LE PATRIARCAT ŒCUMENIQUE
AU SERVICE DE L'UNITE ORTHODOXE ET DE L'UNITE CHRETIENNE
Supplément
au SOP N°236, mars 1999
Pour
évoquer le service de l'unité auquel se voue, aujourd'hui
plus que jamais, le patriarcat œcuménique, je rappellerai
d'abord quelques données historiques, puis les efforts
réalisés à notre époque, notamment par Athénagoras 1er,
enfin le combat actuel que mène Bartholomée 1er.
Byzance
devint Constantinople en 330 et l'empereur Théodose,
à la fin du 4ème siècle, y fixa définitivement la capitale
de l'Empire romain, c'est-à-dire selon les conceptions
de l'époque, de l'empire universel, «œcuménique». Empire
qui allait subsister mille ans en Orient, alors qu'il
s'effondrait en Occident dès 476.
L'évêque
de Constantinople gagne ainsi une autorité exceptionnelle.
Le 3ème canon du concile de 381 fait de lui un témoin
et un recours après Rome car Constantinople est l'«autre
Rome» alter Roma.
Le
4ème concile œcuménique, celui de Chalcédoine, tenu
en 451, précise ce «privilège d'honneur» comme un droit
d'appel, fixe le ressort propre de Constantinople et
dans son 28ème canon justifie la prééminence de ce siège
par sa présence dans la capitale où se trouve l'empereur
et le sénat. Rome proteste, affirmant que toute primauté
doit avoir un fondement apostolique, plus précisément
pétrinien, et non un fondement simplement «politique».
En réalité, faut-il le rappeler, la capitale avait une
valeur symbolique de centre cosmique et d'anticipation
de la Jérusalem nouvelle. Quoi qu'il en soit, le 28ème
canon fut suspendu, mais ne tarda pas à entrer dans
les faits et, dès le 6ème siècle, fut reçu aussi bien
en Orient (dans le Syntagma) qu'en Occident (dans la
Prisca).
A
la fin du 5ème siècle, l'Empire «œcuménique» ayant disparu
en Occident mais subsistant en Orient, le patriarche
de Constantinople (on parlait en effet désormais de
«patriarche») prit le nom, qu'il garde encore aujourd'hui,
de «patriarche œcuménique». Il devint alors le gardien
de la structure conciliaire de l'Eglise que symbolisait
l'uni-diversité de la «Pentarchie», ces cinq grands
patriarcats qui correspondaient à des aires de civilisation
: Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem.
Mais
bientôt l'invasion de l'islam fait de la Pentarchie
un fantôme. Rome et Constantinople, restées face à face,
s'affrontent au 9ème siècle avec la crise photienne,
se réconcilient en 880, mais ensuite s'éloignent l'une
de l'autre (the Dark ages pour Rome, l'orgueilleuse
apogée politique et culturelle pour Byzance). Lorsque
se précise, de 1054 à1204, la séparation de l'Orient
et de l'Occident chrétiens, Constantinople assume en
Orient le rôle qui était celui de Rome aux premiers
siècles : «manifester à toutes les saintes églises de
l'univers sollicitude et attention», défendre et préciser
les règles de foi (par exemple avec les conciles palamites
du 14ème siècle), exercer un droit d'appel et de secours
(ainsi pour les patriarches d'Antioche, réfugiés à Constantinople
à l'époque des croisades et des Etats latins du Levant).
Sans
pour autant durcir l'opposition avec Rome, à la fois
reconnue dans son charisme et refusée dans ses excès
: «C'est à Pierre, non à un autre mais à lui seul, que
le Seigneur a confié la présidence sur toutes les brebis
de l'univers» (PG 124, 303 A). Et au 12ème siècle, Nicodème,
métropolite de Nicomédie : «L'Eglise de Rome, à laquelle
nous ne refusons pas la primauté parmi ses sœurs (...),
s'est elle-même séparée, par suite de ses prétentions.
Si le pontife romain (...) veut fulminer contre nous
et nous lancer des ordres (...), s'il veut juger nos
églises, selon son seul avis, quelle fraternité, et
même quelle paternité pourrait-il y avoir en cela?»
(Dialogues, PL. 188, 1219).
