La Tradition de l'Eglise a accordé, au cours
des siècles, à l'Eglise de Constantinople
- comme à toute autre Eglise locale d'ailleurs,
selon le cas chorogéographique et temporel -
certaines modalités canoniques pour accomplir
l'uvre sotériologique qu'accomplit chaque
Eglise locale dans l'espace et dans le temps. Ces modalités
peuvent être réparties en différentes
catégories.
1.-
La juridiction de l'(Archi)épiscopalie de Constantinople
C'est la ville épiscopale de Constantinople -
y compris son hinterland (arrière-pays) - dont
l'(arch)évêque porte le titre de (est le)
patriarche du Patriarcat homonyme. De même, la
presqu'île hagiorite du Mont Athos est considérée
comme territoire de l'(archi)épiscopie de Constantinople,
car le patriarche est l'évêque de ce lieu,
exerçant la plénitude des droits épiscopaux.
2.-
La juridiction du " Patriarcat de Constantinople
"
Les limites géo-ecclésiastiques du Patriarcat
de Constantinople - comme des autres quatre Patriarcats
(anciens) d'ailleurs - reposent sur des fondements historico-canoniques.
L'événement décisif pour les Eglises
patriarcales a été le 4è Concile
cuménique de Chalcédoine (451).
Comme l'on sait, l'uvre canonique de ce concile
a consisté à la constitution de nouvelles
" entités géo-ecclésiastiques
", qualifiées par le terme "Patriarcat"
(voir
note 1). II s'agit d'une nouvelle existence
canonique, inconnue dans la tradition de l'Eglise jusqu'alors,
qui reflète la volonté de l'Eglise - créant
l'ensemble des Patriarcats - de s'administrer synodalement
dans toutes les manifestations de sa vie " institutionnelle
". L'Eglise a regroupé donc au cours des
4e et 5e siècles les " métropoles
autocéphales " du vaste Empire romain en
Patriarcats pour mieux organiser et aider, à
travers l'institution du " synode local ",
l'Eglise locale.
Une question se pose toujours à ce propos : depuis
quand le Patriarcat de Constantinople existe-t-il en
tant que tel ? La réponse demeure claire : depuis
que les autres Patriarcats ont pris naissance en tant
que tel par la volonté conciliaire de l'Eglise,
au 4è Concile cuménique (451). Dans
cette perspective patriarcale, conciliairement établie,
le Patriarcat de Constantinople avait acquis la deuxième
place dans la taxis (des diptyques) canonique des Eglises.
Par ailleurs, ce même 4è Concile cuménique
"désigna" d'une autre manière,
sans la mentionner expressis verbis, l'autocéphalie
de l'Eglise de Chypre qui avait été déterminée
par le 3è Concile cuménique d'Éphèse
(431). Ledit Concile confirma une pratique ecclésiale
transmise par la tradition métropolitaine de
l'Eglise, alors que, par la suite, le 4è Concile
cuménique (451) reconfirma " par son
silence " la même autocéphalie administrative
de Chypre en regroupant toutes les autres métropoles
et diocèses de l'Empire romain en Patriarcats
sans y intégrer l'Eglise autocéphale de
Chypre. C'est la formation des cinq entités ecclésiales
auxquelles la tradition canonique de l'Eglise accorda
la qualité patriarcale caractérisée
par ce qu'on appelle aujourd'hui un droit ecclésial
" absolu ".
