout grand et librement.
Sans la bonté, la justice devient froide.
L'homme ankylosé dans la justice a
le sentiment qu'en se convertissant le pécheur
sort de l'ordre établi. Qu'est-ce-que
cela signifie que ce vaurien, après
avoir tout gaspillé, devienne maintenant
vertueux et se tire ainsi d'affaire ?
Ceci dit, il reste que l'expression «Tout
m'est permis" ne signifie pas qu'il faille
se dispenser de Carême et d'ascèse.
Ce "tout M'est permis" par lequel
commence l'épître d'aujourd'hui,
est probablement un adage de Paul qu'avaient
adopté, Pour en fausser le sens, les
pagano-chrétiens de Corinthe, partisans
de la liberté absolue. L'ascèse
est indispensable au corps dans la mesure
où celui-ci est "Je temple du
Saint-Esprit". Je n'ai pas un corps comme
on possède un vêtement ou une
montre. Je suis mon corps. Mon corps, c'est
moi, c'est le phénomène de contact
de ma personne créée à
la réplique de Dieu et selon sa ressemblance.
A l'ère du Minitel rose et de la grande
bouffe, des films porno, d'un Internet où
les sites vulgaires pullullent et d'une humanité
divisée en deux : ceux qui meurent
de malnutrition et ceux qui meurent (du cancer,
des maladies cardio-vasculaires) pour avoir
trop mangé durant trop longtemps, il
est salutaire de rappeler la nécessité
du jeûne et de l'ascèse : pour
que je parvienne à "ne me laisser
dominer par rien". Le tout est que nous
jeûnions avec la mentalité du
publicain et non avec celle du pharisien,
que nous pratiquions l'ascèse dans
l'esprit de repentir du fils cadet et non
dans le sentiment de justice ankylosée
du fils aîné. Alors nous deviendrons
les fils du Père par l'entremise de
l'Unique Fils aîné.
"...Epuiser
volontairement son corps au point de fatiguer
l'esprit, c'est faire une mortification déraisonnable,
même si on le fait pour acquérir
la vertu. (...) Il faut se nourrir chaque
jour autant qu'il est nécessaire pour
que le corps fortifié soit l'ami et
l'aide de l'âme dans la pratique de
la vertu ; sinon il peut arriver que le corps
n'en pouvant plus, l'âme s'affaiblisse
elle aussi."
(St
Séraphim de Sarov. Instructions spirituelles
in Ascètes russes pp64-75 Ed Soleil
levant Namur 1957)
Ce
jour nous faisons mémoire de la seconde
et intègre Parousie de Notre Seigneur
Jésus-Christ.
Juge
de tous, quand Tu siégeras pour juger
la terre, juge-moi digne d'entendre ta voix
qui dira : Venez.
Dans
ton ineffable amour de l'homme, Christ-Dieu,
donne-nous d'entendre ta voix désirée.
Compte-nous
avec ceux qui sont à ta droite.
Aie
pitié de nous.
MEDITATION
Dieu a dit par le prophète: "Ceci
est mon repos : Fais reposer ceux qui sont
accablés." (Is.28/12)
Fais donc le repos de Dieu ô homme et
tu n'auras pas besoin du "pardonne-moi".
Fais reposer les accablés, visite les
malades, occupe-toi des pauvres, et cela est
la prière. Et je t'assure, mon ami,
chaque fois qu'un homme fait ainsi le repos
de Dieu, cela est prière (...).
Sois donc attentif, mon ami : s'il se présente
à toi quelque chose d'agréable
à Dieu, ne dis pas : "C'est le
temps de la prière. Je vais prier et
je ferai cela après". En attendant
que tu aies fait la prière, la chose
qui aurait fait plaisir à Dieu, t'aura
échappé. Tu auras ainsi perdu
l'occasion de faire la volonté et le
bon plaisir de Dieu. Par ta prière,
tu auras commis un péché. Fais
ce qui plaît à Dieu. C'est cela
prier.(...)
Ecoute la parole de l'apôtre : "Si
nous nous jugions nous-mêmes, nous ne
serions pas jugés" (1 Cor. 11/31).
Juge toi-même ce que je vais te dire.
Si tu pars pour un long voyage et qu'à
cause de la chaleur il t'arrive d'avoir soif,
si tu rencontres alors un frère et
que tu lui dises : "Soulage-moi de la
soif qui m'accable", et qu'alors il te
réponde : "C'est l'heure de la
prière. Je vais prier, et ensuite je
me rendrai chez toi" ; en attendant qu'il
ait pitié et revienne a toi, tu mourras
de soif.
Que t'en semble ? Qu'y a-t-il de meilleur
pour toi, qu'il aille prier, ou qu'il apaise
ton tourment ?
Quelle utilité aura la prière
de celui qui ne soulage pas la souffrance
du prochain ? Le Seigneur n'a-t-il pas déclaré
que nous serions jugés sur nos uvres
?(...)
Ce que je t'ai écrit : "Quand
on fait la volonté de Dieu, cela est
prière", cela me semble beau.
Mais parce que je te l'ai dit, ne va pas te
relâcher de la prière et ne cède
pas à l'ennui selon ce qu'il est écrit
que Notre Seigneur a dit : "Priez et
ne vous lassez pas". Applique-toi à
la veille, chasse de toi la somnolence et
la pesanteur. Sois en éveil jour et
nuit, et ne te laisse pas aller au découragement.
(Aphraate le Persan. UNE NUEE DE TEMOINS,
pp. 66-67, Ed. du Cerf, 1974).
HOMELIE
par le P. André BORRELY
Durant
tout le Grand Carême nous nous abstenons
de viande, d'ufs et de tout laitage.
Mais l'Eglise qui est une mère pleine
de bonté, nous invite à entrer
dans le Carême progressivement. L'usage
de la viande est autorisé aujourd'hui
encore. A partir de demain, seulement le
laitage restera autorisé jusqu'à
dimanche compris. Et demain en huit commencera
le Carême proprement dit.
De là le choix de l'épître
de Saint Paul aux Corinthiens. Comme elle
ne cesse de le faire depuis le dimanche
du publicain et du pharisien, la sainte
Eglise nous encourage certes à jeûner,
mais tout de suite elle ajoute : "Quand
vous jeûnez, ne vous prenez pas au
sérieux. L'usage des aliments (carnés
ou non) ne doit jamais devenir une fin en
soi mais toujours demeurer un moyen au service
de l'essentiel qui est la conversion du
cur de pierre en cur de chair".
Au temps de Saint Paul, dans la communauté
pagano-chrétienne de Corinthe, la
question était de savoir si des chrétiens
pouvaient s'approvisionner dans les boucheries
où l'on vendait des viandes qui avaient
été immolées aux idoles
et que les bouchers avaient achetées
dans les temples païens. Saint Paul
se sentait libre de consommer de telles
viandes. Mais il y avait des "faibles"
(notamment des judéo-chrétiens,
d'anciens juifs qui avaient reçu
le baptême) qui étaient viscéralement
hostiles à une telle consommation
et scandalisés par ceux qui croyaient
pouvoir l'accepter. Et Saint Paul de conseiller
de mettre l'amour des "faibles",
le souci de ne pas les scandaliser, au-dessus
de la liberté qu'il éprouve
devant les viandes immolées aux idoles.
"Je me passerai de viande à
tout jamais, afin de ne pas causer la chute
de mon frère". La liberté
de l'Apôtre, nous devons la faire
nôtre en temps de Carême : si
je jeûne, je ne dois pas devenir esclave
de mon jeûne. Ne pas manger de viande
durant des semaines est un non-sens, si
durant des semaines je continue à
dire du mal des autres, si je me permets
de juger ceux qui ne font pas le Carême,
etc... Si je suis invité chez des
gens qui ne savent plus du tout ce qu'est
le jeûne, ni l'Eglise, ni le christianisme,
et qui, pleins de bonté et d'amour
cependant, ont fait des frais pour me recevoir,
qu'est-ce qui sera le plus important aux
yeux du Christ : que je puisse lui dire
au soir de ma vie qu'aucun produit d'origine
animale n'a pénétré
en moi en temps de Carême, ou bien
que mon souci a été de ne
pas décevoir des gens qui avaient
fait tout leur possible pour me témoigner
leur amitié et leur hospitalité
? Paul était prêt à
se «passer de viande à tout
jamais" plutôt que "de causer
la chute de (son) frère" à
cause d'un aliment. En cette fin du XXème
siècle, dans une civilisation désormais
post-chrétienne, il peut arriver
que nous soyons amenés à consommer
de la viande afin d'éviter une telle
chute. C'est le jeûne qui, comme le
sabbat, est fait pour l'homme et non point
l'homme pour le jeûne.
Mais cet avant-dernier dimanche avant le
début du Carême est aussi bien
celui du Jugement dernier. Il ne s'agit
plus seulement, comme dans certaines paraboles,
du jugement particulier qu'opèrent
la mort et la parution devant Dieu, mais
de la Parousie proprement dite. Et en nous
faisant lire ce passage du premier Evangile,
la sainte Eglise poursuit le dessein qu'elle
a exprimé dès le dimanche
du publicain et du pharisien : le jeûne,
l'ascèse ne sont que des moyens d'aller
en Enfer s'ils ne sont pas au service de
la miséricorde et de l'amour. Pour
s'entendre appeler par le Christ installé
sur son trône de gloire : "les
bénis de mon Père", il
ne suffira pas d'avoir jeûné.
Encore faudrait-il que notre jeûne
ait manifesté sa fécondité
dans les six "uvres de miséricorde"
retenues par le Nouveau Testament et la
tradition chrétienne : donner à
manger et à boire à qui en
a besoin, accueillir l'étranger,
vêtir celui qui est nu, visiter les
malades et les prisonniers. L'Ancien Testament
prescrivait déjà ces uvres
en y ajoutant l'aide aux veuves et aux orphelins
et l'ensevelissement des morts. Ce sont
les besoins humains les plus criants : manger
et boire, avoir un logement et des vêtements,
être secouru dans la maladie. L'aumône
est une réponse globale à
ces besoins divers, aussi a-t-elle été
de tout temps recommandée. Le tout
est qu'elle soit effectuée avec cur
et personnalisée.
Mais le plus important est ici la révélation
d'une rencontre entre les païens eux-mêmes
et le Christ. En s'identifiant à
ceux qui sont dans le besoin, Jésus
affirme la possibilité pour celui
qui l'ignore, de le rencontrer cependant
en la personne des pauvres auxquels le païen
aura témoigné de l'amour.
Et malheur aux jeûneurs qui, en pareilles
circonstances, auront été
inférieurs à ces païens
! De nos jours, nous pouvons remplacer "païens"
par "agnostiques", par "athées",
voire par «le-chrétien-qui-ne-va-pas-à-la-messe".
Comment oser situer hors de l'Eglise telle
qu'elle, apparaît aux yeux de Dieu,
l'homme qui, sans être chrétien
ou sans être "pratiquant",
aura donné au Christ qu'il ignore
ou connaît mal, le témoignage
d'un amour agissant envers les frères
du Christ ? Chaque fois qu'un homme en aime
un autre, il est engendré de Dieu,
Dieu est présent en lui. L'amour
qui unit un homme à un autre homme,
procède de Dieu, a sa source en Dieu,
part de Dieu, dont Saint Jean nous dit qu'il
est Amour. Chaque fois qu'il est authentique,
l'amour est pour l'homme communion à
la génération divine du Fils,
communication de la Vie même du Fils,
c'est-à-dire du Saint-Esprit. Chaque
fois qu'il est authentique, l'amour se trouve
donc dans l'Eglise intérieure (visible
?, invisible ?, cela dépend). A l'insu
de l'incroyant qui aime, l'amour descend
de Dieu et germe dans le cur de cet
incroyant par le don que ce dernier fait
de lui-même à autrui. Hors
de l'amour point de salut ! Celui qui prétend
être dans l'Eglise par l'ascèse
du Carême tout en "haïssant"
son frère (= sans l'aimer), est en
fait hors de l'Eglise. L'amour humain de
l'incroyant pour l'homme qui est dans le
besoin, signifie la présence cachée
mais effective en cet incroyant de l'Amour
qui est Dieu lui-même. Le don désintéressé
qu'un homme (fut-il incroyant) fait de lui-même
aux autres, le fait entrer à son
insu dans l'Eglise, dans la mesure où
ce don procède du don du Père
à son Fils et prolonge inconsciemment
le don vivifiant du Fils qui communique
aux hommes l'Esprit Saint "libéré"
par la résurrection du Christ d'entre
les morts.