Les conciles d'union de Lyon (1274) et de Florence (1439),
où le patriarche cède aux Latins à la demande instante
d'un empereur aux abois sont rapidement rejetés : l'union
de Lyon par le concile de 1285 où le patriarcat encourage
la recherche d'un dépassement et d'une conciliation
sur le problème du Filioque, l'union de Florence par
le concile de 1454 (confirmé en 1484), dans le cadre
nouveau, il est vrai, de l'Empire ottoman.
Avec
la chute de Constantinople en 1453, le patriarche est
en effet à la fois isolé et confirmé. Isolé, car le
sultan redoute tout rapprochement avec la papauté, qu'il
considère comme la tête de l'Occident ennemi. Confirmé,
car le patriarche est nommé «ethnarque» du millet orthodoxe,
c'est-à-dire chef de la «nation» chrétienne au sens
musulman pour lequel le religieux et le civil sont inséparables.
Dans
ce nouveau contexte, la primauté fonctionne utilement
jusqu'au début du 19ème siècle. Le patriarche réunit
en concile ses collègues orientaux et leurs synodes,
chaque fois que se pose un problème grave. Les conciles
du 16ème siècle règlent l'instauration d'un patriarcat
russe, ceux du 17ème situent l'orthodoxie entre Réforme
et Contre-Réforme. Au 18ème siècle, il faut faire face
à l'offensive romaine - prosélytisme, uniatisme, rebaptisation
alors que jusque là la communicatio in sacris persistait
de manière sporadique.
Au
19ème siècle, le mouvement des nationalités, qui triomphe
en Europe occidentale, gagne irrésistiblement les Balkans.
Chaque nation devenue Etat instaure d'autorité son indépendance
ecclésiastique, détache son Eglise du patriarcat œcuménique
pour qu'elle se déclare «autocéphale». Le fondement
ecclésiologique de l'orthodoxie semble devenu ethnique
et national.
Au même moment, et pour se protéger du même mouvement
et de l'assaut de la modernité, l'Eglise catholique
s'enferme dans la forteresse de l'infaillibilité et
de la juridiction immédiate du pape sur tous les fidèles,
l'une et l'autre proclamées en 1870 par le premier concile
du Vatican.
Le
patriarcat œcuménique fait face lucidement à ces deux
problèmes. En 1848, lorsque Pie IX appelle les orthodoxes
à se rallier à Rome dans une perspective qui est déjà
celle de Vatican 1, Constantinople convoque les patriarches
orientaux (sans oublier, semble-t-il, mais ce point
est controversé, le saint-synode de l'Eglise russe)
et publie une encyclique affirmant que la vérité ne
peut être sauvegardée que par le peuple tout entier,
les évêques comme «juges», les simples fidèles comme
«boucliers».
En
1872, un semblable concile réuni à Constantinople condamne
avec beaucoup de fermeté le phylétisme, c'est-à-dire
le nationalisme ecclésiastique par lequel «le dogme
de l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique reçoit
un coup mortel».
Après
quoi, et jusqu'aux lendemains de la première guerre
mondiale, rien ne se passe : de nouveaux appels de Rome
notamment en 1894, sont repoussés. Quant à la proposition
faite par le patriarche Joachim III, en 1902, que toutes
les Eglises autocéphales se rencontrent et se consultent
tous les deux ans, elle n'obtient aucun écho.
A
la suite de la première guerre mondiale, l'Empire ottoman
s'effondre, une nation turque émerge du chaos, les Grecs,
engagés dans une folle expédition en Asie Mineure, sont
vaincus, l'«échange des populations» réduit à l'extrême,
en Turquie même, le nombre des fidèles du patriarcat,
réduction que la crise de Chypre aggravera encore. La
chance du patriarcat, c'est d'obtenir alors juridiction
sur la diaspora grecque dans le monde, diaspora particulièrement
importante aux Etats-Unis. Le système du millet a disparu
(sauf la clause qui permet au gouvernement turc de rayer
qui il veut de la liste des éligibles lors de l'élection
d'un nouveau patriarche). Le traité de Lausanne, en
1923, garantit la situation du patriarcat à Constantinople
mais ne dit rien de son rôle hors des frontières de
la Turquie. Ce qui permettra à celle-ci de fermer en
1971 l'école internationale de théologie de Halki.