Pour récapituler l'évolution canonique
de l'Eglise au cours des cinq premiers siècles,
on peut présenter les étapes successives,
bien distinctes, de son organisation :
1. Episcopè / Eglise locale (Nouveau Testament/3
premiers siècles)
2. Métropole (1er Concile cuménique
de Nicée - 325)
3. Eglise autocéphale (3e Concile cuménique
d'Éphèse - 431)
4. Patriarcat (4e Concile cuménique de
Chalcédoine - 451)
5. La Pentarchie des Patriarcats (4e Concile cuménique
- 451)
Ce dernier élément, celui de la pentarchie,
constitue un système canonique -et non pas une
institution- fondé sur le principe de l'indépendance
administrative ecclésiastique (autocéphalie)
réservant une juridiction propre dite patriarcale
(jus patriarchati), inventé(e) canoniquement
par l'Eglise (4è Concile cuménique
de Chalcédoine - 451). La pentarchie synodale
vient s'ajouter au système métropolitain
(1er Concile cuménique de Nicée
- 325) et au système de l'autocéphalie
(3è Concile cuménique d'Éphèse
- 431). En effet, l' coumènè chrétienne
d'alors s'organisait ecclésialement autour de
cinq centres de gravité ou de primat, coïncidant
avec les centres historiques majeurs de la chrétienté
: c'est-à-dire Rome, Constantinople, Alexandrie,
Antioche et Jérusalem. II s'agit d'une répartition
administrative conciliaire de l'autorité -synodale-
de l'Eglise en cinq patriarcats désignant / voulant
exprimer la manifestation de la synodalité dans
son administration suprême et de laquelle font
également partie, par la suite et à ce
jour, les Eglises autocéphales. Cette articulation
structurale a des incidences ecclésiologiques
depuis sa constitution conciliaire.
C'est ainsi que le système de la Pentarchie inventé
par l'Eglise au 4e Concile cuménique de
Chalcédoine (451), selon la taxis canonique adoptée
alors, présente la structure suivante : 1. Patriarcat
de Rome, 2. Patriarcat de Constantinople, 3. Patriarcat
d'Alexandrie, 4. Patriarcat d'Antioche et 5. Patriarcat
de Jérusalem.
Or l'Eglise de Constantinople se présente alors
comme possédant une " nouvelle existence
canonique " avec un territoire canonique de sa
circonscription patriarcale qualifiée historiquement
par la ville de Constantinople et les trois éparchies
limitrophes (Thrace, Pont et Asie Mineure). On devrait
par la suite le définir choro-géographiquement
par les quatre mers (Noire, Méditerranée,
Adriatique et Baltique), comme le deuxième trône
patriarcal dans le " système de la pentarchie
" des Patriarcats, et jouissant d'une primauté
d'honneur -selon la taxis - au sein de l'Eglise orthodoxe
" répandue à travers tout l'univers
" (voir
note 2) après la " désunion ecclésiale
" survenue en 1054.
3.-
L'exercice du " droit préjuridictionnel
" du Patriarcat
Cette modalité est également liée
à la notion de patriarcat définie parle
4è concile cuménique (451). En effet,
comme les autres patriarcats, le Patriarcat cuménique
(voir note
3) de Constantinople englob(ait)e, hier comme aujourd'hui,
plusieurs nations-ethnies. Cela est une caractéristique
fondamentale qui qualifie, entre autres, les patriarcats.
La procédure conciliaire réalisée
au sein de la Tradition canonique de l'Eglise pour les
autres Eglises patriarcales d'alors, fut également
la même pour ce qui concerne le Patriarcat cuménique
(voir note
4). En effet, l'Eglise, par voie conciliaire (voir
note 5), lui confia les diocèses (voir
note 6) de la Thrace, du Pont et de l'Asie Mineure,
en lui accordant le "jus patriarchi", le droit
de juridiction d'un patriarche, comme cela avait été
le cas pour les quatre autres patriarches, ceux de Rome,
d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. II
acquit alors un " droit juridictionnel territorial
" dans les limites de son patriarcat. Le territoire
patriarcal juridictionnel - jusqu'à la fin du
1er millénaire - est étendu et déterminé
historiquement et choro-géographiquement par
quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique
et Baltique). Or, sur le territoire européen,
il s'agit bien de la péninsule Balkanique toute
entière prolongée vers les pays nordiques
(Europe centrale et orientale). L'attribution de ce
territoire juridictionnel, on l'a vu, date du 4è
Concile cuménique (451) et, par la suite,
de l'attachement à ce trône patriarcal
de l'Illyricum orientale (731). Par conséquent,
depuis 451 / 731 jusqu'en 1593 (autocéphalie
et patriarchie de l'Eglise de Russie) et 1850 (autocéphalie
de l'Eglise de Grèce), le territoire déterminé
ci-dessus lui demeurait juridictionnellement propre.