Si Dieu est Amour, l'incroyant qui est dans
l'amour de Dieu, est en Dieu et celui qui
jeûne sans aimer, est hors de Dieu.
Nous devons jeûner durant le Grand
Carême, mais à la condition
expresse que ce soit pour mourir à
nous-mêmes et pour aimer. Alors, mais
alors seulement, étant capables de
donner la vie à autrui, nous ne serons
pas étrangers à l'acte divin
et incréé par lequel le Père
donne à son Fils sa Vie divine, son
Saint-Esprit, et à l'acte divino-humain
par lequel le Fils meurt sur la Croix pour
faire éclater en sa Résurrection
l'écorce charnelle assumée
à l'Annonciation et ainsi vivifier
et diviniser dans le Saint-Esprit les enfants
du Père.
Lundi
28 février 2011 : Saint Cassien le Romain
Tropaire,
ton 8
Par
les flots de tes larmes tu as fait fleurir le stérile
désert, par tes profonds gémissements
tu fis produire à tes peines cent fois plus,
par tes miracles étonnants tu devins un phare
éclairant le monde entier; vénérable
père Cassien, rie le Christ notre Dieu de
sauver nos âmes.
Samedi
5 mars 2011 : Samedi des défunts
Epître
: 1Th 4, 13-17 ; Evangile : Jn 5,
24-30
En
ce samedi des défunts, les divins Pères
ont prescrit de faire mémoire de tous ceux
qui, depuis l'origine des siècles, se sont
endormis dans l'amour de Dieu et l'espérance
de la résurrection, de la vie éternelle.
Dimanche
6 mars 2011
Dimanche
de la tyrophagie ou abstinence des laitages
Ce
jour nous faisons mémoire de l'exil
d'Adam, la première créature
, hors des délices du Paradis. Qu'avec
les ancêtres amèrement se lamente
le monde. Ils ont mangé la douce nourriture.
Et il tombe avec eux qui sont déchus.
Homélie
par le P. André Borrely
Depuis
le dimanche du publicain et du pharisien,
je n'ai cessé de vous dire et de vous
redire que, pour la Sainte Eglise, l'ascèse
et le jeûne sont certes très
importants, mais que c'est à la condition
expresse qu'ils redondent en uvres de
miséricorde, en amour de Dieu et des
frères. C'est ce que nous redit l'Eglise
aujourd'hui encore, au moment même de
nous faire pénétrer dans le
temps du Carême.
"C'est l'heure de nous arracher au sommeil
; le salut est maintenant plus près
de nous qu'au temps où nous avons cru...
Laissons-là les uvres de ténèbres
et revêtons les armes de lumière...
Point de ripailles ni d'orgies, pas de luxure
ni de débauche, pas de querelle ni
de jalousie". Cet appel à la conversion,
au repentir, sied parfaitement aux dispositions
intérieures avec lesquelles nous devrons,
dès demain, commencer l'ascèse
du Grand Carême.
Et une fois de plus l'Eglise, par la bouche
de Saint Paul, tient à relativiser
les comportements alimentaires. Dimanche dernier
nous avons dit dans quel contexte socioculturel
et religieux (pagano-chrétien et judéo-chrétien)
se posait, au temps de Saint Paul, la question.
Or il est intéressant de remarquer
comment l'Eglise retourne les textes : du
temps de Saint Paul, le "faible",
c'est-à-dire le judéo-chrétien
non encore totalement affranchi de la Torah
juive, "ne mange que des légumes".
En contexte chrétien fortement influencé
par les milieux monastiques, le "faible"
c'est plutôt celui qui ne peut se passer
de viande. Or l'Eglise se sert du texte de
Saint Paul pour nous dire aujourd'hui (comme
elle nous le redira dans la nuit de Pâques
avec la catéchèse de Saint Jean
Chrysostome) : "Si vous jeûnez,
ne méprisez pas celui qui ne jeûne
pas, et si vous ne jeûnez pas, celui
qui jeûne".
Mais la sainte Eglise a gardé pour
la bonne bouche, si je peux dire, le précepte
en fonction duquel l'ascèse (il est
encore question de l'ascèse dans l'Evangile
d'aujourd'hui et toujours dans le même
sens : "Quand tu jeûnes, parfume
ta tête et lave ton visage, pour que
ton jeûne soit connu non des hommes,
mais de ton Père qui est là
dans le secret." Il ne faut pas que les
autres se doutent que nous jeûnons!)
prend tout son sens et sans l'observance duquel
elle ne saurait être authentique. Il
s'agit du pardon. Dans un de ses sermons Saint
Césaire d'Arles dit : "Il y a
deux sortes d'aumône : l'une par laquelle
nous donnons aux pauvres, l'autre par laquelle
nous sommes indulgents pour nos frères
chaque fois qu'ils pèchent contre nous.
Avec l'aide de Dieu, faisons l'un et l'autre,
car l'une sans l'autre n'a pas de valeur.
Préparons-nous donc ces deux genres
d'aumône comme des ailes spirituelles
pour voler, libres et légers, vers
notre vraie patrie, la Jérusalem céleste".
Si nous sommes durs avec les autres et refusons
de leur pardonner en voulant faire respecter
notre justice, Dieu s'en tiendra avec nous
à notre justice stricte et purement
distributive. Pardonner à nos frères
nous permet de demander pardon à notre
tour, de prier avec l'espérance d'être
pardonnés. Or, si nous pratiquons l'ascèse
durant le Carême, n'est-ce pas dans
l'espérance d'obtenir le pardon de
nos fautes ? Si une rancune tenace nous empêche
de faire pleinement nôtre la cinquième
demande du "Notre Père»
c'est toute notre ascèse du Carême
qui, tel un château de cartes, s'effondre
: "Remets-nous nos dettes" (et nous
jeûnons pour te demander avec notre
corps de nous les remettre) "comme nous
aussi avons remis à nos débiteurs".
Notre mesure pour les autres sera celle que
Dieu adoptera pour nous.
Mais le modèle de notre miséricorde
et son extension indéfinie (nous devons
pardonner "soixante-dix fois sept fois",
c'est-à-dire toujours) et universelle,
est la Miséricorde divine elle-même
à notre endroit, Miséricorde
qui s'est incarnée en Jésus
de Nazareth. Le pardon, c'est la forme que
prend l'amour quand on lui a fait du tort.
Et le Christ est le pardon vivant, dans la
mesure où, étant "Un de
la Sainte Trinité" devenu homme,
il est l'Amour incarné. Nous ne pouvons
bénéficier de ce que nous appelons
la "Rédemption" sans y contribuer.
Or notre contribution, c'est l'amour du prochain
plus encore que le jeûne, même
s'il est salutaire que le jeûne creuse
en nous cet amour. Le jeûne est toujours
un moyen, il ne doit jamais être une
fin.. La fin, c'est l'amour de Dieu et des
frères. Et l'amour du prochain doit
devenir en nous pardon, dès que le
prochain prend à notre égard
l'attitude que, si souvent, nous prenons à
l'égard de Dieu, c'est-à-dire
dès que le prochain nous a fait du
tort.
Rabbi Yosé disait: "Si quelqu'un
pèche une, deux ou trois fois, on lui
pardonne ; mais non pas s'il pèche
quatre fois". Rabbi Yosé se fondait
sur deux versets bibliques : "Ainsi parle
le Seigneur: A cause de trois crimes de Juda,
même de quatre, je ne révoque
pas mon arrêt. " (Amos 2/4) et
" Le Seigneur... qui punit l'iniquité
des pères sur les enfants et sur les
enfants des enfants jusqu'à la troisième
et la quatrième génération"
(Exode 34/7). Quand donc Pierre demandait
à Jésus s'il devait pardonner
jusqu'à sept fois, il pouvait se croire
généreux ! Or le Christ lui
répond qu'il doit pardonner indéfiniment.
Si généreux qu'il soit, Pierre
se tient encore sur le terrain de la casuistique
juive, où Jésus refuse de se
laisser entraîner. Le judaïsme
rabbinique connaissait l'idée du pardon
fraternel, mais à l'intérieur
du système législatif. On discutait
du nombre de pardons légitimement accordés.
Quand Jésus répond à
Pierre qu'il doit pardonner "soixante-dix
fois sept fois", il reprend le chant
de vengeance de Lamech dans Genèse
4/24 : "Caïn sera vengé sept
fois et Lamech soixante-dix fois sept fois"
Mais Jésus retourne ce chant de vengeance
dans le sens du pardon. Dans les deux cas
le chiffre signifie que cette vengeance ou
ce pardon n'auront pas de fin. Aux déterminismes
sociologiques ou psychologiques de la vengeance
s'oppose maintenant le pardon fraternel illimité.
Comme le monde, l'Eglise connaît la
dure réalité du péché
et des offense personnelles. Le pardon seul
peut la sauver du cercle infernal : offense
(= péché), donc rancune (= péché),
c'est-à-dire le péché
engendrant le péché. Le pardon
des chrétiens ne doit pas être
un pardon de bienséance, ni un pardon
de caractère juridique mais personnel.
Il doit être bien davantage que quelques
paroles d'apaisement ou un arrangement à
l'amiable. Je dois haïr le mal (c'est
tout le sens des psaumes de vengeance que
nous avons tant de mal à prier), toutes
les formes de mal, mais je dois toujours laisser
passer le "courant" divin qui de
Dieu va vers tout homme, même si l'autre
ferme l'interrupteur ! Il vaut mieux "se
faire rouler" que de risquer le reflux
du "courant". Le Christ est offert
par Dieu à tout homme par son Père.
Il est donc essentiel que je n'entrave pas
cette communication. Il est impossible d'être
chrétien, c'est-à-dire de recevoir
dans le Saint Esprit la plénitude de
la vie divine du Christ, et de refuser de
laisser au Père la possibilité
d'être, par mon humble entremise, le
Mendiant qui frappe à la porte du cur
de tout homme, y compris de l'homme qui a
violé ma fille, tué ma femme
ou qui m'a fait passer vingt ans de ma vie
en prison ou au Goulag, alors que j'étais
parfaitement innocent.
Il est plus facile de jeûner que de
pardonner, mais le pardon est plus salutaire
encore et plus grand que le jeûne !
Lundi
7 mars 2011
DEBUT
DU GRAND CAREME
Dimanche
13 mars 2011 : 1er dimanche du Grand Carême
Dimanche
du Triomphe de l'Orthodoxie
Ton
1; Matines 9è Evangile
Epître
: Hb 11, 24-26, 32-12, 2 ; Jn 1,
43-51
TROPAIRE
Nous nous prosternons devant ta pure image,
ô Dieu bon. Nous implorons le pardon
de nos fautes, Christ notre Dieu. Car Tu
as consenti, dans ta chair, à monter
sur la Croix, afin de sauver de la servitude
de l'ennemi ceux que Tu avais créés.
C'est pourquoi nous Te crions, dans notre
gratitude': Tu as tout rempli de joie, ô
notre Sauveur, en venant sauver le monde.
KONDAKION
: Ti
hypermaho stratigo ta nikitiria
Τη
υπερμάχω στρατηγω τά νικήτιρια
Invincible
chef d'armée, à toi les accents
de la victoire! Libérée du
danger, ta ville, ô Mère de
Dieu, t'offre les hymnes de reconnaissance.