Durant
l'entre-deux-guerres, Constantinople prend sous sa protection
la plupart des fragments de l'Eglise russe qui se trouvent,
soit par le nouveau découpage des frontières, soit par
émigration, hors du territoire soviétique. Dénoncé par
Moscou, déçu par l'attitude d'abord ouverte puis nettement
unioniste de Rome, le patriarcat se rapproche du monde
anglican et protestant. Par l'encyclique de 1920, il
devient co-fondateur du mouvement œcuménique. Au lendemain
de la seconde guerre mondiale où la Turquie est restée
neutre, il participe, en 1948, à la conférence d'Amsterdam
qui fonde le Conseil œcuménique des Eglises. Constantinople
doit alors faire face au patriarcat de Moscou qui, la
même année, dans un vaste rassemblement des orthodoxes
des pays de l'Est, dénonce le Conseil comme un instrument
du capitalisme universel. On peut le dire : Constantinople
a sauvé alors le Conseil œcuménique en préservant son
caractère multiconfessionnel. Lorsque, dans les années
60, s'ébauche entre l'Est et l'Ouest une politique de
«détente», c'est encore Constantinople qui, à la conférence
de New-Delhi, en 1961, assure l'entrée dans le Conseil
œcuménique de la plupart des Eglises du monde communiste.
A partir de 1953, tout se précise et s'accélère grâce
au patriarche Athénagoras 1er. A l'intérieur comme à
l'extérieur de l'orthodoxie.
A
l'intérieur, Athénagoras entreprend de réinventer la
primauté dans un contexte qui n'est plus celui de la
Pentarchie, mais de la multiplicité des autocéphalies.
Constantinople apparaît comme un centre d'intercession
pour la sauvegarde de la foi et l'union de toutes les
Eglise orthodoxes. La primauté ne peut signifier désormais
qu'une offre sacrificielle de service. Son rôle est
d'initiative, de coordination, de présidence, mais toujours
après avoir sollicité et obtenu l'accord des Eglises-sœurs,
selon les deux principes de leur concilierait et de
non-intervention dans leurs affaires intérieures.
A
partir de 1961, Athénagoras parvient à réunir une série
de conférences panorthodoxes (notamment dans l'île de
Rhodes), conférences où malgré toutes les tensions politiques,
éclate ce qu'on a appelé «le miracle de l'unité». Le
grand patriarche rend visite, dans une réelle ferveur,
à presque toutes les Eglises autocéphales, y compris
dans les Balkans, à celles qui se trouvent à l'Est du
«rideau de fer» (mais déjà la Russie se raidit et refuse
de l'accueillir). Il crée à Chambésy, près de Genève,
un centre de rencontre et de réflexion, où il installe
un secrétariat préconciliaire, car il désire placer
cet effort de rassemblement dans une telle perspective,
non qu'il croie à la possibilité rapide d'un concile,
mais, comme il le disait, pour faire «fermenter la fraternité
orthodoxe».
L'essentiel,
cependant, c'est le dialogue admirable engagé avec Rome
par Athénagoras, malgré les réticences des Eglises de
l'Europe du Sud-est et particulièrement de l'Athos où
le patriarche dut aller se justifier en 1963, avec un
succès relatif, au moment même où le second concile
du Vatican retrouve le ministère de l'évêque comme «ordinaire»,
«immédiat», exercé «personnellement au nom du Christ»
et définit l'Eglise universelle comme une communion
d'Eglises locales dont chacune se fonde sur l'eucharistie.
Lorsqu'il
apprend que Paul VI va se rendre à Jérusalem, Athénagoras
suggère que tous les responsables des Eglises chrétiennes
y viennent aussi «pour demander, dans une commune et
fervente prière, à genoux, les larmes aux yeux, et dans
l'esprit d'unité, sur le Golgotha qui a été arrosé par
le sang très saint du Christ, et devant le sépulcre
de celui dont jaillirent la réconciliation et la pénitence,
que s'ouvre pour la gloire du saint Nom du Christ et
pour le bien de toute l'humanité la voie d'un rétablissement
complet de l'unité chrétienne, selon la sainte volonté
du Seigneur». Projet qui parut utopique, mais la rencontre
du pape et du patriarche, elle, ne l'était pas. En janvier
1964, les deux hommes échangent le baiser de paix à
Jérusalem. Un an plus tard les anathèmes lancés en 1054
sont levés.