A partir de ces dernières dates, son " territoire
juridictionnel " entier commence à être
canoniquement " amputé " par la proclamation
des différentes autocéphalies ecclésiales,
car le Patriarcat constantinopolitain, pour affronter
le nationalisme et l'étatisme accrus - transmis
et apparus depuis le début de 19e siècle
dans les Balkans -, qui avaient commencé à
contaminer la communion des différentes ethnies-communautés
ecclésiales (voir
note 7), réactiva le " système
de l'autocéphalie " que l'Eglise avait déjà
connu dans sa tradition conciliaire. L'acquis de ce
"droit juridictionnel territorial " dont nous
venons de parler, constitue la raison principale justifiant
la proclamation des autocéphalies ecclésiales.
Pour appliquer ce droit accordé conciliairement
par l'Eglise, le Patriarcat de Constantinople demeure
seul à proclamer des autocéphalies.
La soustraction progressive des territoires du Patriarcat,
appartenant à des Eglises autocéphales
canoniquement proclamées en tant que telles,
changea la structure géo-ecclésiastique
de l'Europe centrale et orientale, mais cette dernière
rest(ait)e un " territoire ex-juridictionnel "
(d'un sens / contenu non définitif) ou plutôt
un " territoire préjuridictionnel "
(voir note
8).Ce terme donc - qui est un néologisme
- qualifie le territoire d'une Eglise autocéphale
émancipée par une juridiction ecclésiale,
toujours patriarcale, où l'Eglise patriarcale-mère
n'exerce aucune autorité ecclésiastique
juridictionnelle, spirituelle ou administrative, car
cette Eglise est autocéphale. Il faut rappeler
ici encore que parmi les cinq Patriarcats anciens, le
Patriarcat de Constantinople demeure le seul, pour des
raisons historiques et théologiques, qui pour
faire face à des circonstances pluriformes extrêmement
difficiles, procéda au système de l'autocéphalie
dans son ressort territorial patriarcal propre pour
les peuples ethniques formant un État national.
Les autres quatre Patriarcats anciens ; (à savoir,
de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem)
n'ont pas pratiqué ce système ecclésial.
Or une Eglise autocéphale moderne constitue,
toujours et par définition, un " territoire
préjuridictionnel " du Patriarcat de Constantinople,
duquel elle est issue et canoniquement émancipée.
Mais elle ne constitue pas un " territoire ex-juridictionnel
".
Cela s'explique par le fait qu'en cas d'abolition d'une
Eglise autocéphale locale (cf. les autonomies
ecclésiastiques de Serbie et de Bulgarie au cours
du 12e siècle, ainsi que l'exemple récent
de l'Eglise autocéphale d'Albanie (1967-1991)),
la juridiction en revient à l'Eglise patriarcale
de Constantinople ayant le plein droit canonique, ainsi
que l'initiative canonique d'agir pour restaurer l'autocéphalie
abolie par les différentes circonstances. De
ce point de vue, dans l'Eglise orthodoxe, le "
territoire préjuridictionnel " du Patriarcat
de Constantinople est constitué de l'ensemble
de tout ressort territorial canonique des Eglises autocéphales,
-à l'exception de l'Eglise autocéphale
de Chypre, dont l'autocéphalie a été
proclamée par le 3è Concile cuménique
d'Éphèse (431), et des quatre Patriarcats
anciens bien entendu - circonscrites dans les limites
" géo-patriarcales " définies
par les (2è, 4è et le Quinisexte) conciles
cuméniques, c'est-à-dire de l'Europe
centrale et orientale. En conséquence, ce droit
ecclésial ne manifeste pas une " primauté
juridictionnelle ", mais, au contraire, il explique
le lien qui (doit) existe(r) entre l'Eglise patriarcale-mère
et les Eglises autocéphales issues de son sein.
La juridiction ecclésiale du Patriarcat cuménique
n'est pas en réalité universelle. En tant
qu'entité (géo)ecclésiale déterminée
par un territoire donné (caractéristique
de l'indigénité (" entopiotès
" en grec) mais aussi que Patriarcat, il est (si
étrange que cela puisse paraître) en voie
de limitation. Le fait d'activer le système de
l'autocéphalie - il était tout à
fait libre de ne pas le faire - signifie qu'il a procédé
à un acte canonique par libre choix ayant comme
but initial et unique la sauvegarde de l'unité
ecclésiale à l'intérieur de son
ressort territorial patriarcal au ... " détriment
" de son intégralité territoriale.