Toi dont la puissance est irrésistible,
de tout péril délivre-moi,
pour que je puisse t'acclamer : Réjouis-
toi, Epouse inépousée !
L'Orthodoxie
fête, ce jour, une grande date, celle
du 11 mars 843, qui instituait le «rétablissement
des icônes" après plus
d'un siècle d'hérésies,
de doutes, de discussions théologiques
et même de persécutions. En
effet la dernière hérésie
qui ravagea l'Eglise d'Orient fut l'iconoclasme.
Dès 726, l'Empereur Léon 111
signait le premier décret contre
les icônes, suivi de bien d'autres,
jusqu'en 786/787 où le Concile cuménique
de Nicée proclama la légitimité
du culte des saintes images, en ce sens
que la vénération dont elles
sont l'objet s'adresse à Dieu, qui
est ainsi adoré, ou aux Saints qu'elles
représentent. Toutefois la querelle
des images avait mis l'Empire à feu
et à sang, occasionnant même
deux schismes avec l'Eglise de Rome d'une
durée de 70 ans. C'est donc ainsi,
sous le règne de l'Impératrice
Théodora, décidée à
rétablir l'Orthodoxie, que prit fin
en 843 la lutte des iconoclastes.
Cependant plus tard l'objet de la fête
fut élargi: A la condamnation des
iconoclastes vint s'ajouter la célébration
du 1er dimanche de Carême et les sentences
contre les hérésies nouvelles
ou anciennes, si bien que les noms des hérétiques
sont suivis d'un triple anathème
taudis qu'on acclame, avec une triple bénédiction,
les noms des défenseurs de la foi.
De nos jours, le Dimanche de l'Orthodoxie
est la fête de la manifestation de
l'unité et de la catholicité
de l'Orthodoxie, dans tous les pays où
elle existe. Elle est la fête du triomphe
de ]'Orthodoxie, le témoignage de
sa présence universelle dans le monde,
confessant une même foi, vivant un
même dogme, unie dans une même
spiritualité, transmise par le Christ
et les Apôtres. C'est
un jour émouvant que ce dimanche,
"Triomphe de l'orthodoxie'', émouvant
parce qu'il nous rappelle toutes ces grandes
figures spirituelles qui, par leur foi,
leur courage, leur persévérance,
ont atteint la plénitude en Christ
et nous ont conservé intact, à
nous leurs héritiers indignes mais
reconnaissants, le contenu de l'Orthodoxie.
L'Orthodoxie, un grand mot et un héritage
encore plus grand pour nous qui avons été
élevés dans son enseignement.
L'Eglise aujourd'hui encourage à
suivre l'exemple de tous ceux qui, avant
nous, en firent l'expérience enrichissante
par leur témoignage, exaltant sa
présence vivifiante dans le monde.
Car l'Orthodoxie n'est pas un mythe. Elle
n'est pas non plus un objet de musée,
couvert de la poussière dorée
des siècles. L'Orthodoxie, dynamique
dans son enseignement, rayonnante dans sa
spiritualité, est celle qui nous
met en relation avec la Vie Eternelle, le
Christ glorieusement ressuscité',
pour notre salut. Elle justifie notre propre
résurrection, elle est notre "viôma".
c'est-à-dire notre principe de vie,
et ce, de manière éternelle
et inaltérable.
Notre mission est très importante
dans le monde: D'une part, quand l'humanité
ne sait plus où fixer son choix,
elle nous donne Jésus comme réalité
de notre univers. D'autre part, en un moment
où l'Occident chrétien sent
la nécessité de revenir aux
sources mêmes de sa foi, elle est
le témoignage d'une tradition inaltérable,
remontant indiscutablement aux apôtres,
après avoir traversé victorieusement
les vicissitudes des siècles, de
cette victoire que nous fêtons aujourd'hui.
Le Triomphe de l'Orthodoxie implique pour
nous la nécessité de témoigner
de la qualité de ce triomphe, par
notre foi notre dynamisme notre disponibilité
envers les autres, notre richesse spirituelle
et liturgique. Autant d'exigences que nous
négligeons et qui ternissent en nous
le sens réel de notre confession.
Que ce Dimanche de l'Orthodoxie nous rappelle
la grandeur de notre vocation et, à
l'exemple de nos prédécesseurs
dont nous célébrons la mémoire,
nous arme de persévérance,
d'espoir et d'amour.
Homélie
du Père André Borrély
recteur de la Paroisse Saint Irénée
à Marseille (France)
Si nous voulons pénétrer quelque
peu dans la profondeur de cette célébration
dominicale, je crois que nous devons procéder
en trois temps et selon une progression historique.
Dans les premiers siècles de l'histoire
de l'Eglise, le baptême était
administré dans la nuit pascale et
non point, comme c'est le cas, hélas,
de nos jours, à n'importe quel moment
de l'année selon les convenances individualistes
des familles. Au commencement du Carême,
le catéchumène se présentait
à l'Evêque accompagné
de deux chrétiens qui répondaient
de lui, en qualité de parrains. Il
était soumis à un interrogatoire.
S'il était jugé digne, l'Evêque
prenait son nom et un prêtre l'inscrivait
sur un registre contenant les noms de tous
les chrétiens et que l'on conservait
avec soin dans les archives de l'Eglise. Saint
Basile compare ce registre aux rôles
où étaient recensés les
soldats.
De fait, plus d'un catéchumène
n'arriva pas jusqu'à la vigile pascale
et fut baptisé non point dans l'eau
de la piscine baptismale, mais dans son propre
sang de martyr. Car, au moment des persécutions,
lorsque les registres étaient saisis,
la police impériale faisait subir les
mêmes interrogatoires aux catéchumènes
et aux fidèles, interrogatoires dont
l'issue pouvait être soit l'apostasie,
soit le martyre.
Pour comprendre les lectures bibliques que
nous venons d'entendre, il ne faut donc pas
perdre de vue qu'elles formaient une partie
intégrante de la catéchèse
chrétienne primitive : elles avaient
pour fonction essentielle de préparer
les catéchumènes au mystère
pascal de leur prochain baptême. De
là le choix, par la sainte Eglise,
du 2è chapitre de l'épître
aux Hébreux : tous les justes de l'Ancien
Testament, les prophètes Zacharie et
Jérémie, qui furent lapidés,
Isaïe à qui le roi Manassé
infligea le supplice de la scie, tous ceux
qui, à la période maccabéenne,
c'est-à-dire de 167 à 164 avant
notre ère, subirent la persécution
du roi séleucide Antiochus IV Épiphane,
et Jean-Baptiste lui-même dont Jésus
avait dit que « le plus petit dans le
Royaume des Cieux est plus grand que lui »
( Mt 11, 11 ), tous ces gens-là ne
connurent pas ce que les catéchumènes
vont expérimenter dans la nuit de Pâques.
En cette nuit lumineuse ils vont avoir la
vision de ce dont parle Jésus à
ses disciples dans l'Evangile d'aujourd'hui
: «Vous verrez le ciel ouvert et les
anges de Dieu monter et descendre au-dessus
du Fils de l'homme ». Le Christ ne vient
pas conquérir la terre, mais rétablir
l'échelle de Jacob, c'est-à-dire
la communication entre la terre et le ciel.
Il est lui-même cette échelle
qui unit l'homme à Dieu. Le baptême
restaure la divine ressemblance en l'homme.
Par le baptême, la nature humaine pénétrée
jusqu'à la moelle par les énergies
divines, est restaurée et refondue,
lustrée et exorcisée, repétrie
et recréée, rénovée
et régénérée dans
le Saint-Esprit. Par le baptême s'effectue
la déification de l'homme. Par le mystère
pascal de l'immersion / émersion baptismale,
l'homme devient icône.
De là le deuxième thème
de cette célébration. Au 8e
et au 9è siècles, l'Eglise eut
à combattre l'iconoclasme et à
lui répondre que la vénération
(non point l'adoration, mais la vénération)
des icônes avait pour signification
fondamentale de témoigner de la foi
orthodoxe en la possibilité pour l'humanité
d'être transfigurée, déifiée
par le Saint-Esprit. Le kondakion de ce dimanche
de l'Orthodoxie affirme cette foi de l'Eglise
: l'Un de la divine Trinité est devenu
l'un des hommes afin que l'homme devienne
icône très ressemblante de la
divinité qui pénétra
de part en part l'humanité de Jésus
de Nazareth.
«Le Verbe de Dieu que l'univers ne peut
contenir se laisse circonscrire en s'incarnant
de toi, ô Mère de Dieu, et restaure
l'antique image l'antique icône souillée
par le péché en lui ajoutant
sa divine beauté. Confessant le salut
en parole et en action, restaurons nous aussi
notre ressemblance avec Dieu.»
Le mystère pascal du baptême
et celui des icônes témoignent
de la même foi de l'Eglise orthodoxe
en le fait que le salut en Christ est fondamentalement
une participation, une communion réelle
à Dieu, l'extension jusqu'aux hommes
de l'acte générateur éternel
du Père sur son Fils auquel il donne
la plénitude de son Saint-Esprit. Les
icônes nous montrent des hommes et femmes
qui, nous dit saint Grégoire Palamas
que nous fêterons dimanche prochain,
«sont devenus divins par la participation
à l'Esprit», des hommes et des
femmes qui ont réalisé la finalité
véritable de leur baptême.
Or, que le salut en Christ soit bel et bien
cela, qu'il consiste, pour la créature
humaine, à devenir divine tout en respectant
la radicale transcendance du Tout Autre, qu'être
sauvé par le Christ et baptisé
dans le Saint-Esprit signifie que l'homme
entre en possession d'un bien appartenant
fondamentalement à Dieu, cela, non
seulement n'est pas évident à
nombre de chrétiens qui n'appartiennent
pas à l'Eglise orthodoxe, mais cela
est même délibérément
rejeté par beaucoup d'entre eux.
J'en viens ainsi à la troisième
dimension de cette célébration,
la plus récemment apparue dans notre
praxis ecclésiale. Dans le contexte
socio-historique de notre diaspora orthodoxe
faite, hélas, d'émiettement
juridictionnel, où les diocèses,
au lieu d'être, conformément
à l'authentique Tradition de l'Eglise,
territoriaux sont des diocèses ethniques
au sein desquels on risque, en des combats
d'arrière-garde, de cultiver une identité
et une différence trop humaines, d'accorder
à la langue, à la nation, aux
traditions avec un «t» minuscule
une importance idolâtrique, il est vital,
il est capital que nous retournions à
l'essentiel que nous indique l'approche orthodoxe
du baptême et de l'icône. De toutes
les religions, le christianisme, et à
l'intérieur de la relation chrétienne,
l'Orthodoxie, dans la mesure où nous
tenons celle-ci pour «la plénitude
de l'Eglise» du Christ, «to plèroma
tès Ekklèsias» comme dit
la prière du prêtre à
l'ambon à la fin de la divine liturgie,
de toutes les expressions de l'expérience
religieuse, l'Orthodoxie est celle qui peut
le moins conserver son intégrité
dès lors que ses fidèles perdent
entre eux l'unité. Car, l'unique dessein
divin sur les hommes est de rendre ceux-ci,
dans l'Eglise, à la réplique,
à l'image (à l'icône,
pourrait-on dire) et selon la ressemblance
iconique de la divine Trinité, c'est-à-dire
un et divers, un mais non point uniformes,
un en une diversité sans divergence.
En Christ est créée entre les
hommes une consubstantialité, une unité
d'une profondeur inouïe, celle consistant
à avoir pour commune destinée
une identique vocation d'acquérir le
Saint-Esprit, de participer à la vie
divine elle-même.