Un
long dialogue s'engage alors entre Athénagoras et Paul
VI, entre qui on sent grandir l'amitié. Ce dialogue
a été consigné dans le Tomos Agapis, «le livre de l'Amour»
ou «de la charité», publié simultanément en 1971 par
le Phanar et le Vatican. Paul VI y met l'accent sur
l'église locale comme communauté eucharistique, Athénagoras
reprend l'expression d'Ignace d'Antioche qu'une «présidence
à l'amour» est dévolue à l'église de Rome. Et malgré
les déviations médiévales et modernes le charisme pétrinien
de ce siège subsiste, affirme le patriarche.
La
fin du pontificat d'Athénagoras 1er fut assombrie par
le retour en force, autour surtout de l'éternelle rivale,
Moscou, et des églises slaves, de l'autocéphalisme absolu
(il faudrait aux assemblées panorthodoxes une présidence
tournante) et de la méfiance antiromaine. Tout se stabilise
et s'immobilise avec le successeur, humble et effacé
d'Athénagoras, Dimitrios 1er.
C'est
donc le rôle du patriarche actuel, Bartholomée ler,
qu'il nous faut examiner pour finir.
Le
patriarche Bartholomée a une excellente connaissance,
par l'intérieur pourrait-on dire, des confessions occidentales.
Il a étudié trois ans à la Grégorienne, à Rome, et c'est
là qu'il a élaboré et soutenu sa thèse de droit canon.
Puis il a approfondi la pensée protestante à l'Institut
œcuménique de Bossey, près de Genève. Il a été membre,
et même pendant huit ans, vice-président de la commission
du Conseil œcuménique intitulée «Foi et Constitution»,
la seule du Conseil où les catholiques sont représentés
à part entière.
En
même temps, collaborateur du métropolite Méliton puis
du patriarche Dimitrios 1er, il faisait l'apprentissage
de l'orthodoxie dans toute sa complexité. Lorsqu'il
fut élu patriarche en novembre 1991, il précisa sa vision
de la primauté dans son discours d'intronisation. D'emblée,
il la définit comme participation à la Croix du Christ,
pour «le service et le témoignage de l'orthodoxie»,
dans l'entier respect de la «conciliarité à travers
laquelle l'Esprit parle à l'Eglise». Puis, il dit «son
baiser de paix et d'amour» aux primats des Eglises non-chalcédoniennes
- «dont la foi est si proche de la nôtre» -, au pape,
aux primats de l'Eglise anglicane et de l'Eglise vieille-catholique,
aux responsables de toutes les autres communautés chrétiennes
et particulièrement du Conseil œcuménique des Eglises.
Dès
mars 1992, pour le dimanche de l'orthodoxie, il rassemble
au Phanar une «synaxe» des primats orthodoxes. «Ils
se découvrent face à face, dit-il, échangent le baiser
de paix et d'amour, partagent la Coupe de la Vie (...
), recevant ainsi de Dieu le don de l'unité orthodoxe».
Tous affirment leur volonté d'affronter «comme un seul
corps» les problèmes d'aujourd'hui...
Mais
dans les années suivantes, vers 1995, il se heurte à
deux difficultés aujourd'hui mal surmontées : d'une
part les relations avec Moscou, de l'autre le profond
malaise que la collaboration d'une partie de l'épiscopat
avec le régime totalitaire a provoqué dans beaucoup
d'Eglises. Avec Moscou, la crise a cristallisé en 1995-96
sur la situation de l'Eglise d'Estonie. Autonome sous
la protection de Constantinople dans l'entre-deux-guerres,
intégrée après 1940-45 dans le patriarcat de Moscou,
cette Eglise tente aujourd'hui de se reconstituer, mais
elle se divise, les Soviétiques ayant largement russifié
le pays. D'où le conflit entre Constantinople et Moscou,
de sorte que le patriarche russe n'est pas venu à la
synaxe tenue à Patmos à la fin de septembre 1995. Surmontée
en mai de l'année suivante, la crise pourrait renaître
à propos de l'Ukraine où la situation reste chaotique.