Cela en fait " coûta " - extérieurement
et, si l'on veut, politiquement parlant -, du point
de vue territorial, la diminution de sa juridiction
territoriale traditionnelle, ce qui représente
bien entendu une certaine valeur mais seulement relative,
en vue de rester en communion ecclésiale permanente
avec les peuples ethniques se trouvant dans son espace
juridictionnel patriarcal, émancipés par
les autocéphalies ecclésiales.
Or, les (neuf) Eglises autocéphales existantes
à ce jour - à la seule exception de l'Eglise
autocéphale de Chypre qui ne fit jamais partie
du territoire juridictionnel d'un des cinq Patriarcats
-, à savoir, les Eglises de Russie, de Serbie,
de Roumanie, de Bulgarie, de Géorgie, de Grèce,
de Pologne, d'Albanie et de Tchéquie et Slovaquie,
constituent un " territoire préjuridictionnel
" du Patriarcat cuménique. La fondation
des Eglises sus-mentionnées explique manifestement
la constitution conciliaire du " Patriarcat "
par l'Eglise, qui, comme on l'a dit, est (son territoire)
en voie de limitation. L'Eglise locale orthodoxe d'un
Etat, ayant acquis son autocéphalie ecclésiale,
exerce dans les limites étatiques une juridiction
positive strictement réservée aux limites
de cette Eglise autocéphale (juridiction intraorius).
Le territoire de cette Eglise autocéphale étant
soustrait de ce (territoire) du Patriarcat, il n'est
plus juridiction de ce dernier, car cette Eglise émancipée
est " autocéphale ". En revanche, après
toutes ces proclamations de l'autocéphalie précitées,
le Patriarcat cuménique de Constantinople
exerce une juridiction soustractive réelle -
sans que cela veuille dire qu'il perde sa notion positive
- sur le territoire patriarcal qui reste après
les proclamations canoniques. En d'autres termes, cette
juridiction soustractive patriarcale concerne les territoires
qui restent en dehors des limites des Eglises autocéphales,
territoires qui n'appartiennent pas à une autre
Eglise autocéphale.
Pour éclaircir encore la question posée,
ajoutons que le droit des cinq patriarches accordé
par le 4è Concile cuménique de Chalcédoine
(451), porte entre autres une double notion : c'est
(a) un droit territorial et (b) un droit juridictionnel
Le premier est lié à la répartition
territoriale entre les cinq Patriarcats faite par le
Concile lui-même. Le second regarde l'espace intrajuridictionnel
de chaque trône patriarcal. Le privilège
patriarcal originel et l'initiative canonique du Patriarcat
cuménique - fondée sur le droit
juridictionnel territorial comme droit d'émancipation
- de proclamer des Eglises autocéphales dans
son " territoire juridictionnel " fait exclusivement
partie de sa seconde qualité en tant que Patriarcat.
A celle-ci est également liée la notion
de " territoire préjuridictionnel ",
développée plus haut.
Or, toutes les Eglises autocéphales possèdent
la première qualité en ayant leur ressort
territorial propre, dans lequel elles peuvent agir canoniquement
selon les principes découlant de leur autocéphalie
(droit plein), sans pour autant qu'elles aient le droit
- et cela ressort des mêmes principes - de sortir
des limites de ce territoire canonique pour exercer
une juridiction hyperorius La seconde qualité
est donc strictement réservée aux cinq
anciens Patriarcats (droit absolu) (voir
note 9). C'est pour cette raison également
que les Eglises autocéphales en tant que Patriarcats
(modernes) peuvent accorder une autonomie (droit relatif)
ecclésiale intraorius- et non hyperorius-, mais
non plus une autocéphalie tant dans leur territoire
intrajuridictionnel que, encore moins, dans un autre
territoire hyperorius. On doit souligner de même
que le Patriarcat cuménique a historiquement
respecté, dans tous les cas, l'autocéphalie
patriarcale et l'intégrité du territoire
juridictionnel des autres trônes patriarcaux proclamant
des Eglises autocéphales uniquement dans les
limites de son territoire patriarcal canonique : ce
sont celles (Eglises autocéphales) qui se trouvent
dans son " territoire préjuridictionnel
". Il a donné l'exemple et ainsi formulé
la règle d'or d'un comportement canonique bien
entendu "non hyperorius".