Nous autres, Orthodoxes, dans un monde désormais
peuplé d'hommes et de femmes qui souffrent,
parfois atrocement, du «désespoir
du sens», dans une société
où l'on rencontre de moins en moins
de «ces chênes qu'on abat»,
mais plutôt de chétives et fragiles
plantes d'appartement éprises de tendresse
et de compassion, légitimement révoltées
par la morale autoritaire, justement écurées
par la morale conventionnelle et en attente
secrète d'une éthique réalisant
la correspondance dynamique de la liberté
personnelle et de la vérité
existentielle de l'homme, dans une société
(celle, notamment du SIDA) où la sexualité
est omniprésente, moins refoulée
que jadis mais aussi plus discontinue et où,
dans ce contexte, les hommes et les femmes
ont faim et soif d'un authentique accomplissement
de l'éros, dans un monde post-chrétien
où la personne humaine est dépossédée
de tout fondement inattaquable et où
les individus s'entrechoquent comme des atomes
alors que l'être humain en tant que
personne est pré-construit pour la
communion, dans tout ce contexte de culture
et de civilisation, nous autres Orthodoxes
avons infiniment mieux à faire que
de nous diviser, de nous jalouser pour de
lilliputiennes questions de calendrier, de
langue liturgique ou de myopie nationaliste.
Nous devons, je le répète, aller
à l'essentiel, nous préoccuper
de l'Unique Nécessaire. Et l'essentiel,
c'est la proclamation à la face du
monde, urbi et orbi, à temps et à
contretemps, que notre Père céleste
enserre l'Eglise dans l'énergie divine
et incréée de l'Esprit Saint,
qu'alors qu'il n'a qu'un Fils Unique Engendré,
Dieu, par son Saint-Esprit, se donne des fils
réellement, effectivement. Affolée
de souffrance et haletante pour avoir perdu
l'espérance, l'humanité qui
s'apprête à pénétrer
dans le troisième millénaire
avec la peur du SIDA et l'angoisse du chômage,
a besoin de réentendre la Bonne Nouvelle,
«to Evanguélion» à
savoir que Dieu s'est fait homme pour que
l'homme devienne Dieu. Or, qui d'autre que
nous, je vous le demande, qui d'autre que
nous proclamera cette Bonne Nouvelle-là,
avec cet accent-là : Orthodoxes, allons
donc à l'essentiel et allons-y sans
tarder, car le temps presse et, comme dit
saint Paul dans l'épître aux
Ephésiens, «les jours sont mauvais»
(Eph 5,16). Amen.
Dimanche
20 mars 2011 : 2ème dimanche du Grand Carême
Dimanche
de St Grégoire PALAMAS
Ton
2 ; Matines : 10è Evangile
Epître
: Hb 1, 10 - 2, 3 ; Evangile : Mc
2, 1-12
Nous
voici arrivés à la seconde semaine
de notre Carême, mais non pas au but
de notre lente ascension spirituelle. Car
le Carême signifie pour nous Passion,
Crucifixion, avant de nous faire renaître
à la Résurrection.
Il y a dans notre démarche pendant
la période de Carême un parallélisme
avec l'uvre salvatrice de Jésus.
Lui aussi, quand il était dans le désert,
s'est préparé à sa mission
par une longue période de privation;
Lui aussi a marché vers le triomphe
de sa Résurrection par le chemin douloureux
et humiliant de la Croix. Nouvel Adam, Il
nous invite à suivre ses pas ; car
si le grain ne meurt, il ne vivra pas, il
ne portera pas de fruits.
Mais nous, comment atteindre quelque résultat
positif ?
Malgré nos faiblesses, malgré
nos passions mauvaises, car la chute de nos
premiers parents prolonge ses séquelles
jusqu'à nous. Le mal intérieur
n'a point disparu et toute la force créatrice
que Dieu a soufflée en nous, en nous
créant à Son image et à
Sa ressemblance est sans cesse détournée
de son but initial par notre orgueil ou notre
ignorance.
Voici donc le chemin de notre croix.
Est-il possible de mourir à tout cela,
de décanter notre âme de sa profonde
détresse, de tout son désespoir
? Est-il possible enfin, alors chemin-là
que Dieu lui-même semble nous abandonner,
de revenir à toute communion avec Lui
?
Remonter ce est un acte héroïque,
un acte de courage extrême, la volonté
d'une participation dynamique à la
gloire de Dieu, tout pécheur que l'on
soit. Mais où trouver la force spirituelle
pour dépasser la nécessité
de cette croix ?
Devant le désespoir, Jésus s'avance.
Il vient visiter l'homme dans sa détresse,
lui offrant le don de sa divine personne.
En cela, la nature humaine à son tour
sanctifiée, déifiée,
retrouve sa nature parfaite d'avant le péché
Jésus s'avance vers nous, avec douceur
et amour. Il nous appelle à la passion
pour nous associer plus intimement à
la gloire éclatante de la Résurrection.
TROPAIRE
Lumière de l'Orthodoxie, soutien
et maître de l'Eglise, beauté
des moines, invincible champion des théologiens,
Grégoire le thaumaturge, fierté
de Thessalonique, héraut de la grâce,
intercède en tout temps pour le salut
de nos âmes.
Saint
Grégoire Palamas, moine, théologien
et archevêque de Thessalonique (+
359), est le plus célèbre
défenseur de la doctrine mystique
connue sous le nom d'hésychasme Cette
doctrine soutient qu'il est possible, sur
cette terre, d'arriver à la contemplation
de la lumière divine, éclat
de la divinité dont resplendit le
Christ au Mont Thabor: "Dieu, dans
son essence, est totalement inaccessible.
Dans ses énergies (c'est-à-dire
sa gloire dans laquelle il vit et règne),
il est totalement participable." Ce
Dieu donc "caché" est un
Dieu qui "se révèle"
aussi. Dieu, après avoir transfiguré
notre humanité par l'Incarnation
de Notre Seigneur Jésus-Christ, veut
se communiquer à l'homme total. Sa
lumière et sa vie nous sont communiquées
par l'Esprit Saint; celui qui y participe,
est déifié.
La collaboration donc de Dieu et de l'homme
(synergie) est une rencontre, une présence
de l'homme à la présence de
Dieu, une communion, un mystère d'amour
dont la grâce et la liberté
sont les aspects simultanés et inséparables.
Cette participation de l'homme à
la vie divine, c'est la sainteté.
Les Conciles de 1341 et de 1351 ont dogmatisé
cette doctrine. En 1352, le Patriarche Calliste
inséra dans le Synodikon du Dimanche
de l'Orthodoxie 1er du Carême) des
acclamations à Palamas et un anathémathisme
contre ses opposants. Enfin, en 1368, le
Patriarche de Constantinople, Philothée,
le proclama saint et, après avoir
fixé sa fête au 14 novembre,
établit une commémoration
au 2ème dimanche de Carême
et composa un office en son honneur.
Vendredi
25 mars 2011
Annonciation
de la Très Sainte Mère de Dieu et
toujours vierge Marie
Epître
: Hb 2, 11-18 ; Evangile : Lc 1, 24-38
Tropaire
de l'Annonciation, ton 1
Aujourd'hui
s'accomplit notre salut et le mystère d'avant
les siècles est révélé.
Le Fils de Dieu devient Fils de la Vierge et Gabriel
annonce la bonne nouvelle de la grâce. Avec
lui clamons à la Mère de Dieu : Réjouis-toi,
pleine de grâce, le Seigneur est avec toi.
Dimanche
27 mars 2011 : 3è dimanche du Grand Carême
TROPAIRE
Sauve, Seigneur, ton peuple ; bénis
ton héritage. Accorde à nos
chefs victoire sur les ennemis. Garde par
ta Croix ce pays qui est tien.
A la Liturgie, au lieu du Trisaghion,
on chante :
Nous adorons, Seigneur, Ta Croix ; nous
glorifions Ta Sainte Résurrection
(3 fois).
Durant
l'année liturgique, notre Eglise
fête deux fois la vénération
de la Sainte Croix : le 14 septembre, qui
rappelle le souvenir de la découverte
du Bois sacré par les soins de l'Impératrice
Hélène au 4è siècle,
et ce 3è dimanche de Carême
qui est spécialement consacré
au culte de la Croix.
L'origine de l'office d'aujourd'hui est
constantinopolitaine. Elle s'étendit
plus tardivement dans toutes les Eglises
byzantines. Elle rappelait, semble-t-il,
le souvenir du transfert d'Empennée
(Syrie) à Constantinople d'une relique
de la vraie Croix, sans doute sous l'Empereur
Justin 1er (518-527) ou Justin 2 (565-578).
Le premier témoignage nous vient
de l'Empereur Constantin Porphyrogénète
(10è siècle). Le premier rituel
qui la mentionne ne remonte pas au-delà
du 11è siècle. Le Kondakion final à la Liturgie
(Chant avant le Trisaghion):
"Invincible Chef d'année"...
(Ti hypermacho stratigo ... ) Le chant de communion : Fais lever
sur nous la lumière de Ta Face, Alleluia.
LE
RITUEL DE LA PROCESSION DE LA CROIX
Une croix est déposée sur un
grand plateau couvert de fleurs parmi, lesquelles
brûlent trois cierges. Avant la procession,
on place le plateau sur l'autel. L'officiant
encense trois fois l'autel et le plateau,
puis il prend le plateau, fait le tour de
l'autel de droite à gauche et sort
par la porte du Nord précédé
des prêtres et des diacres portant des
encensoirs, tandis que le chur chante
la grande Doxologie.
La procession fait trois fois le tour de l'Eglise
; arrivé au troisième tour,
au milieu du chur, l'officiant proclame
: "Sagesse ! Debout !" (Sophia !
Orthi !), puis il dépose le plateau
sur une table en chantant le tropaire. "Sauve,
Seigneur, ton peuple" ... (voir plus
haut), que le chur reprend ensuite.
Enfin, l'officiant se prosterne devant la
vénérable Croix en chantant
le verset : "Nous adorons, Seigneur,
Ta Croix "...(voir plus haut), que le
chur reprend également.
Puis l'officiant baise la Croix et tout le
clergé et les fidèles s'avancent
par ordre, après lui, pour vénérer
la Croix et recevoir une fleur du plateau.
Texte
à méditer
tiré du Canon de St André de
Crète, chanté durant le Carême Mon âme, ô mon âme, tu
sommeilles, réveille-toi. Car le terme
est proche et le trouble qui va te saisir
est imminent. Laisse là ta torpeur,
afin que Christ Dieu te fasse miséricorde,
Lui qui est partout présent et qui
remplit toute chose.
Lorsque
la Croix se dressa sur le Golgotha, lourde
de toute la souffrance de Jésus, toute
la création fut soudain plongée
dans la terreur. Et si les montagnes et les
entrailles de la terre se fendirent et s'ébranlèrent,
combien plus l'enfer qui perdait sa proie:
l'homme enchaîné par le péché
d'Adam et libéré par la passion
et la Croix du Christ.
Jésus cloué sur la Croix. Quel
homme pourra jamais englober dans son esprit,
sa logique, son raisonnement, la folie de
l'amour de Dieu qui se donne tout entier pour
cette créature qu'il a aimée
au point de se vouloir le plus humble?
Cette Croix, ce n'était rien d'autre
que deux solides madriers cloués l'un
en travers de l'autre. C'était aussi
du bois gonflé de sueur et de sang
qui montait lentement vers le Golgotha et
qui prenait la souffrance du Christ pour en
faire de l'espérance, l'espérance
de la rémission et du pardon, la déification
de l'homme nouveau par la Résurrection.
C'est cela la Croix de Jésus dressée
sur le Golgotha. Suivre le Christ, c'est partager
cette Croix de la Passion du Christ: "Si
quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il
se renie lui-même, qu'il prenne sa croix
et me suive".