En
Bulgarie d'autre part, le malaise que j'évoquais tout
à l'heure est allé jusqu'au schisme. Au début d'octobre
1998, une troisième synaxe, au complet cette fois, s'est
réunie à Sofia. Le schisme a été effectivement surmonté
mais la logique de désintégration est telle qu'il recommençait
dix jours plus tard.
Tout
cependant n'a pas été vain dans ce dur combat du patriarcat
œcuménique pour manifester l'unité orthodoxe. Deux acquis
subsistent : d'une part la pratique des synaxes qui
rassemblent, pour une réflexion et une action communes,
tous les primats des Eglises autocéphales ; d'autre
part, dans les pays de la diaspora où se juxtaposaient
les juridictions, la formation d'Assemblées d'évêques
sous la présidence du représentant de Constantinople.
En France, cette Assemblée, vient de fêter son premier
anniversaire.
Dans
le domaine œcuménique, Bartholomée fait face, tant bien
que mal, à la poussée d'intégrisme anti-occidental qui
enfièvre actuellement la plupart des Eglises orthodoxes...
Crainte de la modernité dont on ne veut voir que les
aspects négatifs, refus des sous-produits de la culture
américaine, maladresses des confessions occidentales,
poussée des sectes et maintenant, de plus en plus, du
bouddhisme et de l'islam d'où l'exaspération des nationalismes,
tout explique ce repliement, voire cette agressivité.
A quoi s'ajoute l'influence d'une sorte d'internationale
millénariste qui va de certains monastères athonites
et des vieux calendaristes grecs à l'aile droite de
l'Eglise russe-hors-frontières, maintenant présente
en Russie même, en passant par le soi-disant patriarche
de Kiev Philarète et ses succursales en Occident, sans
oublier certains évêques serbes.
Bartholomée
a maintenu jusqu'à l'été 1993 le travail de la grande
commission mixte orthodoxe-catholique. Cette année-là,
à Balamand, dans le nord du Liban, cette commission
a élaboré un texte décisif où les deux «Eglises-soeurs»
ont trouvé un accord sur le problème de l'uniatisme
: les catholiques renonçant solennellement à celui-ci,
les orthodoxes s'engageant à tolérer momentanément les
communautés grecques catholiques. Le patriarche veut
aller plus loin : il favorise le «groupe de Kiev» qui
réunit des théologiens grecs-catholiques et orthodoxes
et cherche les voies d'une intégration mutuelle, que
souhaitent aussi les uniates du Proche-Orient.
Mais
l'accord de Balamand, sans parier de ces prolongements
encore discrets, n'a été accepté ni par toutes le Eglises
orthodoxes, ni par toutes les Eglises grecques-catholiques.
Et depuis 1993, la grande commission mixte n'a pas pu
se réunir.
Pire : le patriarche lui-même a dû partiellement céder
à ses intégristes sur le problème de la primauté romaine.
Depuis deux ans, et malgré des visites ferventes à Rome,
il n'a cessé d'affirmer que rien dans les Evangiles
ne fonde cette primauté. Et certes rien dans les Evangiles
ne justifie les Didactus papae de Grégoire VII, ni le
dogme de 1870, ni l'Etat du Vatican, mais la vocation
de Pierre est clairement dessinée, comme l'affirmait
le Tomos Agapis. Il est regrettable que devant la mobilisation
anti-romaine de l'orthodoxie les ouvertures de Jean-Paul
Il - Orientale Lumen, note sur le Filioque, appel à
étudier ensemble les modalités d'exercice de la primauté
- aient été à ce point ignorées.
Du
côté du monde protestant, le patriarche n'a pu empêcher
l'assaut en règle contre le Conseil œcuménique, ni le
retrait total ou partiel de plusieurs Eglises orthodoxes.Il
est trop tôt pour mesurer les conséquences de la récente
Assemblée générale d'Harare. Peut-être, comme en 1948,
Constantinople sauvera-t-elle la participation orthodoxe
au Conseil.
Le
destin de Bartholomée 1er est aujourd'hui un destin
tragique. Quoi qu'il arrive, nous sommes sûrs d'une
chose, c'est qu'il continuera de lutter, et ici, je
le cite, «pour une conscience ecclésiale libre de toute
structure idéologique et d'un retrait inerte dans un
formalisme institutionnel». Dans cette lutte entre la
foi et le destin, il nous reste à aimer et à aider ce
grand patriarche : pour la foi, contre le destin.
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