Acte
patriarcal et synodal de 1996
réactivant le Tomos patriarcal et synodal de 1923
Bartholomée,
par la grâce de Dieu archevêque de Constantinople, Nouvelle
Rome,
et patriarche œcuménique
Acte patriarcal et synodal
« C’est une coutume généralement reconnue que les régimes juridiques
concernant les communautés ecclésiales changent de statut suivant
les changements des autorités et ordres administratifs civils
», a déclaré le sage patriarche Photius le Grand.
Étant donné, par conséquent, que les chrétiens orthodoxes vivant
en Estonie et constituant une partie précieuse de la nation
estonienne ont demandé de la très sainte Eglise de Constantinople,
l’Eglise mère historique de tous le peuples orthodoxes en Europe
orientale et centrale, une protection spirituelle ainsi qu’un
règlement convenable de leur situation spécifique, celle-ci,
étant une mère affectueuse, accepta la demande libre et unanime
de ses enfants et donna sa bénédiction à l’Eglise orthodoxe
estonienne afin qu’elle soit autonome sous le Patriarcat œcuménique
en vertu du Tomos promulgué par notre prédécesseur de bienheureuse
mémoire, le patriarche œcuménique Mélétios IV en juillet de
l’an 1923.
Cependant, vingt ans après, lorsque la liberté et l’indépendance
de l’État estonien furent supprimées par la force, l’autonomie
ecclésiastique des Chrétiens orthodoxes en Estonie fut également
abolie, leur métropolite Alexandre ayant cherché refuge, accompagné
de plusieurs prêtres et de milliers de fidèles, en Suède en
mars de l’an 1944. L’Eglise autonome d’Estonie fut soumise à
l’Eglise de Russie en conformité, bien sûr, au changement politique
qui eut lieu à l’époque, mais non pas selon un processus conforme
à l’ordre canonique.
Ce très saint Trône apostolique, patriarcal et œcuménique, en
tant que gardien de l’« acribie » canonique, n’accepta pas l’atteinte
portée par la force et la tyrannie à l’ordre canonique: pendant
de longues années il persista à considérer comme valide l’autonomie
de l’Eglise orthodoxe estonienne, représentée selon le droit
canon par les Estoniens orthodoxes réfugiés, vivant en exil
en dehors des frontières de ce qu’était alors l’Union soviétique.
Dans ce même esprit, en 1978, l’Eglise-Mère de Constantinople,
usant de l’« économie » ecclésiale et accédant fraternellement
à une prière de l’Eglise de Russie, en raison des circonstances,
proclama par le biais d’un Acte patriarcal et synodal que le
Tomos de l’an 1923 n’était plus applicable, ce qui signifie
qu’il ne pouvait pas à l’époque produire des effets à l’intérieur
de l’Estonie, pays faisant alors partie de l’Union Soviétique,
mais n’était pas pour autant nul ou invalide ou aboli.
Voici, cependant, que l’Estonie, étant redevenue depuis 1991
un État libre et indépendant, exige, conformément à ce qui est
valable pour toutes les nations orthodoxes, que soit restauré
le régime d’autonomie précédent de l’Eglise orthodoxe d’Estonie
par le truchement de la réactivation du Tomos patriarcal et
synodal de 1923 et que revienne à la terre ancestrale, où elle
avait été abolie, l’Eglise orthodoxe apostolique estonienne
- selon son titre officiel depuis 1935 - ayant survécu en exil.
Conformément à cette requête, la très sainte Eglise-Mère de
Constantinople, procédant en conformité avec les saints et divins
canons 9 et 10 du saint IVe Concile œcuménique à Chalcédoine
qui commandent : « Si un évêque ou un clerc a quelque chose
contre le métropolitain de la province, il doit porter l’affaire
devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville
impériale de Constantinople, et s’y faire rendre justice » (canon
9) ; et « Si l’évêque pense que son propre métropolitain l’a
desservi, qu’il porte l’affaire devant l’exarque du diocèse
ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit
plus haut » (canon 17), considérant que les Eglises des diverses
nations, et notamment de celles qui furent constituées en États
libres et indépendants, doivent se constituer en Eglises autonomes
et autocéphales chacune sous ses propres archevêques et évêques,
accepta la juste demande des chrétiens orthodoxes d’Estonie
et celle de l’honorable gouvernement d’Estonie de procéder au
plein rétablissement en EStonie de l’Eglise apostolique orthodoxe
estonienne existant avant 1940 en tant qu’Eglise autonome relevant
du Patriarcat œcuménique.
Par conséquent, notre humble personne, entourée des très saints
métropolites et dignitaires, nos chers frères en l’Esprit Saint
et co-célébrants en Christ, ayant conféré en session synodale
avec eux et ayant, comme il se doit, pris en considération toutes
choses afférant au gouvernement et à la gestion des choses ecclésiales
ainsi qu’au devoir de sollicitude pastorale qui lui incombe
selon les us et coutumes canoniques dont bénéficie depuis toujours
le très saint Trône œcuménique - selon lesquels il harmonise
et arrange la fondation et la constitution des Eglises de manière
conforme aux besoins de chaque époque afin que l’ensemble du
corps ecclésial puisse chaque fois fonctionner convenablement
et être gouverné sans encombre ni obstacles - proclamons donc
à nouveau valide le Tomos patriarcal et synodal de 1923 concernant
le Diocèse métropolitain orthodoxe d’Estonie dans son ensemble
et reconnaissons comme continuateurs légitimes de l’Eglise orthodoxe
apostolique d’Estonie ceux qui acceptent et qui ont préservé
de manière ininterrompue la continuité de celle-ci.
En même temps, considérant les inquiétudes de Sa Béatitude notre
frère le patriarche Alexis de Moscou et de toute la Russie concernant
les fidèles immigrés orthodoxes d’origine russe vivant en Estonie,
installés là-bas pendant que l’Estonie faisait encore partie
de l’Union Soviétique, nous proclamons notre ferme volonté que
soit assurée sans obstacles leur vie ecclésiale normale : ils
feront donc partie intégrante de l’Eglise autonome d’Estonie,
organisés sous leur propre évêque de langue russe, et espérons
que leur situation canonique et légitime sera réglée dans un
esprit d’amour et de paix et dans la prise de conscience de
l’unité fraternelle de tous les peuples orthodoxes.
Pour que cette réglementation ecclésiastique concernant la réactivation
du Tomos patriarcal et synodal de 1923 soit formulée de manière
incontestable et permanente, notre présent Acte patriarcal et
synodal fut rédigé. Il fut formulé et consigné en ce Code sacré
de notre sainte Grande Eglise du Christ et une copie conforme
fut envoyée au locum tenens nommé pour l’Eglise orthodoxe apostolique
autonome d’Estonie, Son Éminence et notre cher frère l’archevêque
Jean de Carélie et de toute la Finlande afin qu’elle soit déposée
aux archives de l’Eglise autonome de Finlande.
En l’an de grâce 1996, le 20 février
Bartholomée, archevêque de Constantinople
(Suivant les signatures des membres du Saint-Synode de l’Eglise
de Constantinople).
Notes
Extrait
des Revues Épiskepsis, t. 27, n° 528 (29-2-1996), p. 2-4, et
Istina, t. 41, n° 3 (1996), p. 314-316.
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