Voici la Croix victorieuse. Le Christ nous
la propose. Non plus la croix des suppliciés,
tordue et déformée, mais la
Croix toute droite de la Résurrection,
nouvel axe du monde. La Croix qui terrifie
les ennemis de Dieu, qui comble de joie et
de paix ceux qui l'aiment. "Si quelqu'un
veut... "
Alors rien d'étonnant que la Croix
devienne le plus bel ornement de l'Eglise;
car le long de son bois s'est écoulé
le sang divin, celui de la nouvelle Alliance,
répandu pour beaucoup en rémission
des péchés. Rien d'étonnant
non plus à ce que l'Eglise nous invite
à la vénérer comme celle
qui a été le point de mire des
siècles, la rencontre entre la vérité
et la miséricorde, la justice et la
Vie éternelle.
Dimanche
3 avril 2011 : 4è dimanche du Grand Carème
Dimanche
de St Jean Climaque
Ton
4 ; Matines : 1er Evangile
Liturgie
de St Basile : Hb 6, 13-20 ; Mc 9, 17-31
Saint
Jean dont nous commémorons aujourd'hui
la mémoire, est appelé "Climaque"
à cause du titre de son célèbre
ouvrage ascétique : "L'Echelle
(en grec, Klimax ) des vertus". Saint
Jean Climaque est fêté le 30
mars. C'est seulement vers le 14ème
siècle, semble-t-il, qu'on fixa à
ce 4ème dimanche du Carême la
commémoraison de ce saint ascète,
comme modèle de pénitence, et
aussi parce que, dans les monastères,
on a coutume de lire son ouvrage en temps
de Carême.
A l'âge de 16 ans, St Jean Climaque
entra au couvent du Sinaï, où
il eut pour maître Anastase, le futur
Patriarche d'Antioche. Dix-neuf ans après,
il entra dans le stade de la vie contemplative,
appelé hésychasme. Après
40 ans de cette vie, il devint higoumène
de la Sainte Montagne du Sinaï, mais
se retira à nouveau quelques années
plus tard dans la solitude.
Son traité des vertus comprend 30 chapitres.
Partant des vertus pratiques pour arriver
aux vertus théoriques ou mystiques,
cette étude fait monter l'homme, comme
par autant de degrés, jusqu'aux hauteurs
célestes (d'où le titre de KLIMAX
ou ECHELLE des vertus). Saint Jean Climaque
mourut vers 649.
TROPAIRE
Par les flots de tes larmes, tu as fait fleurir
le désert aride; par tes profonds gémissements,
tu as fait rendre à tes souffrances
des fruits au centuple. Tu es devenu par tes
miracles un brillant flambeau pour l'univers.
Prie le Christ Dieu, ô bienheureux Père
Jean, de sauver nos âmes.
Extrait
des prières secrètes de la Liturgie
des Présanctifiés :
"
Fais luire, Seigneur, ton visage sur ceux
qui se préparent à la Sainte
Illumination et qui désirent secouer
la souillure du péché. Eclaire
leur esprit. Confirme-les dans la foi. Affermis-les
dans (espérance. Perfectionne-les dans
la charité. Fais-en des membres précieux
de ton Christ, qui s'est donné en rançon
pour nos âmes. Car Tu es notre illumination
et nous Te rendons gloire, Père, Fils
et Saint Esprit, maintenant et toujours et
dans les siècles des siècles.
Amen. "
Textes
bibliques de la Divine Liturgie : Hébr.
6/13-20 et Marc 9 /17-31.
Jésus
est attristé par l'incrédulité
de la foule. Il y avait certes le père
du possédé qui demandait un
miracle, mais c'était à tout
hasard, sans être bien assuré
du pouvoir dé Jésus. Quant
à la foule, amusée, elle se
promettait un spectacle peu ordinaire.
Jésus reste impassible devant tant
d'indifférence. Il souffre de voir
tous ces gens agir de la sorte, mais il
veut réveiller dans l'âme du
père de l'enfant malade la petite
flamme nécessaire pour que le miracle
ait un sens véritable, la petite
flamme de la foi.Il ne guérit que
pour fonder la foi ; il exige d'abord la
foi et c'est par elle que le miracle arrive.
"Je crois, Seigneur, viens en aide
à mon peu de foi".
Ce récit, nous pouvons facilement
le transposer pour nous. Nous pouvons nous
demander si nous sommes réellement
l'image de ce père ou de la foule
avide de spectacle et, au fond, indifférente.
Car c'est là qu'est pour nous le
fond du problème.
L'Eglise, en effet, nous présente
le Christ, homme et Dieu à la fois,
tantôt roi de l'univers, tantôt
étiré comme un malfaiteur
sur la Croix. Elle nous le montre tantôt
outragé, battu, insulté, et
tantôt glorieux dans sa Résurrection.
Elle nous affirme que l'entrée du
Royaume nous a été ouverte
par le Sauveur Jésus-Christ, en qui
s'est réalisée la promesse
de Dieu à Abraham. Mais elle nous
rappelle aussi que, sans la foi, rien de
tout cela n'est possible.
Ainsi l'essentiel pour nous, à travers
les témoignages incontestables des
Saintes Ecritures, à travers l'attente
des prophètes de l'Ancien Testament,
à travers le Fiat de la Vierge Marie,
à travers les Apôtres et la
continuité de l'Eglise, à
travers aussi les constatations et les découvertes
scientifiques, l'essentiel est la foi, au
niveau de notre intelligence, certes, mais
aussi au niveau de notre coeur, ce coeur
de pierre que Jésus veut changer
en coeur de chair. Sans la foi, rien n'est
possible; sans la foi, Jésus est
le fruit d'une judicieuse machination. Sans
la foi, Dieu n'existe pas.
Dimanche
10 avril 2011 : 5è dimanche du Grand Carême
Dimanche
de Ste Marie l'Egyptienne
Ton
5 ; Matines : 2è Evangile
Epître
: Ga 3, 23 - 4, 5 ; Lc 7, 36-50
TROPAIRE
de MARIE L'EGYPTIENNE
En
toi, Mère, s'est réalisée
sans défaut la divine image. Prenant
la croix, tu as suivi le Christ. Par tes
uvres tu as enseigné à
mépriser la chair qui passe et à
s'occuper de l'âme, créature
immortelle. Aussi ton âme, O bienheureuse
Marie, se réjouit-elle avec les Anges.
Vendredi
passé de la 5è semaine du
Carême, fut chanté pour la
dernière fois de l'année l'hymne
de l'Acathiste en l'honneur de la Très
Sainte Mère de Dieu. Nous en rappelons
le Tropaire :
Lorsque l'Ange prit connaissance de l'ordre
mystérieux, il se présenta
aussitôt dans la maison de Joseph
et dit à la Vierge : Celui qui, en
descendant sur la terre, a incliné
les cieux, demeure entièrement en
toi, sans éprouver de changement.
Le voyant dans ton sein prendre la forme
d'un esclave, de stupeur vers toi je m'écrie
: "Réjouis-toi, Epouse inépousée
!".
Il
semblerait que, dès le 11è
siècle, notre Eglise tint à
commémorer, le 5è dimanche
de Carême, la mémoire de Marie
l'Egyptienne, cette grande pénitente,
pour exhorter, par son exemple, les pécheurs
à la pénitence.
Notre sainte Mère Marie était
native d'Egypte. Dès l'âge
de douze ans elle quitta ses parents pour
se rendre à Alexandrie où
elle mena pendant dix-sept ans une vie de
débauche. Puis un jour, poussée
par la curiosité, elle s'embarqua
pour Jérusalem avec une foule de
Lybiens et d'Egyptiens, offrant son corps
pour prix de la traversée et entraînant
beaucoup d'hommes dans l'abîme de
perdition. Quand ils parvinrent à
la Ville Sainte, elle suivit la foule qui
se pressait vers la basilique de la Résurrection,
le jour de l'Exaltation de la Croix. Mais
lorsqu'elle parvint sur le seuil de l'église,
une force invisible l'empêcha d'y
entrer malgré ses efforts réitérés,
alors que les autres pèlerins franchissaient
aisément la porte. Son cur
en fut frappé et, face à l'icône
de la Mère de Dieu, il lui apparut
qu'elle devait changer de vie pour apaiser
Dieu par sa pénitence. Dans ces sentiments,
elle revint à l'église et
y pénétra facilement. Quand
elle eut adoré la vénérable
Croix, elle quitta le jour même Jérusalem,
traversa le Jourdain et se rendit dans le
désert intérieur, où
elle mena pendant 47 ans une vie d'extrême
austérité, au-dessus du pouvoir
de l'homme, priant seule le seul Dieu sans
rencontrer personne, ni homme, ni animal.
Après tant d'années, elle
rencontra un ermite du nom de Zozime. Après
lui avoir raconté sa vie depuis le
début, elle le pria de lui apporter
en communion les Mystères Immaculés,
le Grand Jeudi de l'année suivante,
ce que Zozime accomplit fidèlement.
L'année d'après en revenant,
Zozime la trouva morte, étendue sur
la terre, et près d'elle ces mots
qui disaient : "Père Zozime,
ensevelis le corps de la misérable
Marie. Je suis morte le jour où j'ai
communié aux Saints Mystères.
Prie pour moi». Sa mort était
survenue en l'an 398.
Sa
mémoire est aussi célébrée
le 1er avril.
KYRIE
ELEISON !
Dans
une semaine, nous entrons dans la période
liturgique dite de la Grande Semaine ou
Semaine Sainte ; nous allons revivre, comme
chaque année, toutes les étapes
et les péripéties par lesquelles
Jésus, à la fois vrai Dieu
et vrai homme, est mort sur la Croix puis
ressuscité pour notre salut.
Ce don sublime de notre résurrection
et de notre libération des chaînes
du mal, Dieu nous l'a accordé par
amour total, entier. Parce qu'il est ami
des hommes et miséricordieux. Tel
est le sens de notre demande, lorsque des
milliers de fois dans notre vie, nous aurons
prononcé, comme Marie l'Egyptienne,
le "kyrie eleison", "Seigneur,
prends pitié de nous, ne nous abandonne
pas, donne-nous ta miséricorde".
La miséricorde de Dieu n'est rien
d'autre sinon la grâce de l'Esprit
Saint, que nous devons demander sans cesse.
"Seigneur, aie pitié de moi,
pécheur, et reçois-moi de
nouveau dans ta grâce ; comble-moi
de l'esprit de force, afin que, fortifié,
je puisse résister aux tentations
du diable et à la mauvaise habitude
qui s'est installée en moi de commettre
le péché ; donne-moi l'esprit
de sagesse, afin que je devienne sage, que
je prenne conscience de ce que je suis,
que je me corrige. Donne-moi, Seigneur,
l'esprit de crainte, afin que je Te craigne
et que je garde tes commandements ; donne-moi
l'esprit d'amour, afin que je T'aime et
que je ne me sépare plus de Toi ;
l'esprit de paix, afin que mon âme
soit en paix ; donne-moi l'esprit de pureté,
afin que je sois épargné de
toute souillure ; l'esprit d'humilité
afin que je ne me considère pas avec
orgueil devant les hommes, mes frères.
Telles sont les dernières pensées
de notre préparation à la
Semaine Sainte, à la fin de cette
grande période de Carême. Des
pensées de repentir, d'amour sincère,
de confiance et d'espoir envers le Christ
souffrant sur la Croix, triomphant par sa
Résurrection.
Car comment peut-on recevoir la miséricorde
de Dieu, sans en ressentir le besoin et
sans avoir la conviction qu'on est comblé
par cette grâce de Dieu ?
Samedi
16 avril 2011 : Samedi du Saint et Juste Lazare
Liturgie
de St Jean Chrysostome : Epître Hb 12,
28 - 13, 8 ; Evangile Jn 11, 1-45
C'est
avec cet éclatant miracle que nous entrons
dans les solennités la Semaine Sainte.