Nous proposons donc cette nouvelle approche du "territoire
préjuridictionnel" sur la question posée,
qui a manifestement un fondement canonique, étant
donné que les autocéphalies ecclésiales
récentes n'ont pas encore été revêtues
d'une affirmation canonique conciliaire. En utilisant
ce terme nous n'entendons cependant aucune notion de
perspective d'assimilation des Eglises autocéphales
de la part du Patriarcat cuménique. Le
terme canonique "Eglise-Mère" (Mater
Ecclésia) par ailleurs est bien justifié
par le terme " préjurdictionnel " et
ce dernier est en fait expliqué par lui. C'est
pour cette raison que le Patriarcat cuménique
s'est avéré être un récepteur
sensible des problèmes des Eglises autocéphales
orthodoxes et, qu'en sa qualité d'Eglise-Mère,
il a soutenu leur lutte, comme il en avait le devoir
ecclésial de diverses manières.
4.-
La primauté d'honneur du Patriarcat
Le Patriarcat cuménique de Constantinople
jouit, par ailleurs, après la désunion
et à la place de Rome, d'une " diaconie
préventive " acquise et reconnue diachroniquement
par les autres Eglises orthodoxes, tant patriarcales
qu'autocéphales en raison de la taxis canonique
en tant que " primus inter pares " dans l'Eglise
orthodoxe. Cette primauté qui est une "
primauté de diaconie " (voir
note 10) et pas une primauté de pouvoir,
lui accorde la présidence - selon la taxis de
l'Eglise orthodoxe - parmi les primats des Eglises patriarcales
ou autocéphales afin qu'une " égalité
d'honneur de bonne taxis " règne parmi eux
(voir
note 11). Elle se traduit par un rôle de droit
d'appel, de coordination et de responsabilité
particulière en ce qui concerne la communion
(koinonia) entre les Eglises.
Récapitulant la pratique de l'institution de
l'Eglise locale des trois premiers siècles de
l'ère chrétienne, de même que celle
du système métropolitain (1er Concile
cuménique - 325) et du système de
l'autocéphalie (3è Concile cuménique
- 431), le 4è Concile cuménique
de Chalcédoine (451) s'orienta consciemment vers
la formation des entités géo-ecclésiastiques
nouvelles, inexistantes jusqu'alors comme telles : les
Patriarcats (il a fallu quatre siècles pour que
l'Eglise puisse arriver à une étape d'organisation
globale). Ce fait historique au sein de l'Eglise marque
aussi bien une taxis dans la " koinonia "
entre Eglises, qu'une volonté constante de manifestation
de la synodalité dans l'administration de l'ensemble
de l'Eglise. Cinq Eglises patriarcales et une Eglise
autocéphale (de Chypre) assuraient donc la perspective
visée par les fermentations canoniques de cette
époque.
Le
Patriarcat cuménique aujourd'hui :
TURQUIE
1.- Archiépiscopie de Constantinople
2.- Métropole de Chalcédoine
3.- Métropole d'Imbros et Ténédos
4.- Métropole des Îles des Princes
5.- Métropole de Dercos
GRECE
1.- Eglise semi-autonome de Crète (8 Métropoles)
2.- Métropoles du Dodécanèse (4)
3.- Métropoles des Nouveaux Territoires (38)
(Administrées provisoirement par l'Eglise de
Grèce ; Acte patriarcal et
Synodal de 1928)
4.- Politeia monastique du Mont Athos
EUROPE
CENTRALE ET OCCIDENTALE
1.- Eglise autonome de Finlande (3)
2.- Eglise autonome d'Estonie (1)
3.- Eparchies de l'Europe centrale et occidentale (8)
AMERIQUE
1.- Archiépiscopie d'Amérique et huit
épiscopies (USA) (9)
2.- Métropoles d'Amérique du Nord et du
Sud (sauf USA) (3)
ASIE
1.- Métropole de Hong-Kong (1)
OCEANIE
1.- Archiépiscopie d'Australie (1)
2.- Métropole de Nouvelle Zélande (1)
Archimandrite
Grigorios Papathomas, professeur à l'Institut
de théologie orthodoxe Saint Serge
in
"Témoignage et Pensée Orthodoxes"
N°11-12 4è trimestre 1999
Retour
au sommaire
NOTES
1.-
Après la formation de l'Eglise locale à
l'époque de l'Eglise primitive, on observe que
l'exercice de la fonction synodale - qui exprime la
nature profonde de la conciliarité ecclésiale
- s'est coulée tout naturellement dans le cadre
des provinces de l'Empire romain. On constate dans le
regroupement des Eglises locales en 'Métropoles
administratives autocéphales", une pratique
largement manifestée dans l'uvre canonique
du 1er Concile cuménique de Nicée
(325). Le regroupement des Métropoles en répartitions
administratives plus vastes donna par la suite les [cinq]
Patriarcats (4è Concile cuménique
de Chalcédoine - 451) : cf. VI. PHIDAS, 'L: 'autocéphalie"
et l' "autonomie" dans l'Eglise orthodoxe",
in Néa Sion, t. 71 (1979). p. 9-19 (en grec).