L'office de ce jour, en comportant quelques
unes des particularités de l'office de
la Résurrection du Seigneur, nous préfigure
ce que sera la propre Résurrection de
Jésus et nous annonce la grand joie qui
suivra, après la Passion et la Crucifixion.
Mais aussi, nous voyons ce que sera notre propre
résurrection, une fois rachetés
par le sacrifice du Christ.
TROPAIRE
Voulant, avant ta Passion, fonder notre foi
en la commune résurrection, Tu as ressuscité
Lazare d'entre les morts, ô Christ Dieu.
C'est pourquoi, comme les enfants d'alors,
nous portons les symboles de la victoire et
Te chantons, à Toi, vainqueur de la
mort: "Hosanna au plus haut des cieux!
Béni soit Celui qui vient au nom du
Seigneur !"
Dimanche
17 avril 2011 : Dimanche avant Pâques
Dimanche
des Rameaux Entrée de Notre Seigneur à
Jérusalem
Epître
: Ph 4, 4-9 ; Evangile : Jn 12, 1-18
1er
TROPAIRE
C'est celui du Samedi de Lazare. 2è TROPAIRE
Ensevelis avec Toi par le baptême,
Christ notre Dieu, nous avons été
rendus, par Ta Résurrection, clignes
de la vie immortelle. Avec des hymnes nous
Te chantons: "Hosanna au plus haut
des cieux! Béni soit Celui qui vient
au nom du Seigneur." KONDAKION
Au Ciel assis sur un trône, ici-bas
sur un ânon, Christ Dieu, reçois
la louange des anges et les hymnes des enfants
qui Te crient: " Tu es béni,
Toi qui viens rappeler Adam". CHANT DE COMMUNION
Béni soit celui qui vient au nom
du Seigneur. Le Seigneur est Dieu, Il nous
est apparu. Alléluia. HYMNE à
la VIERGE chanté durant
la Liturgie après la Consécration
des Saints Dons
Le Seigneur est Dieu, Il nous est apparu.
Organisez une fête et, pleins d'allégresse,
allons magnifier le Christ avec des palmes
et des rameaux chantant cet hymne: "Béni
soit Celui qui vient au nom du Seigneur,
notre Sauveur"
Etrange
manière pour un roi de prendre possession
de sa ville, assis sur le dos d'un ânon
et marchant volontairement vers l'infâme
supplice de la Croix. Etrange explosion
d'enthousiasme d'une foule qui, cinq jours
plus tard, va crier. " Crucifiez-le".
Etrange dessein de Dieu qui, dans son amour
des hommes, change le cours de l'histoire,
intervertissant même l'ordre logique
des humains : la Transfiguration qui précède
la Passion et la Résurrection, la
prise de possession de la Jérusalem
céleste avant que l'heure n'arrive,
l'onction du corps par Marie avant que la
mort n'arrive sur la Croix.
Le Christ entre en roi dans la capitale
de son royaume céleste, Lui qui tant
de fois a fui les populaces prêtes
à l'acclamer comme Messie, il accepte
l'humble hommage de toutes ces personnes
qui viennent l'accueillir.
Il est roi parce qu'il réunit en
lui l'humanité tout entière,
parce que, par lui, l'homme et tous les
hommes retrouveront leur état naturel
d'avant le péché, dans la
sainteté initiale. C'est ce miracle-là
qui construira la Jérusalem céleste,
nouvelle capitale pour l'humanité.
Et puis, il y a les disciples, ceux qu'il
a préparés mais qui ne comprennent
pas encore; il leur faudra voir aujourd'hui,
avant la dégradation et la Passion,
ce que sera la gloire de demain; pour eux
aussi, Jésus se montre en gloire.
Mais pour nous aussi, pour affermir notre
foi, relever nos doutes, renforcer notre
courage. Autrement, comment pourrons-nous
être citoyens de ce royaume nouveau
? Comment pourrons nous vivre notre vocation
d'enfants de Dieu, si nous ne nous sentons
pas entièrement solidaires du Christ,
Sauveur et Roi ?
Déjà tinte le glas de la Passion.
Mais lorsque "tout sera accompli",
alors nous saurons que notre foi se fonde
dans sa Résurrection.
GRANDE
ET SAINTE SEMAINE DE LA PASSION
Grands
Lundi, Mardi et Mercredi :18, 19 et 20 avril 2011
Le
thème essentiel qui va se répéter
pendant ces trois jours de la Semaine Sainte
est celui de la "Prière de l'Epoux".
L'Office
de l'Epoux est celui de la vigilance eschatologique
: tout notre être est invité
à entrer dans une attitude d'ascèse,
d'attention et d'éveil dans l'attente
de la venue pascale. Le Christ est symbolisé
comme l'Epoux qui vient dans la nuit illuminer
notre âme et l'exhorter à recevoir
le Royaume.
"Voici
que survient l'Epoux au milieu de la nuit.
Heureux le serviteur qu'il trouvera éveillé.
Malheureux celui qu'il trouvera indolent
! Vois donc, ô mon âme, ne te
laisse pas vaincre par le sommeil : à
la mort tu sera livrée ; hors du
Royaume tu serais rejetée. Mais dégrise-toi
et dis : Saint, Saint, Saint es-Tu, ô
Dieu ! Par la Mère de Dieu, aie pitié
de nous !"
Un
autre grand thème fait allusion au
repas céleste auquel nous sommes
tous conviés, à la condition
de revêtir notre âme d'un habit
convenable : "Je vois, mon Sauveur,
ta chambre nuptiale toute garnie et je n'ai
pas d'habit pour y entrer ; fais donc briller
le vêtement de mon âme, ô
Donneur de Lumière, et sauve-moi."
Lectures
de l'Evangile :
Lundi
Saint : La parabole du Figuier maudit :
Mt 21, 18-43
Mardi
Saint : Le tribut à César
: Mt 22, 15 - 23, 39
Mercredi
Saint : Jésus annonce sa mort et
sa Résurrection : Jn 12, 17-50
Grand
Jeudi : 21 avril 2011
Le
Jeudi Saint, notre Eglise commémore
le souvenir de la dernière Cène
où fut instituée par le Christ
l'Eucharistie. C'est en mémorial
de la mort et de la résurrection
du Sauveur que nous offrons le sacrifice
non sanglant de la Divine Liturgie et que
nous recevons l'Eucharistie en rémission
de nos péchés et en gage de
vie éternelle. L'office de la Liturgie
célébrée est celui
de St Basile le Grand, combinée avec
celui des vêpres où l'on mentionne
la trahison de Judas qui osa prendre part
à ce dernier repas, alors que déjà
il pensait trahir et livrer son Maître
: "En vérité, Judas est
semblable à ceux qui mangèrent
la manne dans le désert et murmurèrent
contre leur Bienfaiteur. Les ingrats avaient
encore la nourriture dans la bouche qu'ils
se plaignaient de Dieu. De même Judas,
le Pain céleste à la bouche,
préparait sa trahison contre le Sauveur.
Oh ! Cupidité ! Oh ! Cruelle audace
! Il vend Celui qui le nourrit ; il livre
à la mort son Maître en lui
donnant un baiser. Il est vraiment de l'engeance
des impies, il hérite avec eux la
perdition. Mais Toi, Seigneur, garde nos
âmes d'une telle cruauté, Toi
dont la magnanimité est indicible."
A
la Grande Entrée (au moment où
le prêtre sort avec les Saints Dons
pour venir les poser à l'autel),
on chante aussi, à la place de l'Hymne
des chérubins, le texte suivant :
"A ta Cène mystique reçois-moi,
en ce jour, O Fils de Dieu, car je ne révélerai
pas Tes mystères à tes ennemis,
je ne Te donnerai pas le baiser de Judas
; mais comme le larron je Te confesse :
souvien-Toi de moi, Seigneur, quand Tu viendras
dans Ton Royaume."
Enfin
l'Hymne de la Vierge qui suit la consécration
des Saints Dons, nous engage à prendre
part au repas du Seigneur : "Venez,
fidèles, délectons-nous de
l'hospitalité du Maître et
du repas immortel préparé
dans la chambre haute. Instruits par le
Verbe de son sens ultime, magnifions-Le
d'un esprit élevé."
Rappelons-nous
aussi le lavement des pieds : l'amour du
prochain que nous enseigne le Seigneur par
ce geste, est avant tout le sacrement du
frère.
Grand
Vendredi : 22 avril 2011
Le
soir de ce Jeudi Saint, c'est-à-dire
à l'office des Matines du jour suivant
(car la journée liturgique commence
toujours le soir à 18 h.), l'Eglise
nous convie à l'office des Saintes
Souffrances, celui de la Passion où
sont lus les douze textes, tirés
des quatre Evangiles, relatant les événements
de la Crucifixion de Jésus. Pas à
pas, nous allons suivre le Christ sur le
chemin de son Calvaire. Mais sa souffrance
ne se fermera jamais sur elle-même,
elle ne sera jamais dolorisme ou désespoir
car, en effet, l'humiliation qu'Il accepte
de subir ainsi, est volontaire et salvatrice.
0 douloureuse douceur du Christ qui met
en cause tout l'homme et l'Eglise dans son
aspect humain: tel un athlète qui
a vaillamment combattu, le Sauveur va se
reposer dans le Sépulcre en attendant
le triomphe assuré et déjà
proche, la Résurrection.
Entre le cinquième et le sixième
Evangile, le Christ est mis en croix pendant
que l'on chante ce texte : "En ce jour
est suspendu au gibet Celui qui a suspendu
la terre sur les eaux. Il est ceint d'une
couronne d'épines, le Roi des Anges.
On revêt d'une pourpre trompeuse Celui
qui lance le ciel autour des nuées.
Il reçoit des soufflets, Celui qui,
dans le Jourdain, délivra Adam. Il
est attaché avec des clous, l'Epoux
de l'Eglise. Il est percé d'une lance,
le Fils de la Vierge. Nous adorons Tes souffrances,
ô Christ. Montre-nous aussi Ta glorieuse
Résurrection."
L'office se termine enfin par le tropaire
:
"Tu nous as rachetés de la malédiction
de la Loi par Ton Sang précieux. Cloué
à la Croix et percé d'une lance,
Tu as fait jaillir l'immortalité pour
les hommes; ô notre Sauveur, gloire
à Toi."
Le lendemain, à l'office des Vêpres
Royales, on procède à la descente
de la Croix et à la mise au Tombeau
de Notre Seigneur. Les lectures bibliques
, au cours de la célébration,
sont tirées de l'Ancien et du Nouveau
Testaments. L'on chante aussi le tropaire
du noble Joseph :
"Le noble Joseph descendit du bois de
la Croix Ton Corps très pur, l'enveloppa
d'un linceul immaculé et l'ensevelit
avec des aromates dans un sépulcre
neuf."
Grand
Samedi : 23 avril 2011
Le
Vendredi soir, célébration des
Matines du Samedi Saint avec l'Office de l'Epitaphion
(Image du Christ mis au Tombeau):
A travers les textes liturgiques on perçoit
la descente aux enfers comme une blessure
dans la plénitude divine; blessure
dans laquelle s'engouffre toute la détresse,
toute la révolte, tout le désespoir
de ce monde qui abandonne Dieu et se sent
abandonné par Lui. Pour élever
Adam déchu, le Christ doit aller le
chercher jusque dans la mort, car tel est
le sens de cet Office: Dieu atteint la limite
extrême de l'abaissement devant le néant
des libertés déchues.
L'Office
de l'Epitaphion, composé en grande
partie par une femme, la poétesse byzantine
Cassia, développe trois thèmes
: l'abaissement extrême de Dieu dans
un contexte cosmique, la descente aux enfers
et l'accomplissement du sabbat où l'Eglise
naîtra du sommeil (extase du Christ)
comme Eve naquit du sommeil (extase d'Adam).