Retour
au texte.
2.-
Voir le canon 57 du Concile local de Carthage (419)
; cf. canon 56 du Quinisexte Concile cuménique
in Trullo (691). Une Eglise qui s'étend "
d'un bout à l'autre de l'univers " (expression
dans l'offrande de la sainte Eucharistie ; divine liturgie
de St Basile le Grand de Césarée).
Retour
au texte.
3.-
Le patriarche de Constantinople prit, pour la première
fois, le titre (la qualification) ecclésiastique
de " patriarche cuménique " à
l'époque de l'empereur romain Justinien (527-565),
qui donna ce titre au patriarche Épihanios (520-535)
en 533. (Selon une autre opinion, le patriarche Jean
IV le Jeûneur (582-595) fut proclamé "
patriarche cuménique "). Depuis 533
(ou 588), le patriarche de Constantinople porte le titre
: " Archevêque de Constantinople, Nouvelle
Rome et Patriarche cuménique ". Cf.
Corpus Juris Civilis : t. III, Novellae, Berlin 1954,
v, p 28. Voir également l'article intéressant
de A. Tuilier, "Le titre de Patriarche cuménique
et le schisme entre les Eglises", in Messager de
l'Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale,
n° 60 (1967), p. 215-229 ; de même, S. VAILHÉ,
"Le titre de Patriarche cuménique
avant Saint Grégoire le Grand", in Echos
d'Orient, t. XI (1908). p. 65-69 et 161-171 ; A. Tuilier,
"Grégoire le Grand et le titre de Patriarche
cuménique", ln Colloques internationaux
du CNRS : Grégoire le Grand, Paris, éd.
du CNRS, 1986, p. 69-82 ; V. GRUMEL, "Le titre
de Patriarche cuménique sur les sceaux
byzantins", in Revue des Études Grecques,
t. 58 (1945), p. 212-218 ; A. TUILIER, "Le titre
de Patriarche cuménique à l'époque
de Michel Cérulaire et le schisme entre les Eglises".
ln Studia Patristica XI, Berlin, Akademie-Verlag, 1972,
p. 247-258 ; V. LAURENT, "Le titre du Patriarche
cuménique et la signature patriarcale (Recherches
de Diplomatique et de Sigillographie byzantines)",
in Revue des Études Byzantines. t. VI (1948).
p. 526 ; Avr. SPATHARIS, Le Patriarcat cuménique,
institution panorthodoxe séculaire, Athènes,
"Centre des Hellènes de Constantinople".
1958, p. 13-15 (en grec). En ce qui concerne le sens
du terme cuménique dans un contexte conciliaire.
voir A. Tuilier, "Le sens de l'adjectif cuménique
dans la tradition patristique et dans la tradition byzantine",
in Nouvelle Revue Théologique, t. 86, n°
3 (1964). p. 260-271, et in Studia Patristica VII, Berlin,
Akademie-Verlag, 1966, p. 413-424 ; J. E. ANASTASIOU,
"L'usage du terme cuménique par les
Conciles", in Grégoire Palamas, t. 49 (1966),
p. 21-36 (en grec).
Retour
au texte.