Du point de vue du déroulement liturgique,
le psaume 119 (118) est entrecoupé
de trois stances avec des strophes intercalées
entre chaque verset et suivi d'un canon. Nous
donnons ici le début de chacune de
ces trois stances :
Toi, la Vie, Tu as été mis au
sépulcre, ô Christ, et les armées
des anges dans la stupeur glorifient ta condescendance.
Il est juste de Texalter, Toi, Source de Vie
: Tu as étendu les mains sur la Croix
et brisé la puissance de l'ennemi.
Toutes les générations apportent
leur hymne à ton sépulcre, ô
mon Christ.
Tu as, ô Vierge, libéré
Adam du péché, en engendrant
le Donateur de Vie; Tu as d'Eve changé
en joie la tristesse ; Il a rendu à
la vie ceux qui s'en étaient écartés,
Celui qui, Dieu et Homme, s'est incarné
en Toi.
Le lendemain matin, la Liturgie de Saint Basile
est précédée des Vêpres.
Jadis on baptisait alors les catéchumènes,
d'où la longue lecture des quinze prophéties.
Lors de la célébration liturgique,
on chante déjà :
«Lève-toi, ô Dieu, et juge
la terre, car Tu hériteras de toutes
les nations.»
Cette ancienne vigile pascale est ainsi l'icône
de la Résurrection, celle de la descente
victorieuse du Christ dans le royaume infernal.
A la Grande Entrée, on chante :
Que toute chair humaine fasse silence et se
tienne dans la crainte et le tremblement.
Qu'elle éloigne toute pensée
terrestre. Car le Roi des rois et le Seigneur
des seigneurs s'avance afin d'être immolé
et de Se donner en nourriture aux fidèles.
Les churs angéliques le précèdent
avec les Principautés, les Puissances,
les Chérubins aux innombrables yeux
et les Séraphins aux six ailes, se
voilant la face et chantant : Alleluia, alleluia,
alleluia.
Au moment de la Communion on chante :
"Le Seigneur s'est éveillé
comme un homme qui dort; il s'est relevé
pour nous sauver."
Dimanche
24 avril 2011
LE
GRAND ET SAINT DIMANCHE DE PAQUES
Ton 1
Epître : Actes 1, 1-8
Evangile : Jean 1, 1-17
Cette
année Pâques tombe le 27 avril.
Tous les ans la date de la fête varie,
car elle est calculée en fonction
de l'équinoxe et de la pleine lune
(1er dimanche après la pleine lune
qui suit l'équinoxe de printemps)
car à ce moment toute la terre est
éclairée, une moitié
directement par le soleil, l'autre par la
lune qui reflète au maximum la lumière
solaire. L'Eglise a choisi de célébrer
Pâques à ce moment, car la
lumière triomphant des ténèbres
est image par excellence du Christ, Soleil
de Justice, vainqueur de la mort par Sa
Résurrection. Il est intéressant
de remarquer comment le dimanche, consacré
dans les temps païens au soleil, est
dédié aujourd'hui au Seigneur
et plus particulièrement à
sa Résurrection.
La résurrection du Christ est au
cur de notre foi, elle nous sauve
du péché et de la mort. C'est
parce que le Christ, le Verbe de Dieu est
devenu homme tout en restant Dieu que nous,
hommes créés à l'image
de Dieu, pouvons être sauvés.
En effet, en désobéissant
à Dieu, l'homme se coupe de la Vie
et se précipite dans un monde de
souffrances et de mort. Le Christ. en assumant
la condition humaine déchue mais
sans jamais commettre le péché,
permet à l'homme de Le suivre dans
Sa résurrection. Comme Il est Dieu,
la mort n'a pu Le garder comme les autres
hommes. Des païens de l'Antiquité
ont eu l'intuition de ce mystère
qu'ils ont exprimé dans le mythe
d'Orphée. Mais Orphée n'est
qu'un homme, et même si son immense
amour pour sa femme peut le faire descendre
jusqu'aux Enfers, il ne peut l'en arracher
durablement.
La fête de Pâques ne dure pas
qu'un jour mais toute une semaine, elle
a pour nom : semaine radieuse ou semaine
du renouveau. Comme à Pâques
les offices sont chantés complètement
et les portes du sanctuaire restent continuellement
ouvertes. La semaine ne comporte pas de
jour de jeûne.
Après cette semaine «jour unique»
on s'éloigne un peu plus de la fête.
A cause du combat que nous devons mener
pour lutter contre nos passions nous ne
pouvons tenir longtemps dans un état
de fête sans tomber dans l'illusion
(optimisme béat ou fierté
d'avoir mérité cet état).
L'Eglise, très pédagogue,
propose donc assez vite de rester dans la
joie pascale mais en réintroduisant
dans les offices des textes sur le repentir
et en retrouvant les jeûnes des mercredis
et vendredis.
Jusqu'à la clôture de Pâques
(veille de l'Ascension) on continue à
se saluer du salut pascal: «Le Christ
est ressuscité ! - En vérité,
Il est ressuscité !» Pendant
ce temps toutes les prières commencent
et se concluent par le tropaire de Pâques.
Durant ces quarante jours on propose beaucoup
d'ufs, souvent peints en rouge : l'uf
et la couleur rouge sont le symbole de la
vie.
Nous vivons cette fête tous les dimanches.
En effet, comme nous l'avons évoqué
plus haut, la Résurrection du Seigneur
est commémorée le dimanche.
Aux vêpres et aux matines de ce jour
sont chantés des hymnes commentant
cette fête sur un cycle de huit dimanches
correspondant aux huit tons.
Pâque est donc le point de départ,
le cur et le point d'arrivée
de l'année liturgique et de toute
notre vie.
Sophie Lossky
L'OFFICE
DE PAQUES
Le
grand office suivant les Matines du Grand
Samedi est souvent (malheureusement) anticipé
dans la matinée du Samedi Saint.
C'est l'antique veillée pascale des
premiers siècles. Ce sont les Vêpres
du Samedi Saint qui autrefois duraient toute
la nuit pour s'achever à l'aube du
Dimanche de Pâques par le baptême
des catéchumènes et la Divine
Liturgie de saint Basile. Cet office comporte
toujours les Vêpres unies à
la Liturgie de saint Basile. Au cours de
la première partie de cette célébration
nous entendons quinze longues lectures de
l'Ancien Testament qui nous rappellent l'ultime
préparation que les catéchumènes
recevaient la nuit de Pâques avant
d'être baptisés. C'est toute
l'histoire du salut qui est ainsi retracée
à nos oreilles, depuis le récit
de la création avec le début
de la Genèse, en passant par les
épisodes de l'agneau pascal et de
la traversée de la Mer Rouge qui
relatent la première Pâque
et le salut opéré par Dieu
en faveur du peuple hébreu, jusqu'aux
grandes prophéties d'Isaïe et
de Jérémie qui annoncent la
plénitude des temps messianiques
où le Messie apportera aux captifs
la liberté et où le Seigneur
conclura avec son peuple une alliance éternelle
en mettant sa loi au dedans du cur
des croyants.
Après
toutes ces lectures bibliques, l'épître
aux Romains au chapitre 6 évoque
directement le baptême et la Résurrection
: «Nous tous qui avons été
baptisés en Christ, c'est dans sa
mort que nous avons été baptisés.
Nous avons donc été ensevelis
avec lui par le baptême en sa mort
afin que, comme le Christ est ressuscité
des morts par la gloire du Père,
nous marchions nous aussi dans une vie nouvelle...»
Le baptême nous plonge directement
dans la mort et la résurrection du
Christ. C'est pourquoi, dans l'Eglise ancienne,
les catéchumènes étaient
baptisés durant la nuit de Pâques.
Ensuite
au lieu du chant habituel de l'Alléluia
pour introduire l'évangile, le chur
chante : «Ressuscite, ô Dieu,
et juge la terre, car tu auras en héritage
toutes les nations.» tandis que le
prêtre parcourt l'église en
y répandant des feuilles de laurier,
symbole de la victoire.
L'évangile
qui suit proclame la Résurrection
du Christ, selon saint Matthieu au chapitre
28. Puis c'est la suite de la Divine Liturgie
de saint Basile.
Ainsi
donc la Résurrection est déjà
proclamée mais ce n'est pas encore
Pâques.
Il
faudra attendre le cur de la nuit
pour qu'éclate réellement
la joie de la Résurrection.
Il
est presque impossible de traduire par des
mots l'allégresse qui traverse tout
l'office de la nuit de Pâques. je
vais seulement essayer d'en traduire quelques
aspects.
Tout
d'abord, nous entrons dans une église
complètement obscure pour figurer
la nuit du tombeau. Dans ces ténèbres,
seule brille la petite flamme d'une veilleuse
à laquelle le prêtre va allumer
le cierge pascal, qui est un cierge fleuri,
à trois branches évoquant
la Trinité. Il appelle alors tous
les fidèles à venir allumer
leurs cierges au sien en disant : «Venez
tous et prenez la lumière de la Lumière
qui est sans déclin et glorifiez
le Christ ressuscité d'entre les
morts».
Chacun
vient prendre effectivement la lumière
en répétant ce chant, et l'église
s'illumine peu à peu de la clarté
de tous ces cierges. Nous pouvons alors
sortir de l'église en procession
et en faire le tour extérieur. Arrivés
ensuite devant le porte fermée de
l'église, qui figure la pierre du
tombeau, nous entendons le prêtre
proclamer l'annonce de la Résurrection
selon saint Marc et aussitôt après,
tandis que les cloches sonnent, il entonne
le tropaire de Pâques : «Le
Christ est ressuscité des morts.
Par sa mort, il a vaincu la mort et à
ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné
la vie».
Ce
chant est répété indéfiniment
tout au long de l'office, et déjà
il est chanté dix fois en alternance
avec des versets du Psaume 67 : «Que
Dieu se lève et que ses ennemis se
dispersent... Voici le jour que le Seigneur
a fait. Pour nous allégresse et joie.»
Après
une litanie, les portes de l'église
s'ouvrent comme la pierre a été
roulée de devant le tombeau et nous
pénétrons dans l'église
toute rutilante de lumière et de
fleurs, et parfumée d'encens. C'est
une exubérance de couleurs et de
parfums qui nous fait éprouver par
tous nos sens la vie jailli du tombeau.
Et les chants s'appellent et se répondent
tandis que le prêtre sort fréquemment
du sanctuaire pour encenser le peuple et
lui crier : «Le Christ est ressuscité».
A quoi l'on répond : «En vérité
Il est ressuscité». Les chants
et ces acclamations s'entremêlent
comme pour signifier le trop-plein de vie
qui nous vient de la Résurrection
du Sauveur.
Toutes
les strophes seraient à citer. En
voici quelques-unes :
«jour
de la résurrection, peuples rayonnons
de joie. Pâque du Seigneur, Pâque
! C'est de la mort à la vie, de la
terre au ciel, que le Christ nous a fait
passer, nous qui chantons cette hymne de
victoire».
«Maintenant,
tout est rempli de lumière, le ciel,
la terre et ce qui est sous la terre. Que
toute la création célèbre
la résurrection du Christ en qui
est notre force».
«Hier,
j'étais enseveli avec toi, ô
Christ, aujourd'hui je me lève avec
toi en ta Résurrection. Hier, j'étais
crucifié avec toi, ô Sauveur
; glorifie-moi avec toi dans ton Royaume».
Puis,
ce sont les Laudes avec d'autres textes
évoquant les femmes qui reçoivent
l'annonce joyeuse de la Résurrection
et surtout ce stichère final : «jour
de la Résurrection. Rayonnons de
joie et embrassons-nous les uns les autres.
Appelons frères même ceux qui
nous haïssent. Pardonnons tout, à
cause de la Résurrection, et clamons
: le Christ est ressuscité des morts.
Par sa mort il a terrassé la mort...».
Et
tandis qu'on répète sans fin
ce tropaire les fidèles vont baiser
l'Evangile que leur tend le prêtre,
puis embrassent le célébrant
et s'embrassent les uns les autres en disant
: «Le Christ est ressuscité.
En vérité, il est ressuscité
!» L'église devient alors une
icône visible de l'amour trinitaire.
La Résurrection du Christ en nous
communiquant la victoire du Christ sur la
mort et sur le péché, nous
rend capables de nous aimer les uns les
autres comme le Christ nous a aimés.
Et
maintenant, pour répondre à
l'invitation du sermon de saint jean Chrysostome
qui nous dit : « Entrez dans la joie
de notre Maître », nous allons
pouvoir participer à l'Eucharistie
qui accomplit la fête.
CATECHESE
DE PAQUES DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
(A
la fin de la divine liturgie pascale, il
devenu une coutume de lire la catéchèse
de Pâques de St Jean Chrysostome)
Que celui qui est pieux, qui aime le Seigneur,
vienne goûter l'enchantement de cette
fête ! Celui qui est un serviteur
fidèle, qu'il entre avec allégresse
dans la joie de son Maître. Celui
qui a porté le poids du jeûne,
qu'il vienne toucher maintenant son denier.
Celui qui a travaillé dès
la première heure recevra aujourd'hui
le juste salaire ; celui qui est venu à
la troisième heure se réjouira
dans l'action de grâce ; celui qui
arriva seulement après la sixième
heure peut s'approcher sans effroi ; il
ne sera pas lésé ; si quelqu'un
a tardé jusqu'à la neuvième
heure, il pourra venir sans hésitation
; l'ouvrier de la onzième heure ne
souffrira pas de son retard.
Car le Seigneur est libéral : il
reçoit le dernier comme le premier
; il accorde le repos à l'ouvrier
de la onzième heure comme à
celui qui, dès l'aube, a pris le
travail. Il fait donc grâce au dernier
et comble le premier ; il donne à
celui-ci sans oublier celui-là ;
il ne regarde pas seulement l'uvre,
mais déjà pénètre
l'intention.
Tous entrez dans la joie de votre Maître
: premiers et seconds, recevez la récompense
; riches et pauvres, chantez en chur;
abstinents et oisifs, fêtez ce jour
; que vous ayez jeûné ou non,
réjouissez-vous aujourd'hui !
Le festin est prêt, venez donc tous.
Le veau gras est servi ; tous seront rassasiés.
Mangez avec délices au banquet de
la foi, et venez puiser aux richesses de
la bonté.
Que nul ne déplore sa pauvreté
: à tous le Royaume s'est ouvert
; que nul ne déplore ses péchés
: le pardon s'est levé du tombeau
; que nul ne craigne la mort : celle du
Seigneur nous a rendus libres ; il l'a terrassée,
lorsqu'elle le tenait enchaîné
; il a jeté dans l'effroi ceux qui
avait touché sa chair. Isaïe
l'avait prévu, en criant à
tous les vents : «l'enfer fut consterné
quand il l'a rencontré»; il
fut consterné parce qu'il fut terrassé
; il fut dans la tristesse parce qu'il fut
joué. L'enfer a saisi un corps, et
il s'est trouvé devant un Dieu ;
il a saisi la terre, et rencontré
le ciel ; il a choisi le visible pour choir
dans l'invisible.
Mort, où est ta victoire ? Mort où
est ton aiguillon ? Le Christ est ressuscité
et tu as été terrassée.
Le Christ est ressuscité et les démons
sont tombés ; le Christ est ressuscité
et les anges sont dans l'allégresse
; le Christ est ressuscité et tous
les morts quittent le tombeau. Oui le Christ
est ressuscité des morts, prémices
de ceux qui dorment.
A Lui, gloire et puissance dans les siècles
des siècles ! Amen.
Traduction
de A. Hamman LE MYSTERE DE PAQUES Ed. Grasset
pp. 133-134
Tropaire
de Pâques (ton 5)
Le
Christ est ressuscité des morts,
par la mort Il a vaincu la mort, à
ceux qui sont dans les tombeaux, Il a donné
la vie.
Stichère
de Pâques
C'est
le jour de la Résurrection, que la
fête nous illumine, embrassons-nous
les uns les autres et appelons frères,
même ceux qui nous méprisent.
Pardonnons tout dans la Résurrection
et chantons: le Christ est ressuscité
des morts, à ceux qui sont dans les
tombeaux Il a donné la Vie.
Tropaire
de la Résurrection (ton 2)
Lorsque tu es descendu dans la mort, Ô
Vie immortelle, l'Enfer fui mis à
mort par l'éclat de Ta divinité.
Lorsque tu as fait sortir les morts des
abîmes toutes les puissances célestes
clamaient: Christ Dieu, Donateur de Vie,
gloire à Toi.
Kondakion,
t. 8
Lorsque tu gisais dans le tombeau, Seigneur
immortel, tu as brisé la puissance
de l'Enfer, et tu es ressuscité victorieusement,
Christ notre Dieu. ordonnant aux Myrophores
de se réjouir, visitant tes Apôtres
et leur donnant la paix, toi qui nous sauves
en nous accordant la résurrection.
Ikos
C'est le soleil antérieur au soleil,
jadis descendu au tombeau, que les Myrophores
cherchaient comme le jour, avant l'aurore
se hâtant et l'une et l'autre se disant
: 0 mes chères amies, allons embaumer
le corps vivifiant de celui qui au sépulcre
enseveli après sa chute relève
Adam ; allons, hâtons-nous et comme
les Mages nous prosternant, offrons la myrrhe
en hommage à celui qui n'est plus
de langes, mais d'un suaire enveloppé,
et dans les larmes crions-lui : Lève-toi,
Seigneur, toi qui nous sauves en nous accordant
la résurrection.
HOMELIE
Message de Pâques
de Mgr +MELETIOS (1983, ancien métropolite
de France)
"Christ est ressuscité des morts,
par la mort il a vaincu la mort, à
ceux qui sont dans les tombeaux, il a donné
la vie !"
Cette immense joie est au cour de l'Eglise
orthodoxe. Chaque dimanche est Pâques
; chaque dimanche aux matines, nous lisons
un évangile de la Résurrection.
Chaque office du matin célèbre
la victoire de la lumière, annonce
la venue pascale du «jour sans déclin».
«Jour de la Résurrection (...)
Jésus s'est levé du tombeau
(...) il nous a donné la vie éternelle
et sa grande miséricorde».
Toute la pensée, toute la prière
de l'orthodoxie vibrent de cette annonce
inouïe : Dieu s'est fait chair et dans
la chair, avec elle, il a vaincu la mort,
il a rouvert aux hommes le chemin de la
déification, où le feu de
la nature divine, à travers le Christ,
embrase notre humanité.
Pourtant interrogeons-nous. Pâques
est une grande et belle fête, mais
que reste-t-il dans nos vies de cette exaltation
passagère ? Chacun porte sa croix.
Notre vie est toujours une croix. Les amours
se brisent, ou la mort vient nous ravir
ceux que nous aimons. Les enfants s'en vont.
Les amitiés sont incertaines. L'accident,
la maladie, le déclin nous guettent.
L'Ecclésiaste n'ignore rien de notre
tristesse : «Tout est vanité
et poursuite du vent» (2, 17). «Je
regarde toute l'oppression qui se commet
sous le soleil : voici les larmes des opprimés,
et ils n'ont pas de consolateurs»
(4,1). Car non seulement nos vies personnelles,
mais l'histoire toute entière est
pleine de douleur et de haine. Tant d'êtres
se défont dans le chômage,
dans l'oppression tantôt des âmes
et tantôt des corps. Tant de jeunes
gens doutent de l'avenir, sont envahis par
l'angoisse et la tentation du suicide...
Alors n'oublions pas que le Vendredi saint
précède Pâques, et que
toutes nos croix, Dieu lui-même, le
Dieu fait homme les a portées. A
Gethsémani il a dit : «Mon
âme est triste jusqu'à la mort»
(Mt 26,38), «et sa sueur devint comme
de grosses gouttes de sang» (Lc 22,
44). Il a été exclu, solitaire,
bafoué, flagellé, on a enfoncé
sur sa tête, et dans sa tête,
une couronne d'épines. Sur la croix,
il a crié : «J'ai soif»
(Jn 19, 28) et «Mon Dieu, mon Dieu
pourquoi m'as-tu abandonné ?»
(Mt 27, 46). La Résurrection n'est
pas une aimable fête à la surface
de l'histoire, à la surface de nos
vies. Elle jaillit de toute l'épaisseur
de notre souffrance, de tous les massacres
de l'histoire, de tout le chaos de l'univers.
Le Christ ressuscite dans l'enfer, dans
la nuit, dans le tombeau fermé d'une
lourde pierre. Dans notre enfer, dans notre
nuit, dans notre existence qui ressemble
si souvent au tombeau fermé par nos
curs de pierre.
Alors nous comprenons que nulle part nous
ne sommes perdus, orphelins, abandonnés.
Le Christ souffre en nous, il nous ressuscite
avec lui. Il y a des signes de Résurrection.
Tout au long de l'histoire de l'Eglise,
tout au long de l'histoire des hommes, et
maintenant encore, oui, maintenant, il y
a des signes de Résurrection. Il
y a des saints qui sont capables d'accueillir
chacun avec un amour infini en lui disant
: «Ma joie, Christ est ressuscité
!» Il y a eu, en notre siècle,
des martyrs par milliers qui sont morts
en priant pour leurs bourreaux : c'est en
ressuscitant. Dans les camps nazis, des
chrétiens de toutes confessions,
un catholique comme le P. Kolbe, une orthodoxe
comme la mère Marie, étaient
rayonnants de paix et de joie au milieu
de l'horreur. Et d'autres camps, plus récemment,
n'ont cessé de connaître de
semblables témoins. Partout dans
le monde, d'humbles chrétiens refont
patiemment le tissu de la vie, de la confiance,
de la confiance dans la vie, contre les
forces du néant. Partout dans le
monde, des hommes et des femmes puisent
dans le Résurrection, le courage
de lutter pour la liberté, la justice
et la paix, avec les armes d'un amour actif,
créateur. Le Christ est ressuscité,
et sa Résurrection est l'avenir du
monde, elle nous permet de faire un peu
de bien pur, sans rien demander en retour,
comme la Matriona de Soljenitsine, cette
figure des justes inaperçus qui sont
cependant l'âme du monde.
Frères et surs, considérons
l'histoire de notre Eglise, l'Eglise orthodoxe,
en ce siècle terrible. Dans d'immenses
régions la persécution l'écrasait,
on croyait qu'elle allait mourir. «Mais
le sang des martyrs est la semence des chrétiens»,
a dit Origène. L'Eglise persécutée
connaît aujourd'hui un étrange
renouveau, les adultes s'y font baptiser
par milliers. En France même, voyez
comme les orthodoxes savent maintenant se
rapprocher et collaborer. Voyez la grande
tâche qu'ils ont accomplie et accomplissent
pour clarifier et approfondir leur message.
Par la joie de la Résurrection, quelques
poignées d'immigrés ont su
transformer leur exil en témoignage
du Royaume. Puisse-t-il, ce Royaume de la
lumière, s'enraciner et grandir dans
nos communautés et dans nos vies
: «Jour de la Résurrection
! (...) Dans la joie embrassons-nous les
uns les autres et appelons-nous frères.»
Mes amis, le monde meurt par manque d'amour.
Que la Résurrection nous donne la
force d'être les témoins du
véritable amour, celui qui est plus
fort que la mort, que toutes les formes
de mort, qu'elles soient politiques, sociales,
culturelles ou toujours, en définitive,
spirituelles.
Que la bénédiction de Pâques
soient sur vous.
LE CHRIST RESSUSCITE
!
CHRISTOS ANESTI !
CHRISTOS VOSKRIESSE !
CHRISTOS A INVIAT !
ALMASSIH KAM !
EN VERITE IL EST RESSUSCITE !