4.-
Cf. Damaskinos A. PAPANDREOU, "Le Patriarcat cuménique
dans les temps modernes", ln Constantinople, le
Patriarcat cuménique et les monuments byzantins,
Athènes- Chambésy, Centre orthodoxe du
Patriarcat cuménique - E. Tzaphéris
(éd. française), 1989, p. 293-339.
Retour
au texte.
5.-
Le Patriarcat cuménique est cité
comme trône alors métropolitain important
dés le 2è Concile cuménique
de Constantinople, en 381 ap. J.-C., et, relativement
aux "droits d'honneur", il se trouve immédiatement
après le Patriarcat de Rome. Selon le 3e canon
du Concile précité, la place de l'évêque
de Constantinople, quant aux droits d'honneur, est "
après l'évêque de Rome, car elle
[Constantinople] est la " nouvelle " Rome
". Ce canon fut réaffirmé par le
28è canon de 4è Concile cuménique
de Chalcédoine (451 ap. J.-C.) et répété
dans le 36è canon du Quinisexte Concile cuménique
in Trullo (691 ap. J.-C.). Ainsi, le Patriarcat cuménique
acquit la première place parmi les Patriarcats
de la "partie orientale de l'Empire romain",
ce qui avait été alors reconnu également
par l'autorité politique impériale : "
L'Eglise de Constantinople est la tête de toutes
les autres " (Codex Justinianus, t, 2. 24, et Novelle
n° 123). Le texte impérial veut accentuer
une priorité de l'Eglise locale de la capitale,
mais il respecte la taxis canonique préexistante
vis-à-vis de l'Eglise de Rome qui avait acquis
une priorité pour des raisons analogues.
Retour
au texte.
6.-
" Dioclétien, à la fin du 3è
siècle, avait partagé tout l'Empire romain
(Occident et Orient) en douze diocèses civils
groupés en quatre grandes préfectures.
Trois de celles-ci (Italie, Gaule. et Illyrie) constituèrent
le Patriarcat de Rome. La quatrième préfecture
dite préfecture d'Orient avait cinq diocèses
civils : la Thrace, l'Asie, le Pont, le diocèse
d'Orient [Antioche] et l'Egypte [Alexandrie]. Les trois
autres diocèses civils de Thrace. Asie, et le
Pont, [...] donnèrent naissance au Patriarcat
de Constantinople " ; P. LESOURD et J.-M. RAMIZ,
Le pape et le patriarche. Paris 1964, p. 9-10.
Retour
au texte.
7.-
Durant la période de l'ottomanocratie, parmi
les asservis qui constituaient une "mosaïque
des nationalités", le lien de base était
l'Orthodoxie ecclésiale au sein du Patriarcat
de Constantinople.
Retour au texte.
8.-
Il s'agit d'une approche développée dans
notre étude " Le Patriarcat cuménique
de Constantinople, les Eglises autocéphales orthodoxes
de Chypre et de Grèce, et la Politeia monastique
du Mont Athos dans l'Europe unie Approche nomocanonique
", (Thèse de Doctorat en droit canonique,
présentée à la Faculté de
Droit de l'Université Paris Xl et à la
Faculté de Droit canonique de l'Institut Catholique
de Paris), vol. 1, Paris 1994, p. 124-130, et reprise
ici d'une manière adaptée au sujet du
présent article.
Retour au texte.
9.-
Voir la qualification interprétative et distinctive
de chaque entité géo-ecclésiale
qu'elle soit un Patriarcat ([ancien] qui porte un droit
absolu), une Eglise autocéphale (qui porte un
plein droit) et une Eglise autonome (qui porte un droit
relatif), faite correctement par le canoniste Pr. AKANTHOPOULOS,
Les institutions de l' "autonomie" et de I'
"autocéphalie" des Eglises orthodoxes
selon le droit positif du Patriarcat cuménique
au XIXè et XXè siècles, Thessalonique
1988, p. 32 (en grec).
Retour
au texte.
10.-
Cf. BARTHOLOMEOS de Philadelphie (actuel patriarche
cuménique), "Le Patriarcat cuménique
et sa fonction au sein du monde chrétien"
(interview) in Episkepsis, n° 334 (15-4- 1985),
p. 11.
Retour
au texte.
11.-
Cf. Pidalion, Athènes 1993, p. 157-158 (en grec).
Retour
au texte.